Alors que la gestion de la pandémie plombe l’économie chinoise, les pays d’Asie du Sud-Est affichent des hausses de leurs PIB. A cette situation économique favorable s’ajoutent d’autres atouts comme une meilleure maîtrise de l’anglais, une main d’œuvre moins chère et des accords de libre échange. Des éléments qui séduisent de plus en plus les entreprises étrangères. L’Asie du Sud-Est serait-elle la nouvelle destination des entreprises étrangères ?
Alors que Xi Jinping entame son troisième mandat, la situation économique de la Chine marque le pas. Avec un taux de croissance de son PIB de +2,8%, le pays est loin des années florissantes où il affichait des croissances entre +7% et +10% du PIB. Un net recul donc, dû notamment à la gestion inflexible du gouvernement de la pandémie. En imposant le « zéro covid », Xi Jinping inflige à son pays des confinements à répétitions avec des millions de chinois mis sous cloche, des entreprises et des industries à l’arrêt et la fermeture des frontières. Une stratégie conduisant à de graves ralentissements de production, en particulier en 2022, où l’apparition d’Omicron a conduit au confinement de plusieurs grands centres urbains chinois, réduisant drastiquement la consommation intérieure. Sans compter une relation de co-dépendance réciproque avec les entreprises occidentales mais avec une interprétation chinoise particulière des règles du commerce international.
Si la Chine accuse un recul, l’Asie du Sud-Est affiche quant à elle un dynamisme certain. En faisant le choix de vivre avec le covid et de réouvrir leurs frontières, ces pays ont renoué avec des perspectives de croissance du PIB de + 5,1% en 2022 atteignant même les 6,5% au Vietnam, 6,5% aux Philippines, 6 % en Malaisie et 5,4 % en Indonésie. Un contexte économique et sanitaire favorable à l’implantation des entreprises étrangères auquel s’ajoute une situation géopolitique moins tendue que celle de la Chine, alliée de la Russie. Et les entreprises occidentales, en particulier européennes, sont souvent très bien accueillies.
Le contexte global chinois moins favorable pousse les entrepreneurs étrangers vers l’Asie du Sud-Est
Pour les entreprises installées dans l’empire du milieu depuis plusieurs années et dont les activités de production ou de commercialisation des produits et services sont liées au pays, la stratégie est au maintien de leur présence sur le territoire. En revanche, la tendance est à la relocalisation des autres activités en Europe, aux Etats-Unis ou dans un pays d’Asie du Sud-Est laissant souvent aux équipes chinoises le soin de gérer les filiales locales. Par cette stratégie, les entreprises préservent leurs activités sur le marché chinois tout en s’affranchissant des difficultés de gestion des expatriés et de compréhensions culturelle et linguistique.
Avec ses 1,4 milliard d’habitants, ce pays reste un marché colossal pour les retailers et les entreprises du BtoC. C’est également un pays imbattable pour la qualité de certaines lignes de production et la capacité à intégrer l’ensemble des fournisseurs et prestataires de services sur certaines supply chain. Mais face à la tendance culturelle de l’entre soi observable dans les entreprises chinoises, notamment sur les postes de management, et à la faible maîtrise de l’anglais l’Asie du Sud-Est apparaît, comme le nouvel eldorado des entrepreneurs étrangers ! Les accords de libre échange de l’ASEAN et une proximité culturelle plus forte avec l’Occident la rendent plus attractive en termes d’investissements et d’implantation.
Ainsi pour les entrepreneurs en quête de la conquête du marché asiatique, le contexte économique et géopolitique actuel devrait les conduire plutôt à la localisation d’une filiale ou d’un bureau dans des pays comme Singapour, la Thaïlande, le Vietnam, Hong Kong, l’Indonésie ou la Malaisie. Singapour offre notamment une vraie logique de hub régional, avec la possibilité de se développer dans toute la région ASEAN (y compris l’Australie) pour ensuite se tourner vers la Chine voire également l’Inde. A un coût moindre qu’un démarrage immédiat en Chine dont la complexité se renforce.
Dans certains secteurs d’activités, le leadership est déjà passé sur des pays d’ASEAN. C’est ainsi que le Vietnam s’impose sur le marché du textile et monte en compétence sur les composants électroniques (Samsung y a relocalisé une usine de production) et des véhicules électriques avec des conglomérats comme VN Group. Les fournisseurs chinois sont eux-mêmes nombreux à s’installer sur ces nouvelles bases de production. Avec un marché de 260 millions de personnes – la moitié de l’Europe -, l’Indonésie séduit les entreprises du Retail (BtoC), de la Défense et du Traitement de l’eau.
Pays très anglophone et dont le revenu par habitant est l’un des plus faibles de la région (de l’ordre de 200 usd/mois), les Philippines attirent, quant à elles, les entreprises de services qui y localisent leurs prestations d’outsourcing et de supports (assistant de dirigeants, call centers, comptabilité, administratif).
Par son système financier mature et son bon niveau de la tech (web 3, blockchain), la Thaïlande suscite l’intérêt des entreprises high tech et des digital nomads. La Malaisie, pays pétrolier et gazier, dont le PIB par habitant est élevé comparé à ses voisins (à l’exception de Singapour) est attractif pour les sous traitants de produits électriques et électroniques. Enfin, Singapour crée une attraction particulière avec son contexte géopolitique très stable, une situation économique performante (3ème place financière en Asie, derrière Hong-Kong et Shanghai d’après le Global Financial Centres Index), un des PIB par habitant les plus élevés au monde et un bon niveau de formation de sa population (NUS 71e meilleure université)
La Chine serait-elle alors en passe d’être détrônée par ces pays ? Certains entrepreneurs ont choisi de faire une pause sans pour autant abandonner l’idée d’y revenir. Mais les signaux se multiplient pour penser qu’une autre approche de l’Asie a désormais beaucoup de sens !
Tribune rédigée par Julie Desné, directrice Asie-Pacifique chez FrenchFounders, et Yann Marteil, fondateur et associé-gérant de Shift4Good
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