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Maxime Barbier, fondateur de Timeleft : « Chez nous, les rencontres ne se font jamais en ligne »

Maxime Barbier, fondateur de TimeleftMaxime Barbier, fondateur de Timeleft

Timeleft organise des dîners entre parfaits inconnus, un concept qui marche et qui a connecté plus de 350 000 personnes lors de plus de 7 000 dîners depuis janvier dernier. Dans une interview exclusive pour Forbes, Maxime Barbier nous en dit plus sur son projet déjà présent dans plus de 275 villes et 61 pays à travers le monde.

 Comment vous est venue l’idée de créer Timeleft ?

M. B. : J’ai fondé en 2010 le groupe média Vertical Station, que j’ai revendu en 2017 à TF1. Après cela, j’ai ressenti un grand vide, je ne savais plus vraiment quelle serait la suite. Fin 2019, j’organise 100 cafés avec 100 inconnus et cela m’a donné envie de réaliser mon rêve de tour du monde. En 2020, en pleine crise sanitaire, je vis ma meilleure vie pendant que tous mes proches sont confinés. C’est en milieu d’année, depuis Sydney, que j’ai l’idée de créer Timeleft pour faire en sorte que les gens avec les mêmes puissent se connecter en ligne. 

Un an plus tard, nous levons 2 millions de dollars auprès JFC Capital, FJ Labs et Shilling VC pour lancer la première version de notre plateforme. Problème : le projet était prometteur et inspirant mais malheureusement ces inconnus ne discutaient pas vraiment entre eux car leurs rêves étaient souvent trop grands ou trop vagues. 

L’idée s’est donc orientée vers des activités en groupe dans la ville, mais encore une fois, cela ne s’est pas avéré très scalable. Nous avons finalement organisé notre premier dîner entre inconnus le 3 mai 2023. Aujourd’hui, Timeleft a pris de l’ampleur et est utilisé dans 60 pays à travers le monde. Chaque mercredi, nous réunissons plus de 15 000 personnes dans plusieurs restaurants répartis dans 275 villes. Nous visons d’ici la fin de l’année l’ouverture dans 120 nouvelles villes avec une première entrée sur le marché japonais et hongkongais.

Comment fonctionne concrètement Timeleft ?

M. B. : Sur notre site web ou via notre application mobile, l’utilisateur commence par répondre à un test de personnalité avec 40 questions diverses. Lorsqu’il est prêt à se lancer, il peut réserver sa place et il recevra le mardi suivant plusieurs informations sur les membres du groupe qu’il rencontrera ainsi qu’une adresse de restaurant le mercredi. 

Nous proposons deux offres : soit le paiement d’un ticket unique pour participer à un seul repas, soit d’un abonnement à 19 euros par mois pour se rendre au restaurant tous les mercredis. En interne, nous disposons de 25 personnes dédiées aux opérations qui veillent à ce que tous les diners se déroulent correctement. Nos utilisateurs peuvent ensuite noter le restaurant dans lequel ils se sont rendus et nous transmettre un feedback plus détaillé.

Pourquoi votre algorithme serait-il plus vertueux que les réseaux de rencontre classiques ?

M. B. : Les réseaux de rencontre classiques maximisent le « match » et promeuvent une rencontre virtuelle avant toute chose. La discussion en ligne s’ouvre systématiquement après un « match » et il contribue à booster la dopamine chez l’utilisateur. 

Chez nous, les rencontres ne se font jamais en ligne, nous veillons uniquement à maximiser les chances que le dîner se passe bien. Nous ne faisons que faciliter les rencontres entre inconnus et mine de rien, le fait que les gens ne se connaissent pas appelle à l’ouverture d’esprit. Nous prenons quelques critères pour constituer nos tables comme le niveau de revenus – pour s’assurer que tout le monde peut payer l’addition à la fin du repas – ou encore le degré d’introversion des individus pour équilibrer les groupes. 

Nous nous sommes aussi aperçus par expérience que les femmes se sentent plus à l’aise lorsqu’il y a par exemple 4 femmes et 2 hommes à table. La tranche d’âge, la langue parlée ou le régime alimentaire sont évidemment prises en considération. Notre promesse, c’est de vous garantir de faire des rencontres quoi qu’il arrive et faire en sorte de ne pas recroiser une personne que vous n’avez pas appréciée. Certains ou certaines cherchent aussi l’amour par le biais de ces rencontres, mais ce n’est jamais le but premier et ça enlève une grande partie du stress.

Au début, nous avions une petite communauté de 8000 personnes à Lisbonne pour mener les tests. Aujourd’hui le concept grandit toujours plus avec une présence dans plus de 275 villes à travers le monde. La diversité des pays et des tranches d’âge est incroyable et cela nous prouve à quel point notre plateforme joue un rôle dans la lutte contre le sentiment de solitude. 

Qu’en est-il de ce sentiment de solitude ?

M. B. : Le sentiment de solitude est en hausse, en particulier depuis les confinements en 2020. Et on ne peut négliger le rôle que jouent les réseaux sociaux dans ce phénomène. Je préfère d’ailleurs parler d’un manque de connexions humaines et évidemment que les algorithmes sont une part du problème.

Ce n’est pas pour rien si le Japon a créé un ministère de la Solitude en 2021, dans un contexte national de déclin démographique sans précédent. On passe beaucoup de temps sur notre smartphone, on habite de moins en moins proche de notre cercle familial et les applications de dating ont contribué à fracturer les relations longues. Timeleft répond à ceux se lassent des applications de dating et qui souhaitent rencontrer du monde sans forcément passer par un rendez-vous en tête-à-tête.

Comment se différencier dans un marché de la rencontre ultra-concurrentiel ? chute réseaux sociaux de rencontre ? 

M. B. : Quelques acteurs locaux existent dans les villes où nous sommes présents, mais ils sont à plus petite échelle. À Sao Paulo par exemple, une application similaire réunit 50 personnes par soir, contre 15 000 avec Timeleft. Il y a aussi de nouvelles tendances comme les clubs de running à New York : l’idée est de courir avec des inconnus et de porter un tee-shirt noir pour signifier son célibat. 

Nous misons sur la sérendipité et je suis convaincu que les applications de dating sont en train de mourir à petit feu, car elles se focalisent trop sur l’illusion du choix, faire croire aux utilisateurs que le match parfait existe. Leurs filtres sont beaucoup trop sélectifs alors même que personne ne sait réellement ce qu’il veut. Et surtout, on passe trop de temps sur l’avant-rencontre virtuelle, mais rencontrer des inconnus peut réserver des surprises. J’ai par exemple été très surpris moi-même, lors de diners Timeleft, de rencontrer par exemple une juge pour enfants ou bien un inventeur célèbre venu en incognito. 

Pour l’instant, notre force reste d’être identifié comme : « le mercredi, c’est resto avec Timefleft ! ». C’est assez similaire aux temps de rencontres que l’on pouvait avoir à l’église le dimanche, au foot le samedi… des moments de sociabilisation et d’échange qui se sont malheureusement perdus avec le temps. Nous avions aussi testé notre solution dans des bars, mais trop souvent les personnes peuvent partir vite sans donner la chance d’une rencontre. Au restaurant, tu es assis et tu es obligé de creuser un peu plus loin.

Quels conseils donner aux entrepreneurs qui se lancent ?

Je me rappelle souvent cette phrase du romancier Matt Haig : « nothing is stronger than a small hope that doesn’t give up ». Le bon entrepreneur reste celui qui n’abandonne pas et je ne connais personnellement pas de business dont la première idée fut la bonne. La résilience demeure la qualité de base de l’entrepreneur et il est toujours normal de faire des tests au début.

Je pense aussi qu’un entrepreneur qui n’est plus emballé par ce qu’il fait ne doit pas s’obstiner. Il y a un an, je gérais tout de manière autonome en remplissant des Typeform et des Excel à la main pour les prises de réservation. Si le but du projet ne m’avait pas plu, j’aurais sûrement abandonné.

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