Le cofondateur de PriceMinister et président de France Digitale est revenu, pour Forbes France, sur la démission d’Axelle Lemaire, saluant une interlocutrice de « premier choix », qui a su se faire accepter, en trois ans, par un écosystème pourtant largement échaudé par les premiers mois du quinquennat de François Hollande.
Axelle Lemaire a annoncé sa démission du gouvernement hier soir. Avez-vous été surpris par sa décision ?
N’étant pas dans « le secret des dieux », je n’étais évidemment pas au courant de sa démission même si j’avais entendu dire qu’elle menait une réflexion sur son mandat législatif. Toutefois, il est tout aussi vrai que le timing est un peu étrange, puisque nous sommes en fin de mandat, mais que celui-ci n’est pas officiellement terminé, ce qui complique un peu, à mon sens, la continuité de l’action gouvernementale. On a toujours l’impression qu’il y a beaucoup d’inertie dans la gestion des affaires publiques et que, de facto, tout le monde gère son agenda personnel avec beaucoup d’anticipation. Nous sommes en février et le quinquennat s’achève « seulement » en mai. Mais d’un autre côté, les arguments données par Axelle Lemaire sont tout aussi recevables et ne témoignent pas de tensions au sein du gouvernement, mais davantage d’une volonté d’être (ré)élue députée au sein d’une circonscription particulièrement importante (la troisième des Français de l’étranger ndlr, qui couvre un large spectre, en l’occurrence le Royaume-Uni, l’Irlande, les pays scandinaves, l’Islande, la Finlande et les pays baltes).
Pendant près de trois ans, elle a été l’une des interlocutrices privilégiées des membres de l’écosystème. Comment qualifieriez-vous vos échanges ?
Nous avions assez mal entamé le quinquennat de François Hollande avec « l’affaire des Pigeons » où beaucoup d’entrepreneurs et de protagonistes de l’économie numérique se sentaient assez peu reconnus dans la transformation digitale du pays et dans le cadre législatif qui l’accompagnait, notamment sur le front fiscal. Mais avec Emmanuel Macron, Fleur Pellerin puis Axelle Lemaire, nous avons eu des interlocuteurs qui ont davantage compris nos problématiques, surtout celles relatives au développement de l’économie numérique et en particulier des start-up. Axelle Lemaire s’est inscrite dans la droite ligne de cette action avec une forte montée en puissance puisque, au départ, elle avait peu de légitimité dans ce domaine. Pour rappel, dans un premier temps, elle était en charge du numérique et non de l’économie numérique qui dépendait d’Emmanuel Macron, ce qui n’incluait pas, par exemple, les thématiques relatives au financement des start-up. Cependant l’arrivée du tandem « Macron-Lemaire » en 2014, prenant la suite d’Arnaud Montebourg nous avait réconcilié avec la démarche gouvernementale, les relations entre les membres de l’écosystème et l’ancien ministre du Redressement productif n’étant pas au beau fixe. Avec une répartition des rôles intéressante avec le volet start-up / Economie numérique plutôt du côté de Macron, et la partie « digitale et French Tech » davantage dans le giron d’Axelle Lemaire. Elle a fait bien plus que « gérer » l’héritage de Fleur Pellerin. Si elle n’a pas, elle-même, créé la French Tech, elle l’a néanmoins prodigieusement incarnée, notamment au regard de son « background » (députée des Français de l’étranger) qui lui conférait un regard très ouvert sur le monde et en faisait donc une interlocutrice de premier choix, notamment auprès des interlocuteurs étrangers.
Merci pour votre soutien à l’innovation et aux start-up ! #merciAxelle #francedigitale pic.twitter.com/E50oC9wyHL
— France Digitale (@FRdigitale) 27 février 2017
Vous évoquez une montée en puissance. Y-a-t-il un épisode qui a, en quelque sorte, permis d’asseoir sa légitimité ?
Récemment, elle a été particulièrement résistante et combattive sur la question des libertés individuelles, comme en atteste son bras de fer avec Bernard Cazeneuve, en fin d’année dernière, au sein du gouvernement. Un épisode qui a mis en lumière sa forte personnalité et sa volonté de s’affranchir des tutelles et de la pensée unique. Elle a tenu le cap en inscrivant ses pas dans ceux du Cnum (Conseil national du numérique) qui consistait à préserver et faire attention aux libertés individuelles et au contrôle centralisé des données personnelles. Certes, cela est un peu éloigné des thématiques inhérentes aux start-up et à l’économie numérique, mais pas complètement déconnecté non plus car il est vrai que nous avons, au sein de notre écosystème, un état d’esprit un peu « libertarien ». Autre moment très fort, la loi sur la République numérique et sa tonalité « participative » avec les citoyens pouvant contribuer en ligne. En tant que France Digitale, nous avons pu également abordé de nombreuses questions, comme la confidentialité des données avec elle ou son cabinet. Tous ces aspects ont été abordés de manière particulièrement pragmatique et moderne et c’est tout à son honneur et à son crédit. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Nous ne sommes pas en avance sur le numérique, même si nous sommes en train de rattraper notre retard, comme en atteste la progression des levées de fonds ainsi que les montants levés mais c’est encore insuffisant.
#MerciAxelle : @axellelemaire a œuvré pour que la France devienne une startup nation, le chemin est encore long mais excitant ! @FRdigitale
— olivier mathiot (@oliviermathiot) 27 février 2017
En tant que président de France Digitale vous avez lancé hier sur Twitter le hashtag #MerciAxelle, qui fait notamment écho au #KeepFleur au moment du départ, « forcé » celui-ci de Fleur Pellerin du gouvernement. À titre personnel sur quels points souhaiteriez-vous lui dire merci ?
Je tiens à saluer sa capacité d’écoute et sa démarche consultative sur toutes ses initiatives. Elle est souvent venue à nos événements, notamment au France Digitale Day, notre grande manifestation annuelle. Quand certains candidats de la primaire de la droite et du centre comme Alain Juppé ou François Fillon sont venus prendre la parole devant les start-up, aucun candidat de gauche n’est venu… sauf Axelle Lemaire qui a pris la parole, rappelant avec humour qu’elle était la seule personnalité non candidate en 2017 à avoir quelque chose à dire sur le bilan du quinquennat Hollande. En reprenant et commentant différents points, même des initiatives ultérieures à son arrivée à Bercy, comme les Assises de l’entreprenariat. En prenant la parole dans d’autres circonstances, à San Francisco et à New York, elle a également contribué à rehausser l’image de la France car nous souffrons, et c’est un gros problème, d’une image erronée vu de l’étranger sous le prisme d’événements particuliers, comme le conflit VTC / Taxi où seuls les images d’affrontements des deux camps sont diffusées sur CNN. C’est important dans ces circonstances de disposer des personnalités qui comprennent l’économie, et c’est le cas d’Axelle Lemaire, qui a notamment su porter la French Tech, au sens de label en se retroussant les manches et en allant à la rencontre des entrepreneurs et des investisseurs. Nous avons besoin de renforcer l’attractivité du pays qui fait que les fonds américains ou chinois investissent plutôt en France qu’ailleurs avec des opportunités, notamment avec le « Brexit », qui peuvent être exploitées. C’est pour cela qu’il faut des ministres qui soient capables de « casser » les codes et clichés. C’était le cas avec Axelle Lemaire.
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