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Maison Francis Kurkdjian, la noblesse du parfum

Francis Kurkdjian © François Roelant

Baccarat Rouge 540, Aqua Universalis, OUD satin mood… des fragrances best-sellers signées Maison Francis Kurkdjian qui parlent aux esthètes de tous pays. Le maître parfumeur a créé l’une des marques olfactives les plus désirables du monde, si bien que la Maison Dior lui a confié la direction artistique de ses parfums il y a un an. Ce nez de génie sait mieux que tous raconter notre époque à travers ses jus délicats, hautement sophistiqués et intemporels. Dans la tête de Francis Kurkdjian, l’homme qui met le parfum sur son piédestal.

 

Qu’est-ce qui a contribué à vous rendre iconique selon vous ? 

Francis Kurkdjian : Je suis moi, je reste moi. En toutes circonstances. Je ne cherche pas à plaire. J’essaie de donner le meilleur de moi, de ce que je sais faire, en toute sincérité, en toute honnêteté, avec le sens de la perfection hérité de mes années d’apprentissage de la danse, de la musique et du piano. Depuis la naissance de la Maison, j’ai la chance de pouvoir créer en toute liberté, le marketing étant au service de la création, et non l’inverse. C’est capital pour justement être dans la vérité du discours. Ma relation avec Marc Chaya est en cela fondamentale car il a créé autour de moi un écosystème vertueux pour que je puisse m’exprimer comme je le ressens. Cela est particulièrement rare dans l’univers du parfum.

J’apporte un sens du détail très particulier à chaque composition, je ne crains pas de prendre le temps nécessaire à la création, de demander du temps, quand il me manque, pour aboutir à la forme olfactive la plus parfaite possible. Je dis bien ‘possible’ car la perfection n’existe pas, c’est un idéal à atteindre. Je souhaite avant tout procurer des émotions, en créant les signatures olfactives les plus belles, contemporaines et modernes que je puisse imaginer. Elles s’insèrent dans ce que j’appelle le Vestiaire Olfactif : une collection de parfums pour représenter les femmes et les hommes tels qu’ils sont, selon leurs humeurs, leurs envies, les facettes de leur personnalité.

Au fil des années, certaines créations sont devenues des piliers de ce Vestiaire, telles que la fraîche et lumineuse Aqua Universalis, l’envoûtant et mystérieux OUD satin mood, ou bien sûr l’emblématique Baccarat Rouge 540, ce dernier étant même devenu un des plus grands succès mondiaux de la parfumerie.

A ceux qui vous demandent votre secret pour créer un best-seller, que répondez-vous ?

On me le demande souvent… et je réponds toujours que, malheureusement, il n’y a pas de recette précise, c’est difficile à prévoir. Je pense néanmoins que trois ingrédients clés sont nécessaires :  être cohérent, rester innovant et avoir le bon timing.

© Francis Kurkdjian

 

Chez Maison Kurkdjian, le point de départ impulsant le processus créatif est le nom. Vous prenez le contrepied de beaucoup, à l’instar des journalistes dont le titre de l’article n’émerge qu’à la fin… Racontez-nous comment tout s’imbrique à partir du nom. 

Comment créer un parfum si on ne sait pas quoi dire ? Quelle direction suivre si on ne sait pas où aller ? Un grand parfum, c’est un grand nom et une grande histoire. Le nom joue un rôle clé dans mon processus créatif, c’est le point de départ de mon inspiration. Je dis toujours que l’inspiration est la part invisible de la création. Elle peut être instinctive ou guidée. Je me concentre sur une image globale, un sentiment. Le nom m’aide à cadrer mes idées, à les fixer de manière quasi définitive. Seulement ensuite, je commence par rêver du parfum et à l’imaginer dans ma tête. Puis j’écris la formule qui lui correspond. Et c’est à ce moment-là seulement que je commence à réfléchir aux ingrédients qui me permettront de traduire l’histoire que je souhaite raconter.

A quel moment savez-vous que votre parfum est prêt ? 

Un parfum n’est jamais prêt… Mais il faut s’arrêter un moment sinon c’est une quête perpétuelle. Et plus j’avance dans ma carrière, plus je suis pétri de doute. Alors, il faut s’arrêter un moment… Créer un parfum c’est comme assembler les pièces d’un puzzle – et cela peut prendre beaucoup de temps. Les premières étapes s’effectuent seul, je mûris mon inspiration et commence à écrire la formule. Je présente ensuite les premiers à essais à Marc Chaya, CEO et co-fondateur de la Maison, nous en discutons ensemble et une fois que l’histoire et la composition nous semblent cohérentes, nos équipes dédiées se chargent d’établir une stratégie marketing et de commencer le processus de fabrication.

Francis Kurkdjian : « Il faut savoir se réinventer soi-même, se faire plaisir, avoir envie de créer, pour soi mais aussi pour les autres. Il faut savoir se laisser surprendre, être curieux de ce qui vous entoure, de l’époque, des gens, être à l’affût des innovations. Je crois que tout est nécessaire pour ne pas se lasser, mais ne pas lasser également.« 

 

Comment se réinventer en permanence dans un secteur traversé par une incroyable vitalité, émulation ? 

Il faut savoir se réinventer soi-même, se faire plaisir, avoir envie de créer, pour soi mais aussi pour les autres. Il faut savoir se laisser surprendre, être curieux de ce qui vous entoure, de l’époque, des gens, être à l’affût des innovations. Je crois que tout est nécessaire pour ne pas se lasser, mais ne pas lasser également. L’industrie de la parfumerie, comme n’importe quelle autre industrie artistique, subit les influences de la mondialisation avec ses forces et ses faiblesses, et doit être capable de se réinventer par l’apport de nouvelles sources d’inspiration ou de nouvelles technologies.

En tant que parfumeur, je dois savoir puiser mon inspiration par rapport à mes convictions, mon passé, mon présent, les cultures qui m’entourent. Il ne faut surtout pas oublier que la diversité est une source de richesses. Chaque nouvelle création est un nouveau challenge, c’est une nouvelle histoire et de nouvelles limites à explorer, comme l’identité de genre avec mon duo de parfums Gentle Fluidity ou l’Homme à la rose. Je pense que c’est aussi ça se réinventer : questionner notre époque, casser les codes et ouvrir son regard. Depuis des années, j’essaye de libérer le parfum du flacon et de le rendre accessible à tous, à travers de nombreuses collaborations artistiques.

C’est ce qui m’a amené à parfumer des expositions universelles, des pièces de théâtre, des expositions artistiques ou même plus récemment, à créer un jardin entier au Château de Versailles qui sera ouvert au public dès le printemps 2023 et jusqu’aux Jeux Olympiques de 2024.

Quelle est la temporalité de vos parfums ? Faites-vous résonance à l’instant ou vous inscrivez-vous dans l’intemporel ? 

Je peux regarder le passé, mais c’est aujourd’hui et demain qui m’intéressent et m’interpellent. Un parfum doit être intemporel, il doit traverser les époques. Il faut toujours garder cela en mémoire quand on compose. Il faut qu’il soit dans le présent et dans l’avenir, qu’il fasse le pont entre les deux. Le parfum À la rose, par exemple, puise son inspiration du célèbre portrait éponyme de Marie-Antoinette, peint par Elisabeth Vigée le Brun. La reine pose sans perruque, sans bijoux ni signe de royauté, en simple chemise et une rose à la main. Cette première version du tableau fit scandale. De fait, une autre version a été commandée et réalisée dans laquelle Marie-Antoinette, dans la même pose, est représentée en robe à panier, portant des boucles et un collier de perles, dans une tenue à la hauteur de son rang.

© Francis Kurkdjian

 

Avec votre nouvelle fragrance 724, vous nous transportez au summum des mégalopoles dont New York est le chef de file. Comment êtes-vous arrivé à encapsuler cette énergie urbaine ? 

724 ne s’inspire pas seulement de la vie urbaine new-yorkaise, mais de toutes les grandes villes du monde et ce qu’elles ont en commun : leur énergie, leur éclectisme, la sensation que tout est possible. J’ai imaginé la composition de 724 avec des notions de vitesse, de vitalité, de verticalité, cette effervescence moderne de la ville. En note de tête, on perçoit un accord urbain frais, censé traduire la sensation d’une fraîcheur propre et énergisante comme celle qui émane justement des blanchisseries new-yorkaises au petit matin. On y retrouve la verticalité des aldéhydes adoucies par la bergamote d’Italie, avec leurs facettes sophistiquées, légèrement métalliques et effervescentes.

Au cœur de cette architecture très verticale, on ressent une aura aérienne que j’ai réussi à matérialiser grâce à un bouquet de fleurs structuré par l’absolu de jasmin d’Egypte, le pois de senteur et le seringa. En fond, on ressent la sensation enveloppante et réconfortante comme une bulle de blancheur et de douceur, grâce à un accord bois de santal et des muscs blancs.

Florale, musquée, fraîche; cette parure olfactive est un savant équilibre. La ville est trépidante autant qu’elle est anxiogène. Quelle est donc l’intention de 724 ? 

J’ai imaginé 724 comme un indispensable de la vie urbaine, le parfum du bien vivre en ville. Ce n’est pas du tout l’odeur des rues, ou du métro, ou ce qu’on peut imaginer au premier abord sur la ville. Ce n’est pas 1e degré. Il s’agit plutôt d’une émotion, comme un besoin pour affronter l’environnement urbain. Quelque chose de confortable, de frais et de propre. Je voulais que cette eau de parfum soit comme un doudou, un oreiller que l’on emporte au hasard des rues. C’est très rassurant mais en même temps, il porte une certaine élégance. Un chic sophistiqué. 

Votre muse absolue ? 

Ma muse, c’est l’époque dans laquelle je suis. C’est maintenant, et ce que j’imagine sera demain !

 

Pour aller plus loin :  

Maison Francis Kurkdjian

 

  

<<< À lire également : « Maison Francis Kurkdjian nous fait voir la vie en rose avec son élixir précieux » >>>

 

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