Ces deux années de pandémie ont-elles renforcé l’envie d’entreprendre chez les jeunes ? Sont-ils plus inquiets ou plus confiants pour se lancer ? Si la crise a visiblement boosté l’envie des jeunes de démarrer leur propre entreprise, elle a aussi renforcé les craintes et la conscience du risque que cela représente.
En ce début du troisième millénaire, le développement de l’entrepreneuriat chez les jeunes Français est devenu une cause nationale comme en témoignent les orientations des politiques publiques, avec la création de l’Observatoire des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat (OPPE), le lancement du Plan Étudiants Entrepreneurs, le Livre vert de la jeunesse de Martin Hirsch, la création du statut d’entreprise universitaire… Cette dernière décennie a également vu le développement de nombreux programmes éducatifs en entrepreneuriat. L’OPPE a recensé en 2011 plus de 450 programmes dans l’enseignement supérieur ; près de neuf actions sur dix ayant vu le jour après 2001.
Parallèlement, de multiples initiatives privées et associatives ont émergé, proposant de nouvelles actions ou dispositifs de sensibilisation, de formation et d’accompagnement pour les jeunes. Les changements économiques et sociaux affectant notre société, et en particulier ceux relatifs au marché du travail et à l’insertion des jeunes, ne sont pas étrangers à cet intérêt pour favoriser l’apprentissage de l’entrepreneuriat dans ce segment de population. Cet entrepreneuriat est à la fois vu comme un vecteur économique – par la création de nouvelles entreprises et activité – mais aussi comme un outil d’insertion sociale et professionnelle, et enfin de lutte contre le chômage. L’entrepreneuriat chez les jeunes est supposé apporter des réponses à des problématiques aussi différentes que le chômage ou la violence dans les quartiers difficiles.
Une volonté indéniable
On a souvent reproché aux jeunes Français de ne pas avoir la fibre entrepreneuriale. Pourtant, les success-stories ne manquent pas chez les moins de 30 ans, comme en témoigne notamment le palmarès Forbes 30 Under 30. Ces jeunes prodiges ont même la cote auprès des investisseurs. Alors, quels sont les facteurs qui motivent ces jeunes et, surtout, comment donner un petit coup de pouce à ceux qui n’osent pas se lancer ?
Après un niveau déjà historique en 2020, la hausse des créations d’entreprise se poursuit en 2021. Sur les dix premiers mois de l’année, l’Insee en comptabilise 838 389. L’enquête menée par l’Ifop pour Bpifrance, publiée en décembre dernier, auprès d’un échantillon de 5 066 personnes dresse un portrait de l’engouement des jeunes entrepreneurs. L’indice entrepreneurial mesure la part de la population française directement concernée par l’entrepreneuriat. S’il reste stable à 30 % au niveau global, il progresse fortement chez les jeunes et dans les quartiers.
L’indice entrepreneurial chez les moins de 30 ans est aujourd’hui en France de 51 % contre 26 % pour les plus de 30 ans. Cet écart, presque du simple au double, ne s’explique pas seulement par leur forte envie d’entreprendre. Certes, les intentionnistes (ceux qui ont le désir de créer) sont plus nombreux chez les jeunes que chez les plus de 30 ans, mais on note aussi une plus forte proportion de chefs d’entreprise et de porteurs de projet.
Trois changements majeurs : des jeunes de moins de 30 ans beaucoup plus entrepreneurs que leurs aînés ; une diminution des intentionnistes ; et une accélération du mouvement dans les quartiers prioritaires de la ville. De plus, chez les moins de 30 ans, l’égalité femmes-hommes reste à conquérir. Dans toutes les catégories, les hommes sont surreprésentés, en particulier pour ceux qui déclarent être chefs d’entreprise. Ce sont des hommes pour 68 % d’entre eux. L’écart est identique chez les porteurs de projet : 65 % d’hommes. L’égalité n’est atteinte que chez les intentionnistes qui met en relief un passage à l’acte plus compliqué pour les jeunes femmes.
Des créations toujours en hausse
Comme toutes les catégories d’entrepreneurs, les jeunes ne sont pas épargnés par le virus de l’entrepreneuriat. Les étudiants créateurs restent cependant toujours à la traîne même si les intentions déclarées de créer son entreprise n’ont également fait qu’augmenter ces dernières années. L’entrepreneuriat apparaît comme une véritable solution tant en termes d’un avenir désirable pour le bien commun mais également comme un désir personnel. L’envie de réussir est souvent déterminante quand on parle d’entrepreneuriat chez les jeunes. Les réunions pour les créateurs d’entreprise découragent souvent cette prise de risque même s’il faut bien considérer que, paradoxalement, le risque demeure moins élevé quand on est jeune, sans avoir la charge d’un loyer ou d’une famille. Il reste nécessaire de promouvoir des valeurs comme l’audace, la créativité, la responsabilité, la solidarité, la persévérance, la confiance en soi et l’initiative. Là encore, une approche qui devrait être généralisée dès l’école.
Se mobiliser pour donner envie d’entreprendre
Encourager la motivation passe par la levée des freins au désir d’entreprendre : manque d’expérience professionnelle, difficultés à trouver des financements, peur de l’échec, méconnaissance du monde entrepreneurial, pression familiale négative sont autant de facteurs de découragement pour les jeunes entrepreneurs.
La création du statut d’étudiant-entrepreneur a constitué à lui seul une petite révolution qui a bien fait évoluer des mentalités. Les dispositifs qui accompagnent les jeunes de 18 à 32 ans se sont multipliés. De quoi susciter bien des vocations chez les jeunes issus de milieux défavorisés. Des actions qu’il faut donc encourager. On peut également citer les pépinières spécialisées qui aident les jeunes entrepreneurs dans leur début d’activité ou bien le programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs qui leur permet d’acquérir de l’expérience en gestion d’entreprise. Jamais les jeunes n’ont été aussi compétents, enthousiastes et porteurs d’idées, les aider à les concrétiser devrait être une priorité.
Des réseaux pour accompagner les success-stories de demain
L’engouement des jeunes pour entreprendre ne cesse d’accroître d’année en année. Et si se lancer peut s’avérer compliqué, nombreuses sont les initiatives qui aident les jeunes entrepreneurs à se transcender. En 2021, le réseau France Active a accompagné environ 8 600 jeunes de moins de 30 ans dans leur projet d’entreprise. Un record en France. Pour répondre à l’augmentation des sollicitations et sécuriser au mieux les jeunes dans leur projet, France Active a multiplié les actions auprès d’eux selon trois axes. Tout d’abord, le renforcement du pacte Création pour les jeunes en difficulté mis en place pour les jeunes sans emploi et/ou issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou encore des territoires ruraux les plus isolés qui ont un projet de création d’entreprise. Ils peuvent bénéficier de solutions de financement, de sessions didactiques consacrées à la création d’entreprise via des webinaires et des ateliers, ou encore d’une prime de 3 000 € pour faciliter le lancement de leur projet. Cet appui renforcé aux créateurs est rendu possible grâce à l’appel à projet « Inclusion par le travail indépendant » du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, dont l’objectif est de permettre à 4 000 jeunes porteurs de projet en situation de fragilité de créer leur entreprise, entre septembre 2021 et fin 2022. Ensuite, le réseau d’entrepreneurs propose le pacte Émergence pour valider une idée d’entreprise. La démarche : leur donner les moyens de concrétiser leur projet en le challengeant sur le modèle économique, jusqu’à la construction de la stratégie de financement et à la prise en charge financière des phases d’étude ou de test, grâce aux partenaires privés. En 2022, l’objectif est d’accompagner au moins 500 projets d’innovation sociale au stade de l’émergence. Enfin, France Active soutient le développement des entreprises d’insertion. Son intervention vise à préserver leur recherche d’utilité sociale, plus particulièrement pour permettre aux jeunes de s’insérer dans un parcours de professionnalisation, et de leur donner les moyens de se développer en toute sérénité. « Ces résultats sont en phase avec ce qu’expriment les jeunes entrepreneurs que nous soutenons », observe Pierre-René Lemas, président de France Active.
« Jamais ils n’ont été aussi nombreux à vouloir se lancer dans l’entrepreneuriat tout en s’engageant dans un projet utile et porteur de sens. C’est l’économie de demain qui se prépare aujourd’hui avec eux. Depuis la crise, nous avons particulièrement renforcé notre soutien auprès des jeunes en dif culté. Pour beaucoup, l’entrepreneuriat est la solution pour retrouver la confiance et une place digne de ce nom dans la société. Notre rôle est de les sécuriser afin que cette insertion par l’entreprise soit une aventure positive et durable. »
100 000 entrepreneurs est une association d’intérêt général fondée en 2007 dont l’objet est de transmettre la culture et l’envie d’entreprendre aux jeunes de 13 à 25 ans en France métropolitaine et d’outre-mer, au moyen de témoignages d’entrepreneurs bénévoles dans les établissements scolaires. Les actions de ce réseau s’articulent autour de trois axes prioritaires : favoriser l’égalité des chances pour chaque jeune, promouvoir auprès des jeunes l’entrepreneuriat porté par les femmes et préparer les jeunes au monde de demain. Depuis sa création, l’association a sensibilisé plus d’un demi-million de jeunes.
Jeunesse et Entreprises a pour vocation d’aider les jeunes à découvrir le monde de l’entreprise afin de mieux l’intégrer. Cette ambition repose sur des actions fortes, durables et innovantes, mises en place avec ses entreprises partenaires, locales ou nationales. Ses actions sont développées sur tout le territoire, animées par des bénévoles et des experts, qui font tous vivre la relation de proximité entre les jeunes et les entreprises.
Entreprendre pour apprendre est une fédération de 17 associations loi 1901, agréée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Ses activités sont complémentaires de l’école. Génératrice de nouvelles perspectives, elle œuvre pour que le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise se connectent. Elle rassemble les jeunes, leurs encadrants et des représentants du monde de l’entreprise pour s’enrichir mutuellement. L’objectif est de donner à chacun le pouvoir de se réaliser au travers d’une expérience humaine et surtout collective : la Mini-Entreprise.
Des craintes bien présentes
La pandémie a eu un effet paradoxal sur la motivation à créer sa propre entreprise. D’un côté, elle a véritablement boosté l’envie d’entreprendre des jeunes : aujourd’hui, 47 % des 18-30 ans déclarent avoir envie de créer leur propre entreprise, soit 5 points de plus qu’en 2019. Une envie tirée par l’envie de liberté et d’indépendance, premier moteur de la création d’entreprise, qui est citée bien avant toute autre motivation. À noter, d’ailleurs, que les jeunes sont de moins en moins attachés au statut de salarié, 36 % des jeunes de 18-24 ans préférant désormais le statut d’indépendants.
Mais cette crise a largement renforcé la crainte de l’échec. Les jeunes ont aujourd’hui une conscience beaucoup plus forte des risques liés à la création d’entreprise. Ils mettent davantage en avant leur manque d’expérience parmi les risques et l’insécurité de l’emploi qui va de pair avec l’entrepreneuriat les inquiète davantage. La crainte liée au financement reste la plus importante : ils sont encore 43 % à hésiter à se lancer pour des raisons financières, un taux qui baisse néanmoins de 12 points par rapport à 2019. À quoi sert la création d’entreprise ? Pour 65 % des jeunes, il s’agit avant tout d’un moyen de faire bouger le monde. En 2022, ils sont 31 % à envisager un modèle où tous les salariés seraient décisionnaires, 29 % seraient prêts à se lancer dans une entreprise capable de créer du lien social et de contribuer au développement de leur territoire et 27 % à privilégier un projet lié au développement durable ou à l’environnement.
Porter des projets à impact
L’intention entrepreneuriale des Français de 18-29 ans est parmi la plus forte des pays développés. Pourtant, le taux effectif d’entrepreneuriat de cette tranche d’âge est faible par rapport à ce qu’on observe dans les pays comparables. Une tendance particulièrement marquée chez les moins diplômés et les femmes. Par exemple, parmi les femmes âgées de 18 à 24 ans, seules 22 % ont entrepris. Un taux largement en deçà de ceux remarqués en Espagne (44 %), aux États-Unis (32 %) ou en Italie (33 %).
Alors que notre pays a besoin de toutes ses forces vives pour se relever de la crise de la Covid-19, il est important de redonner aux jeunes la capacité à entreprendre. Des centaines de milliers de jeunes imaginent et créent des projets entrepreneuriaux pleins de potentiel et de sens dont ils aimeraient vivre dignement. Ils regorgent d’énergie et de créativité qu’ils souhaitent mettre, seuls ou en collectif, au service d’un projet entrepreneurial dans leur quartier, sur leur territoire et même au-delà.
L’indice entrepreneurial mesure la part de la population française directement touchée par l’entrepreneuriat. S’il reste stable à 30 % au niveau global, il progresse fortement chez les jeunes et dans les quartiers. Plus de porteurs de projet et moins d’intentionnistes.
C’est le premier enseignement de l’étude sur l’entrepreneuriat réalisée par l’Ifop pour Bpifrance. Elle calcule un indice entrepreneurial français qui exprime l’implication de la population française dans la chaîne entrepreneuriale : chefs d’entreprise, anciens chefs d’entreprise, porteurs de projet et, enfin, intentionnistes. Cet indice est stable à environ 30 % de la population française.
Mais à y regarder de plus près, on note trois changements majeurs dans la dernière fournée de l’étude : des jeunes de moins de 30 ans s’avèrent beaucoup plus entrepreneurs que leurs aînés. Afin d’aider les personnes en difficulté d’insertion professionnelle, le gouvernement lance le programme « Inclusion par le travail indépendant » permettant à ce public de créer son propre emploi en devenant entrepreneur. L’objectif du plan : faciliter l’accès à la création d’entreprise pour tous, y compris pour les personnes fragilisées sur le marché du travail, quel que soit leur âge. Ce programme vient en complément d’autres dispositifs mis en œuvre dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution », tels que le mentorat par des pairs ou encore une aide financière.
Un Mozart de l’entreprise
Gautier Decroix défie les statistiques : à 16 ans, il a créé son entreprise et est devenu ainsi le plus jeune entrepreneur accompagné par Réseau Entreprendre en 33 ans d’existence. À la clé de son projet « Your Party », six emplois créés la première année dans le Dunkerquois et une nouvelle offre de services pour simplifier l’organisation d’événements professionnels, avant d’étendre l’offre aux particuliers.
C’est en réalisant, pour ses propres besoins, qu’il manquait un service de location de matériels entre prestataires de l’événementiel que Gautier a eu l’idée de créer une plateforme internet de mise en relation dans le secteur. Affinant son projet grâce aux échanges avec son entourage, il a pu identifier un marché et se lancer dans l’aventure entrepreneuriale.
Si sa mère et son beau-père le soutiennent, il avoue la difficulté du parcours et des épreuves à surmonter pour réussir à faire naître son entreprise : « Je me lève tôt et je me couche tard pour rattraper les cours auxquels je n’arrive pas à assister. Mais tous les matins, je suis heureux car je sais que je suis en train de monter mon entreprise. » L’accompagnement de Réseau Entreprendre vise à conforter et challenger les entrepreneurs dans leur projet, afin de les aider à réussir leur entreprise et les créations d’emploi associées. Pour Gautier, ce soutien a démarré dès le premier contact avec la section de la Côte d’Opale. Le jeune entrepreneur de 16 ans a rencontré plusieurs chefs d’entreprise qui lui ont « permis de progresser et de savoir par où commencer » selon ses propres mots. Ses statuts déposés et son business plan revu, Gautier est maintenant un entrepreneur lauréat de Réseau Entreprendre Côte d’Opale après son passage en comité d’engagement. « Une présentation très bien préparée, un dossier très bien maîtrisé, une personne bien encadrée… La clarté des propos de Gautier ainsi que sa maturité ont impressionné l’ensemble des chefs d’entreprise présents au comité. C’est étonnant de voir un si grand professionnalisme chez un adolescent. Tous autour de la table, avions envie de croire à la naissance d’une success-story », précise Vincent Bia, président du comité d’engagement qui a décidé d’accompagner et de financer le jeune entrepreneur.
Il y a deux ans, Gautier Decroix a créé Welleat, une start-up qui conduit le changement dans la production culinaire pour la rendre plus accessible, structurée, performante et saine afin d’améliorer la vie des gens et l’environnement !
Article rédigé par Gaëlle Ménage et Eve Sabbah
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