La Maison Gatti se prépare à fêter son centenaire en 2020. Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), cette société familiale emblématique de l' »art de vivre à la française » fabrique sur mesure du mobilier en rotin naturel pour les cafés, hôtels, restaurants et les particuliers. Cette activité de niche ne connaît pas la crise.
Rencontre avec Benoît Maugrion, Président de la Maison Gatti.
Quel est aujourd’hui l’ADN de la Maison Gatti ?
Benoît Maugrion : Notre Maison a construit sa réputation autour de trois principes fondamentaux :
– la qualité haut de gamme du matériel fabriqué sur-mesure et à la main,
– le service pour accompagner nos clients professionnels pendant toute la durée de vie de leur terrasse.
– la formation de nos artisans d’art pour préserver et transmettre notre savoir-faire unique
Quelle est la prochaine étape du développement de votre société?
Benoît Maugrion : Suite au rachat de la Maison Gatti en 1992 par mon frère Hervé et moi, nous avons connu une première période de 10 ans pendant laquelle nous avons dû sécuriser nos approvisionnements, élargir la gamme, créer de nouveaux modèles, investir dans l’outil de production. Le plus long a été de former le personnel car le savoir-faire n’était plus transmis depuis les années 1980. La quasi-totalité des fabricants européens avaient disparu.
Une deuxième étape a été franchie en 2005 lorsque l’atelier est passé de 8 à 18 personnes. Nous comptons aujourd’hui 26 employés dans la société. Nous sommes structurés pour absorber une croissance naturelle de 10% par an. Nous bénéficions d’une très belle visibilité sur notre carnet de commandes. Notre activité connaît une croissance à deux chiffres depuis plus de 20 ans. Le cœur de notre offre se situe aujourd’hui autour de 320 euros HT.
Quelle est l’évolution de votre marché ?
BtoB
Benoît Maugrion : Nous observons une vague de concentration et de rénovation de cafés, hôtels, restaurants qui transforment les villes et nos vies. Une nouvelle génération de professionnels et de propriétaires réinventent ces lieux de proximité en mettant l’accent sur un vrai concept, une belle décoration, une jolie vaisselle, une offre de restauration de qualité, et des services.
Nous constatons une forte demande française et étrangère depuis trois ans.
En France, les terrasses de café sont indéniablement une opportunité pour retenir les clients suite à l’interdiction de fumer dans les lieux publics. La Mairie de Paris a donné un droit de terrasse à 15 000 cafés et restaurants. Cette autorisation, qui est soumise au paiement d’une redevance, permet au propriétaire de sécuriser son investissement.
Le marché parisien est très dynamique. Nous avons équipé 850 terrasses parisiennes avec 40 chaises en moyenne par terrasse. Paris représente 45 % de notre chiffre d’affaires.
Le reste de la production est expédié en province, qui connaît un forte demande dans les villes situées le long de la côte Atlantique, ou à l’étranger. L’export représente 30% de notre chiffre d’affaires.
La montée en gamme des établissements et le fort engouement pour le style « bistrot français » nous permettent de conquérir de nouveaux clients et de développer notre présence à l’international notamment au Danemark, en Suède, au Pays-Bas ainsi qu’en Belgique et en Allemagne.
La demande italienne, espagnole et américaine est à nouveau en hausse. Nous avons toujours été présents au Japon. Ce pays montre un grand intérêt pour la qualité et l’esthétisme français.
BtoC
La vente aux particuliers représente 5% de notre chiffre d’affaires. Il est en constante augmentation car les meubles en rotin, qui étaient à la mode dans les années 50-60, reviennent sur le devant de la scène avec leur image vintage, authentique et écologique comme en témoigne le succès de la réédition du fauteuil culte Emmanuelle des années 70.
Comment développez-vous la renommée de votre marque ?
Benoît Maugrion : En équipant des célèbres établissements tels que Le Georges V à Paris ou le Metropolitan Museum à New York, nos chaises sont nos meilleures ambassadrices. Les terrasses nous offrent une très belle visibilité.
Quel est votre réseau de distribution ?
Benoît Maugrion : Nous n’avons pas de réseau de distribution.
La vente directe nous permet d’ajuster la production, de maintenir les prix, et de maîtriser notre carnet de commandes et les délais de livraison. Les décorateurs et les propriétaires d’établissement se déplacent au siège pour passer leurs premières commandes.
Le service « entretien » est assuré dans notre atelier. Le matériel est acheminé par transporteur. Un stock de chaises a été constitué pour les prêter à nos clients professionnels lorsque leur matériel est en cours de restauration. Cela permet d’éviter une rupture de leur activité en terrasse.
Ce service est peu utilisé par nos clients étrangers car ils prennent soin de leur matériel. Ils l’utilisent souvent à l’intérieur des établissements ou dans des régions très ensoleillées telles que la Floride et la Californie aux Etats-Unis.
Quelle est votre politique de R&D ?
Benoît Maugrion : Notre R&D est liée à l’utilisation et à la technicité de nos chaises qui doivent être élégantes, légères, robustes, confortables et empilables.
Nous travaillons sur les caractéristiques techniques du tissage qui doit rester stable dans le temps. Nous testons les produits fabriqués par nos fournisseurs français pour réduire les vernis à base de solvants pour les chaises en extérieur et augmenter les vernis à base d’eau pour les chaises utilisées en intérieur.
Au niveau du processus de fabrication, nous mettons au point des techniques pour améliorer les conditions de travail. Il s’agit notamment de soulager les gestes de l’artisan.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Benoît Maugrion : Nous créons et rééditons des dessins à partir de nos archives. Nous avons 80 modèles originaux dans le catalogue personnalisables dans 30 coloris et 30 tissages différents.
Notre collaboration avec le styliste Philippe Model nous a permis de faire un modèle sur-mesure de chaises tressées multicolores fabriquées par la Maison Gatti et distribuées en exclusivité par Philippe Model Maison.
Des commandes spéciales sont souvent passées par les grands cabinets de décoration et d’architecture tel Laura Gonzalez dans le cadre d’un projet d’ouverture d’un restaurant et/ou d’un hôtel comme la brasserie La Lorraine Place de Ternes à Paris.
Une stagiaire de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs a intégré nos équipes. Son projet d’étude nous a permis de fabriquer son modèle.
Produisez-vous « Made In France »?
Benoît Maugrion : Notre fabrication est 100% artisanale et 100% française. Notre atelier de 1500 m2 emploie 25 personnes. Nous avons également un entrepôt de stockage de 800m2 pour l’hivernage et l’entretien du matériel.
Nous avons un stock de matières premières correspondant à une année de chiffre d’affaires. Le rotin naturel que nous importons pousse dans les forets tropicales situées en Malaisie, Indonésie, Philippine et Vietnam. Le rotin est une ressource naturelle qui se renouvelle au bout de 8 ans.
Une chaise nécessite en moyenne cinq heures de travail et passe entre les mains de huit artisans. Chaque pièce est donc unique. Nous fabriquons environ 10 000 chaises et 2 000 tables par an.
En tant qu’EPV, comment transmettez vous votre savoir-faire d’exception ?
Benoît Maugrion : Notre métier est rare et précieux. Il n’existe pas de formation spécialisée dans notre activité. Il faut au minimum cinq ans pour former, en binôme avec un artisan d’art, un nouvel employé au métier de rotinier ou de tisseur. La moyenne d’âge est de 35 ans. Nous n’avons pas de rotation du personnel.
Cette force vive est notre patrimoine.
C’est dans ce cadre que le musée des Arts et Métiers de Paris, en collaboration avec l’agence Gamma Rapho, rend actuellement hommage aux Entreprises du Patrimoine Vivant, en exposant des photographies de la Maison Gatti et d’autres EPV sur ses grilles extérieures jusqu’en 2019.
Quelle est l’initiative mise en place par Maison Gatti dont vous êtes le plus fier ?
Benoît Maugrion : La Maison Gatti a été entièrement ravagée par un incendie en 2013. Pour redémarrer l’activité, nous avons dû trouver un local provisoire, réembaucher tout le personnel au bout de trois mois, et importer de la matière première. Nous avons fabriqué 1000 chaises identiques pour les mettre gracieusement à disposition de nos clients en attendant de pouvoir honorer leurs commandes passées avant cet accident. Un an plus tard, notre nouvel atelier était opérationnel et tous nos clients avaient été livrés.
Quelles sont les nouvelles ambitions de la Maison Gatti ?
Benoît Maugrion : La Maison Gatti va célébrer son centenaire en 2020. Cette maison n’a connu que deux propriétaires de rotiniers et de tisseurs depuis sa création par Joseph Gatti en 1920: la famille Gatti et la mienne. A cette époque, la Maison produisait 1000 chaises par an et employait quatre personnes.
Cet événement est une bonne occasion de lancer une nouvelle gamme comprenant chaise, fauteuil, tabouret, banquette en mélangeant une ligne en rotin plus traditionnelle avec une ligne tissée plus moderne.
Nous souhaiterions avoir une Ecole de formation de rotiniers pour transmettre notre savoir-faire.
Quelle est votre devise?
Benoît Maugrion : Exigence des gestes et qualité du produit.
Que représente pour vous l’ »art de vivre à la française » ?
Benoît Maugrion : Un repas gastronomique servi sur une très belle terrasse équipée par la Maison Gatti !
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