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Noa Khamallah, fondateur de Don’t Quit Ventures : « Sans détermination et résilience, je ne serais sûrement jamais arrivé au Nasdaq »

Noa Khamallah, fondateur de Don’t Quit Ventures
Noa Khamallah, fondateur de Don’t Quit Ventures

À l’occasion du sommet dédié à la Philanthropie et au Mécénat proposé par Forbes France le 20 avril dernier, la rédaction en a profité pour s’entretenir avec l’investisseur et entrepreneur Noa Khamallah pour en savoir plus sur son histoire et sa vision d’une réussite plus inclusive. Sa communauté d’Angel & VC club DQV s’emploie notamment à soutenir les projets de minorités, qui à ce jour n’accèdent seulement qu’à 1,4% des fonds disponibles en capital risque.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

J’ai vécu une adolescence assez mouvementée dans des cités du nord de la France. J’étais un jeune paumé et délinquant qui a vécu dans la rue et qui a même fait de la prison. Quand j’ai décidé de me reprendre en main, j’ai eu un sérieux désavantage pour entrer dans le monde de l’emploi. Comme de nombreuses autres minorités en France ou anciens délinquants avec une mauvaise réputation, j’ai été forcé de franciser mon prénom pour passer les nombreuses barrières liées au recrutement en entreprise. Sans baccalauréat, sans réseau, j’ai persévéré pour réussir et j’ai obtenu en 2018 un poste de direction chez le fournisseur de trottinettes électriques Lime. J’ai ensuite rejoint la start-up Voi en tant que Vice-président. Un an plus tard, j’ai cofondé Charge, puis rejoint la marque suédoise Vassla en 2021. En avril 2023, j’ai lancé avec plusieurs collègues une communauté d’Angel & Venture capital Don’t Quit Ventures.

 

Comment pouvez-vous expliquer cette réussite ?

Il y a évidemment un facteur chance qui a aidé mais aussi des associations qui m’ont accompagné dans mes démarches comme la domiciliation administrative ; car sortir de la précarité commence par le simple fait d’obtenir une adresse! Je me suis ensuite donné au travail corps et âme et c’est ainsi que de grands PDG ont décidé de s’intéresser à mes résultats plutôt qu’à mon passé. Il y a eu par exemple Caen Contee, le fondateur de Lime, Fredrik Hjelm, le fondateur de Voi Technology ou encore Andrew Fox, le co-fondateur & CEO de Charge et premier investisseur de Lime. Ce sont tous de vrais progressistes qui savent récompenser les gens qui travaillent dur et ils ont tous façonné ma vision du leadership.

C’est important à mes yeux et quand j’ai obtenu mes premiers postes de direction, j’ai tout de suite enlevé la nécessité du diplôme comme condition au recrutement. On passe trop de temps sur le diplôme alors que les soft skills et l’expérience devraient être pris en compte au même titre que les hard skills.

Pour conclure, je dirais que ce qui m’a “sauvé” sont ces personnes qui ont cru en moi mais aussi ma persévérance. Trop souvent, on voit les entrepreneurs comme des athlètes : on retient leur nom lorsqu’il arrivent sur le podium mais on oublie les dix années de doute et d’échecs qui ont précédé cette réussite. Pour moi, ces dix années de galère ont été des refus d’appartement et de jobs à répétition (en bref l’exclusion sociale).

 

C’est cette expérience personnelle qui vous a mené à créer la communauté d’Angel & VC ?

Le modèle d’égalité des chances aujourd’hui est toujours imparfait et il existe encore une différence entre ce que les organisations vantent et ce qui est réellement fait. C’est assez dommage car on se prive d’un nombre important de profils talentueux. Les entreprises se tirent une balle dans le pied, surtout quand on voit la pénurie de talents à laquelle elles font face.

Et c’est le même constat dans le monde de l’entrepreneuriat : seulement 1,4% des fonds en capital risque sont accordés à des minorités. J’irais même plus loin : quand Georges Floyd est mort et que le mouvement Black Live Matters a émergé, les fonds d’investissement ont tous déclaré que le manque d’inclusion dans l’accès au venture capital était intolérable. Mais quelques années plus tard, on se rend bien compte que rien n’a changé.

Ainsi, Don’t Quit Ventures s’adresse aux entrepreneurs qui essuient des refus à répétition en raison de leur origine ethnique, de leur sexualité ou bien de leur casier judiciaire. Nous imposons volontairement une approche chiffrée dans notre portefeuille pour donner la priorité aux femmes, aux minorités ethniques, aux LGBTQIA+ et aux anciens taulards. Il n’y a tout simplement pas besoin de venir d’une certaine école, d’avoir un certain niveau social, d’être d’une certaine ethnie ou bien d’avoir un chemin de vie qui “look-good” pour être à l’origine d’une bonne idée!

 

Quels sont les principaux freins persistants qui empêchent une répartition plus inclusive des fonds en capital risque ?

Le principal frein existant à mon sens reste le fait que les réseaux de business angels et de family offices sont encore trop dans un entre-soi qui exclut – sans en avoir conscience – certaines minorités. Je pense que le simple fait de pointer le problème peut engendrer une prise de conscience mais il faut encore plus d’efforts pour qu’un changement idéologique s’opère réellement.

La communauté Don’t Quit Ventures, soutient aussi l’Epic Foundation : cela consiste à reverser une partie des dividendes et profits obtenus dans la capitalisation de start-up directement au profit d’œuvres caritatives. Mais l’argent n’est pas le seul moyen et je suis convaincu qu’il faille aussi y accorder de son temps personnel. J’ai par exemple tout récemment participer à un échange avec une promotion chez les Déterminés, une association qui démocratise l’entrepreneuriat en banlieue et dans les milieux ruraux. L’objectif était de partager mon parcours de vie pour inspirer les jeunes.

 

Quels conseils donnez-vous justement à ces jeunes pour qu’ils persévèrent ?

Sachez d’abord que le monde peut vous abandonner mais vous avez le devoir de ne pas vous abandonner vous-même. Nous vivons aujourd’hui dans l’ère de l’immédiateté – renforcée par la technologie – et il y a une forme d’intolérance à la frustration. Il suffit d’un obstacle pour que les jeunes abandonnent. Quand un enfant en bas âge tombe, tout le monde l’applaudit afin qu’il se relève, mais ce n’est jamais le cas pour un adulte. Il faut donc célébrer l’échec et persévérer pour réussir. Sans détermination et résilience, je ne serais sûrement jamais arrivé au Nasdaq.

 

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