Après de longues consultations et de multiples renvois, le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) a été présenté cet après-midi en conseil des ministres. Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, en illustre grands principes et derniers arbitrages. Voici le sens cohérent d’une foule de mesures disparates.
Un Pacte pour quoi faire ?
Pour amplifier encore la dynamique de croissance et de création d’emplois en France. L’esprit de la loi Pacte, c’est de permettre au potentiel de notre économie de se réaliser. Cela nécessite un tissu d’entreprises solides, bien financées, qui innovent, qui partent à l’exportation. Et surtout qui trouvent toute leur place dans la vie de la société. Les entrepreneurs ne doivent pas être coupés du reste de la France… Les nombreuses dispositions de la loi s’inscrivent toutes dans cette logique : libérer les énergies et l’innovation tout en renforçant le partage et l’inclusion…
Pourtant, l’actualité semble surtout retenir les privatisations ?
Ce serait très réducteur ! La logique, c’est d’investir pour préparer l’avenir. Nous avons mis en place un fonds de dotation, le Fonds pour l’innovation de rupture : pourvu de 10 milliards d’euros, il permet d’investir chaque année 200 millions à 300 millions d’euros dans les innovations radicales. Pour cela, l’Etat lui apportera les produits de cession d’actifs qu’il détient aujourd’hui, dont la Française des Jeux, Aéroport de Paris, Engie… Ces dix milliards d’euros seront sanctuarisés et leurs revenus, réinvestis dans l’innovation.Celle-ci est au coeur du moteur dont nous voulons doter l’économie française. En la matière, et particulièrement pour la recherche, la France dispose d’atouts forts qui ne se déploient pas complètement jusque dans les entreprises. Vingt ans après la loi Allègre, le projet de loi Pacte prévoit donc de nombreuses mesures pour améliorer, faciliter le passage de la recherche publique vers le monde de l’entreprise et permettre à des chercheurs de devenir entrepreneurs.
Côté patronal cette fois, les critiques ont également fusé sur, ou plutôt contre, ce que vous appelez le « partage »…
Lors de la période de consultations, où nous avons demandé à des parlementaires et des chefs d’entreprise d’aller sur le terrain, il a émergé une demande forte chez les jeunes, mais plus en général aussi chez de nombreux salariés et entrepreneurs : donner un sens à leur activité qui ne soit pas seulement celui du profit. C’est là un vaste phénomène, par lequel s’expriment les aspirations de la jeunesse de nombreux pays, dont la France : il nous fallait répondre à ces attentes. L’entreprise doit jouer son rôle dans la société, en articulation avec les biens collectifs. L’article 1833 du code civil sera modifié pour consacrer la notion d’intérêt social et pour affirmer la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnements inhérents à l’activité de la société. L’article 1835, pour sa part, reconnaîtra aux sociétés qui le souhaitent la possibilité de se doter d’un raison d’être dans leurs statuts.
Mais la formulation est prudente et vise justement à ne pas ouvrir ces nouvelles possibilités de recours qui fondaient les craintes de certains. Elle montre une voie équilibrée, qui convient à beaucoup d’entreprises. Tout comme les accords d’intéressement et de participation, elle permettra de nouer un dialogue autour des grands objectifs de l’entreprise, de sa stratégie et d’indicateurs de performance non exclusivement financiers.
C’est donc là le sens de l’extension de l’intéressement aux PME, avec suppression du forfait social dans certains cas ?
Oui, tout comme celui du renforcement du nombre de salariés dans les conseils d’administration. Je ne suis pas sûre que notre culture, la façon de fonctionner de nos chefs d’entreprise serait adaptée à une cogestion à l’allemande. Mais il est indispensable de mieux associer les salariés à la prise de décision et à la discussion stratégique sur l’avenir de l’entreprise. Jointe à l’alignement des intérêts, une meilleure compréhension des enjeux de l’entreprise donne des résultats observables en matière de motivation, d’adhésion aux objectifs.
Dans les grandes entreprises, où l’intéressement et la participation sont généralisés, cela prend la forme de l’ouverture des conseils d’administration. Mais dans les PME, en-dessous de 50 salariés, 16% des employés seulement ont accès à ces dispositifs. Par l’annulation du forfait social sur l’intéressement en-dessous de 250 salariés (et au-dessous de 50 pour la participation), nous créons une forte incitation à mettre en place la participation et l’intéressement dans toutes les PME. Les branches professionnelles leur mettront à disposition des accords-type, d’utilisation immédiate ou en tous cas très simplifiée.
La simplification, maître-mot du Pacte ?
Oui : nous voulons lever les freins qui se présentent dans tout le cycle de vie de l’entreprise, que ce soit la création, le financement, le développement, la transmission, la liquidation… On pourrait prendre une multitude d’exemples dans le projet de loi mais le principal, c’est sans doute les seuils d’effectifs. C’est une course d’obstacles pour les petites entreprises, de 9 à 10 à 11 à 15 à 20 à 50 salariés et au-delà, en faisant face en permanence à de nouvelles obligations, à de nouvelles contraintes techniques, de nouvelles complexités… Au total, nous avons dénombré plus de 200 obligations qui dépendent du franchissement d’un seuil. Nous réduisons le nombre de ceux-ci à trois seulement – hors droit du travail – : 11, 50 et 250 salariés. Nous harmonisons les modes de calcul et, surtout, nous donnons du temps aux entreprises pour s’adapter. Les nouvelles obligations deviennent effectives cinq ans après le franchissement du seuil, quand la croissance est consolidée.
Nous faisons aussi les premiers pas vers un small business act. De manière volontariste, nous augmentons la part des PME dans les achats publics, et la loi Pacte permettra d’augmenter à 20% l’avance que leur verse l’Etat dès la commande. Et les achats innovants de moins de 100 000 euros pourront être négociés de gré à gré.
Et ainsi de suite : libérer l’entrepreneuriat, c’est l’affaire de mille mesures. L’important, c’est qu’elle s’orientent toutes dans la même direction.
Photo : Renaud Marchand
Vidéo : Dasha Ray
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