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« L’innovation et l’agriculture ne doivent pas s’opposer mais travailler ensemble »

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Justine Lipuma, CEO de Mycophyto

Du 22 février au 2 mars se tenait le salon de l’agriculture à Paris. L’occasion, dans un contexte particulièrement compliqué, de répondre aux enjeux auxquels font face les agriculteurs en 2025. Véritable catalyseur d’innovations dédiées au monde agricole, la Ferme Digitale était présente pour favoriser la recherche de solutions. Rencontre avec Justine Lipuma, vice-présidente de la Ferme Digitale et CEO de Mycophyto.

 

Forbes France : Quelle solution proposez-vous à travers Mycophyto pour le monde agricole ?

Justine Lipuma : Nous travaillons sur l’utilisation d’organismes vivants dans un enjeu de regénérer les sols et d’augmenter la productivité des cultures agricoles et la qualité de ses réductions en réduisant les besoins en eau et en engrais. Pour cela, on vient activer des échanges avec des champignons du sol que l’on appelle des champignons mycorisiens. Nos outils technologiques viennent prédire et définir quels sont les meilleurs cocktails d’espèces. Ensuite, on les développe pour les incorporer dans des produits en fonction des différentes contextes agricoles. 


 

Comment Mycophyto intègre-t-elle l’intelligence artificielle dans son modèle ?

J. L. : Depuis longtemps, nous avons pris conscience de l’utilité de l’intelligence artificielle. Nous avons donc modélisé nos données très tôt. L’IA, on l’utilise depuis 2019 dans un enjeu d’accélérer la mise en œuvre de solutions adaptées. On a une banque de champignons et face à nous, différents agriculteurs de différentes filières. La question, c’est quelle solution est la mieux adaptée à chacun ? Pour y répondre, on utilise l’IA afin de prédire cette solution. Aujourd’hui, on continue de se pérenniser et d’intégrer des solutions d’IA à notre écosystème. 

 

Un événement vous a-t-il particulièrement marqué pendant ce salon de l’agriculture ?

J. L. : Le Salon de l’agriculture est de plus en plus qualitatif pour les entreprises. C’est un Salon qui n’est plus juste une forme de représentation mais un évènement sur lequel du business est fait avec une visibilité internationale. Des agriculteurs et des acteurs de l’agri business du monde entier viennent pour voir ce qui se fait de nouveau en termes de technologies et d’innovation. En tant que responsable du pôle innovation de la Ferme Digitale, la Convention avec l’INRAE (l’Institut national de la recherche agronomique, ndlr) était l’un des principaux temps forts du salon.

Nous travaillions depuis plusieurs mois pour aller plus loin dans le continuum de l’innovation et pour favoriser les échanges entre les instituts de recherche et les start-up. Cette signature de Convention était importante parce les deux mondes ont tellement à s’apporter mutuellement. C’est comme ça que l’on aidera les agriculteurs à répondre aux défis colossaux auxquels ils font face.

 

20% des agriculteurs vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Est-ce que la technologie peut contribuer à y remédier ?

J. L. : Pour avoir des revenus, les agriculteurs doivent vendre leur production. Si l’on parvient à augmenter le volume de leur production, leurs revenus suivront. Si on arrivent à les faire se positionner sur certains marchés, les revenus augmenteront également. C’est là où la technologie intervient. Avec Mycophyto, on peut augmenter à hauteur de 30% de rendements supplémentaires, ce qui amène au même pourcentage les revenus de l’agriculteur. On réduit les coûts de pompages énergétiques ou d’eau, on favorise l’augmentation de sa marge. La technologie, lorsqu’elle est positionnée sur des indicateurs clés comme celui ci, elle peut l’aider à gagner plus.

 

L’année 2024 a été marquée par la colère du monde agricole, cela s’est-il ressenti lors du salon ?

J. L. : Cette année, le salon était beaucoup moins tendu que l’édition 2024. On essaie d’opposer des mondes qui ne sont pas opposés. L’innovation et l’agriculture ne doivent pas s’opposer, mais travailler ensemble. Le salon présente des innovations au service des agriculteurs. Il est là pour créer un échange entre start-up et agriculteurs afin d’engranger de la confiance. Ces échanges sont fructueux parce qu’ils créent un lien direct. C’est en apprenant à mieux se connaître que l’on parviendra à s’entraider. 

 

Quelle est votre vision sur le libre-échange mondial et le Mercosur ?

J. L. : C’est un sujet très complexe. Il est important pour les agriculteurs de pouvoir vendre sur des marchés à l’échelle internationale. Celui qui nourrit les autres a forcément un pouvoir sur eux. On ne peut pas laisser la place à d’autres pays de nourrir largement une partie de la population mondiale parce que ça leur donne une force sur nous. On doit continuer à rendre compétitif notre modèle de production agricole en France. Cela passe aussi par la responsabilité de chacun des consommateurs et par l’accès aux agriculteurs français aux innovations en premier lieu.

 

Depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, l’agriculture est redevenue en enjeu stratégique, notamment en matière d’autosuffisance alimentaire. Est-ce une bonne chose ?

J. L. : Dans toute crise, il faut toujours trouver du positif. Ces coups durs ont le mérite de nous ramener à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est de nourrir sa population. Il faut mettre en lumière que l’on compte sur 1% de la population française que représentent les agriculteurs pour nourrir tout le monde. Il est impossible pour eux de le faire tout seuls, d’où l’importance de donner envie aux jeunes de devenir agriculteur et d’accompagner ces agriculteurs en leur mettant tout un écosystème autour. Il y a des développements de circuits courts, une bonne chose pour travailler à la résilience alimentaire à l’échelle du territoire. 

 

Comment la technologie peut-elle aider face aux enjeux de protection face aux aléas climatiques ?

J. L. : Chez Mycophyto, il s’agit de notre plus gros sujet. On travaille sur la problématique du changement climatique, en particulier la sècheresse et la perte de biodiversité. Ramener de la biodiversité dans les sols est un indicateur clé pour arriver à répondre à la problématique d’adaptation climatique. Les technologies et biotechnologies que l’on peut avoir au sein de la Ferme Digitale peuvent aider à apporter ces solutions. C’est en régénérant les sols que l’on arrivera à s’adapter au changement climatique. Les technologies d’analyse d’image peuvent également permettre de mieux utiliser les ressources, au bon moment et au bon endroit. 

 


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