Les associations Les Déterminés et Life For Good ainsi que HEC et le fonds Daphni se sont associés pour créer un nouveau fonds de capital-risque Time4 à hauteur de 100 millions d’euros pour les entrepreneurs issus des quartiers défavorisés et des territoires ruraux. Moussa Camara, fondateur de l’association Les Déterminés, espère ainsi modifier le paysage de la French Tech où les grandes réussites sont portées par des profils similaires.
Forbes France : Est-ce que vous pouvez nous raconter d’où vient ce projet, quelle en est la genèse, et pourquoi avoir décidé de mettre en place ce fonds ?
Moussa Camara : Cela fait plus de 10 ans que nous accompagnons les entrepreneurs à travers toute la France avec « Les Déterminés ». C’est un programme d’accompagnement gratuit qui a pour mission de développer l’entrepreneuriat dans les territoires où les opportunités économiques sont peu présentes, notamment dans les quartiers populaires et les territoires périurbains.
Nous avons identifié deux besoins majeurs : un besoin d’accompagnement et un besoin de financement. Les entrepreneurs ont souvent des idées solides mais manquent de réseau, d’accès à des marchés ou à des financements. Avec ce fonds, nous voulons leur offrir cet accompagnement complémentaire. Nous ne nous contentons pas d’investir : nous accompagnons les projets sur plusieurs années.
Nous avons constaté qu’au fil des 10 années passées, nous étions bons pour l’accompagnement et l’émergence de talents. Mais là où nous étions moins performants, c’était pour accompagner les entrepreneurs une fois qu’ils avaient atteint une certaine maturité et cherchaient à lever des fonds pour développer leur projet. Ces étapes sont devenues des obstacles presque infranchissables pour certains.
Une étude montre que 97 % des entrepreneurs issus des quartiers populaires et des territoires périurbains manquent de ressources financières pour se lancer. Le manque de financement empêche beaucoup d’entre eux de concrétiser leur projet, même avec un modèle économique viable. Les banques ont souvent du mal à comprendre ces profils, faute de garanties ou d’un parcours correspondant aux standards traditionnels. Nous avons aussi vu des entrepreneurs qui n’ont pas réussi à lever des fonds en France mais qui y sont parvenus à l’étranger. Cela a renforcé notre conviction qu’il y avait un réel besoin.
De là est née l’idée de lancer un fonds d’investissement d’une ambition de 100 millions d’euros pour créer un fonds à impact. Celui-ci serait ouvert à des entrepreneurs de tous ces territoires, quel que soit leur projet. Nous voulons démontrer qu’un tel fonds peut être rentable tout en révélant de véritables talents et pépites.
Comment ce projet a-t-il été accueilli ?
M.C. : Nous avons officiellement lancé le fonds en décembre et dès l’annonce, nous avons reçu plus de 800 dossiers. Cela montre bien que ces territoires regorgent d’idées innovantes mais que les fonds traditionnels ne savent pas comment accéder à ces talents. Nous avons voulu réunir quatre acteurs principaux : HEC, Les Déterminés, l’association Life For Good et le fonds Daphni, qui gère un portefeuille de plus d’un demi-milliard d’euros. L’objectif est de combiner nos compétences pour proposer une solution ambitieuse et structurée.
Comment avez-vous convaincu des partenaires prestigieux comme HEC ou Daphni de rejoindre cette initiative ?
M.C. : Cela a été le fruit de longues discussions. Par exemple, Pierre-Éric Leibovici de Daphni et moi avons commencé à échanger il y a deux ans et demi. Nous avons rapidement constaté un besoin non couvert par les solutions existantes et avons décidé de nous associer. Convaincre d’autres acteurs a ensuite demandé du temps, mais nous avons bâti une coalition solide, où chacun apporte son expertise. Pour moi, créer des synergies est primordial. Notre plus grand défi a été de convaincre des investisseurs tout en gardant les valeurs à l’origine du projet. Il faut être rentable sans perdre de vue notre mission : aider les entrepreneurs issus de territoires oubliés.
L’un des objectifs de ce fonds est-il de transformer le paysage entrepreneurial français ?
M.C. : Absolument. Aujourd’hui, la French Tech manque de diversité. Les grandes réussites, comme les licornes, sont souvent portées par des profils similaires. Nous voulons changer cela. Il ne s’agit pas seulement de justice sociale mais aussi d’enrichir l’écosystème avec des parcours et des idées différents. La Silicon Valley est un bon exemple : beaucoup des plus grandes success stories ont été portées par des étrangers. Nous devons adopter cette ouverture.
Nous ne pouvons pas vivre dans une société où l’origine sociale détermine les opportunités. Notre objectif est de mettre tout le monde sur la même ligne de départ. La diversité apporte des idées neuves et enrichit l’écosystème. Cela peut aussi renforcer l’économie globale du pays.
Quels projets parmi ceux que vous avez déjà reçus vous semblent prometteurs ?
Nous avons reçu une grande variété de projets : de l’IA contre le gaspillage alimentaire, des initiatives dans le transport et la mobilité, des start-ups industrielles, ou encore des fermes biologiques nouvelle génération. Beaucoup de ces projets sont très ambitieux et pourraient devenir de belles success stories.
Continuez-vous à travailler avec le monde politique malgré les changements de gouvernement ?
M.C. : Oui, nous collaborons régulièrement avec le gouvernement, notamment sur des sujets comme le développement économique des territoires. Mais nous restons indépendants. Peu importe les changements politiques, notre mission perdure.
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