Nicolas COUTURIEUX, vous êtes multi-entrepreneur, producteur d’art, agent d’artistes, vous avez créé vos propres galeries et lieux d’expositions d’art, notamment avec le Hangar 107. C’est un parcours impressionnant. Qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?
Nicolas Couturieux : Sans aucun doute la passion. Lorsqu’il s’agit de musique ou d’art contemporain, je n’ai tout simplement pas l’impression de travailler. Généralement on me contacte pour de l’acquisition d’art ou pour du conseil, les choix sont donc multiples, il en découle de longues conversations, des débats, c’est cela qui m’anime, l’échange entre passionnés.
D’où vous vient cette passion pour l’art ?
N. C. : Mon père avait pour hobbies la caricature, mon grand-père paternel était architecte de profession, je me souviens qu’une grande table a dessin était présente dans sa salle à manger ; le dessin a été au centre de ma vie dès le plus jeune âge. Ma mère quant à elle lisait beaucoup, la TV n’était que très rarement allumée chez nous. J’ai également suivi des cours au conservatoire de musique lors de mon enfance. Ajoutez à celade nombreuses vacances à visiter châteaux, cathédrales et musées, et le tour était joué, mon goût pour les arts s’est naturellement développé.
J’ai débuté ma vie professionnelle avec la musique, c’est seulement en 2011 que j’ai décidé de me dédier principalement à l’art contemporain.
Quels sont les productions dont vous êtes le plus fier aujourd’hui ?
N. C. : Sans hésiter, celles qui ont servi le public. Je pense au Hangar 107, un centre d’art 100% gratuit, ouvert à tous, ou encore aux opérations caritatives « Listen & Donate » et « Artistes à la Une ».
Hangar 107
N. C. : En 2018, l’entrepreneur normand Marc Laubiés, m’a proposé de m’associer à lui pour créer un nouveau modèle d’institution sur les bords de Seine : Le Hangar 107. Nous avons choisi de défricher un terrain dont je m’amuse à dire qu’il est « saturé de mauvaises herbes et d’odeurs de peinture aérosol ». S’il fallait positionner le centre d’art Rouennais sur la carte officielle des expressions artistiques, on pourrait le situerquelque part à la marge, entre graffiti et art contemporain. Les artistes que nous y exposons ont en commun leur trajectoire en forme d’échappée. À de très rares exceptions, ils ont commencé leur vie d’artistes dopés à l’adrénaline du graffiti. Puis, sur le seuil des galeries d’art, des musées, des résidences, ils sont allés voir au delà du tag.
Grace à ce lieu unique en France j’ai pu présenter les projets d’artistes singuliers et j’ai pu rendre compte de leurs richesses en éditant des catalogues et rendre ainsi accessible le discours dont ils sont porteurs.
Listen & Donate
N. C. : J’ai imaginé, l’opération caritative LISTEN & DONATE, afin d’aider un ami, PONE, alité depuis maintenant plus de 7 ans. PONE est un architecte musical incontournable du Hip Hop Français et co-fondateur de la Fonky Family. Il est atteint de la maladie de Charcot depuis 2015. Trachéotomisé, il vit entouré de sa famille dans le Sud Ouest de la France.
C’est à l’aide d’un ordinateur et d’un logiciel de poursuite oculaire qu’il arrive à écrire, à lire et à communiquer. En 2019, PONE réalise l’exploit de composer et de mixer un album uniquement grâce à ses yeux. Lorsqu’il a réalisé cette prouesse, je me suis dit qu’il fallait s’en servir pour faire avancer sa cause. C’est à ce moment que j’ai imaginé une opération caritative qui repose sur un mécanisme de don « gratuit », en effet il suffit d’écouter pour donner. En écoutant l’EP « LISTEN & DONATE » sur les plateformes de streaming, on génère des droits d’auteurs, et ce sont ces droits qui sont intégralement reversés à l’association de PONE. Son association, « Trakadom », à pour vocation de former des soignants et des aidants afin de permettre le retour à domicile des patients lourdement appareillés.
Nous avons signé cet EP chez Naïve (Believe), PONE s’est occupé des instrus, Kate Bush nous a fait l’honneur de nous prêter sa voix et JR c’est occupé des visuels. Une vraie Dream Team !
Quel regard portez-vous sur la scène artistique contemporaine en 2023 ?
N. C. : Je ne m’en lasse pas ! Je suis rassuré de voir que la créativité des artistes ne se tarit pas et que malgré des conjectures parfois extrêmement compliquée les artistes arrivent encore à s’exprimer. On le voit sur internet, dans les écoles d’arts, dans les foires, le talent est partout et il s’affiche de mille façons différentes. Pour moi ce n’était pas mieux avant, c’était mieux après !
Vous êtes un véritable « dénicheur de talents », comment parvenez vous à identifier le potentiel d’un jeune artiste ?
Je recherche avant tout de l’esthétisme et la singularité. Lorsque je trouve un artiste qui a ces deux critères, alors je creuse, j’aime qu’une œuvre soit plus qu’une simple image, j’aime qu’elle soit une histoire à raconter et même parfois une expérience à partager. Je prends toujours le temps de rencontrer les artistes, de partager leurs visions, leurs envies et leurs ambitions.
Quels conseils prodigueriez-vous aux collectionneurs et passionnés d’art avant de se lancer dans la constitution d’une collection contemporaine ?
N. C. : Je consacre une grande partie de mon temps à échanger avec des particuliers et des entreprises qui souhaitent monter une collection d’art contemporain et mon premier conseil est toujours le même : ne pas céder aux chants des sirènes et ne collectionner que ce qui leur plait vraiment. On n’achète pas une œuvre parce que l’artiste est sois disant un potentiel Basquiat ou le prochain Soulages. Il ne faut pas hésiter à se documenter, à échanger et j’ajouterais qu’il ne faut pas se presser car l’œil « se fait » avec le temps.
Quels sont vos projets actuels et en cours ?
N. C. : Le projet Update qui s’expose en ce moment même au cœur de Paris. Le fonds de dotation Gilles Treuil a rendu possible la production et la pose de ces 4 sculptures XXL de Rero, elles sont visibles (Place de la Madeleine, Rue Royale et Place Maurice Barrès). Nous en avons également profité pour éditer une magnifique collection de bronzes.
Toujours avec RERO, nous avons lancé le projet « AKRASIA » lors de festival Anticipation qui se déroulait début septembre à l’Académie du climat (Paris 4). Dans ce projet, l’artiste superpose ses mots barrés aux Warning Stripes (« bandes du réchauffement »). En utilisant ces graphiques de couleur inventés en 2016 par le climatologue Ed Hawkins, RERO souhaite inscrire la lutte contre le dérèglement climatique au cœur de l’espace public et rappelle l’urgence de s’adapter à ces nouvelles données.
Je prépare aussi l’exposition monographique de Guillaume Grando qui se tiendra au Hangar 107 pendant l’été 2024 et j’espère voir s’accomplir de nouveaux projets avec mon ami Tilt.
Parallèlement à ces projets, j’ai lancé la « Collection Walter », un projet BtoB qui permet aux sociétés et aux professions libérales de mettre un pas dans l’art contemporain via l’acquisition d’un pack sur mesure de lithographies signées, numérotées et encadrées. Des artistes tels que Tania Mouraud, Thomas Canto, Olivier Kosta-Théfaine sont présents sur ce projet.
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