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Les entrepreneurs face au spectre des défaillances d’entreprise : comment limiter la casse ?

© Getty Images

Bâtiment, restauration, habillement… Les défaillances d’entreprises se multiplient avec de nombreuses séries noires. Pour cette rentrée, le cap des 63.000 procédures a été franchi, ce sera donc un dossier épineux sur lequel est attendu le nouveau gouvernement. Comme un échec qui les marque au fer rouge, les entrepreneurs parfois asphyxiés financièrement font face à des dilemmes quand il s’agit de trancher sur l’inévitable… Certains dispositifs méconnus affichent des avantages manifestes pour sortir du rouge et rebondir à l’instar de la Transmission Universelle de Patrimoine (TUP). Eclairage avec Richard Hudson, fondateur du cabinet expert Leyland & Leyland qui accompagne les décideurs à la croisée des chemins.

  

Quels conseils donner aux entrepreneurs qui, contraints, décident d’arrêter leur société ?

Richard Hudson : Pour un entrepreneur, il est difficile d’avouer un échec et de mettre la clé sous la porte, et beaucoup s’entêtent à poursuivre l’activité en pensant pouvoir se « refaire », alors que business model n’est plus viable. Toutefois, cette attitude partant d’une intention louable (sauver les emplois, payer les fournisseurs…), peut déboucher sur une véritable catastrophe à titre personnel. Beaucoup de dirigeants méconnaissent les règles applicables en cas déclaration de cessation de paiement tardive. En effet, lorsque la cessation de paiement est avérée, le décideur dispose de 45 jours pour effectuer la déclaration auprès de son Tribunal de Commerce. A défaut de déclaration dans les délais, celui-ci peut se voir engager sa responsabilité personnelle pour faute de gestion.

Dans ces conditions, la liquidation peut être potentiellement étendue à titre personnel et déboucher sur la saisie des biens personnels pour payer les dettes de la société, sans parler de la réputation et de la crédibilité professionnelle du dirigeant qui se trouve entachée pour de nombreuses années en raison des informations qui maintenant sont diffusées et publiées très largement sur internet. Dans ce cas, il est donc primordial de déclarer cette situation au plus vite et sans tarder auprès du Tribunal de commerce. Il est recommandé de faire appel au conseil habituel pour accompagner les dirigeants se trouvant dans cette situation.

C’est pourquoi, il faut à tout prix éviter d’en arriver à une telle extrémité, et il faut réagir bien en avance afin de prendre les mesures nécessaires en amont.

Quid des possibilités une fois la procédure réalisée ?

Il existe plusieurs possibilités parmi lesquelles, la dissolution de la société holding selon les règles du pays où celle-ci est enregistrée. La société holding peut également poursuivre l’activité depuis son siège social étranger ; elle peut par ailleurs enregistrer une succursale (établissement secondaire) dans le pays où se déroule les activités commerciales. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont des destinations où il est intéressant d’absorber la société fille par la holding.

En France, quels sont les mécanismes qui peuvent décourager ou inciter les entrepreneurs à actionner cette procédure ? 

Il est important de noter que pour les sociétés qui souhaitent être radiées par liquidation amiable et qui n’ont pas de dettes, un nouveau décret est mis en application au 1er octobre 2024, dorénavant il est obligatoire de faire la demande d’un certificat de conformité auprès des administrations fiscales françaises et organismes sociaux, qui doit confirmer que les déclarations sont à jour et que la société n’a pas de dettes fiscales et sociales, la formalité de liquidation amiable déjà complexe et lourde va se trouver encore plus difficile à mettre en oeuvre.  

Par conséquent la procédure de transmission Universelle de Patrimoine (TUP) sans liquidation, va se trouver encore plus attractive en proposant une solution alternative beaucoup plus rapide, très sécurisée juridiquement et notablement moins coûteuse. La formalité de dissolution simplifiée par TUP devrait donc connaître un important succès dans les années à venir.

© Richard Hudson

 

Si vous deviez expliquer ce qu’est la dissolution par Transmission Universelle de Patrimoine à un novice ?

Richard Hudson : Ce dispositif appelé TUP par les professionnels du droit, se base sur l’article 1884-5 du code civil. Le législateur, par cette loi, a introduit cette disposition pour simplifier la dissolution des sociétés. Cette loi prévoit que lorsque les parts d’une société française sont détenues à 100% par une autre société (française ou étrangère) la société fille française peut transmettre son patrimoine (actif et dettes) à sa société mère, ce qui entraîne la dissolution automatique de la société fille. Celle-ci est juridiquement effective le 30ème jour à minuit après la parution de l’annonce légale. Une fois l’enregistrement effectif, la société reçoit du Tribunal de commerce un kbis mentionnant et attestant de la dissolution définitive.

Quels sont les avantages à recourir à cette loi plutôt que d’utiliser les procédures habituelles de liquidation ?

Les autres formes de dissolution sont très contraignantes, il faut liquider les actifs, produire les comptes de liquidation, faire des rapports et plusieurs formalités, avoir recours à un cabinet comptable, à un liquidateur, voire à un avocat… En bref, cela demande une énergie considérable et une perte de temps importante pour les dirigeants, sans parler des délais pouvant aller de plusieurs mois à plusieurs années, alors que six semaines sont en général nécessaire pour obtenir la dissolution par TUP.

D’autre part, l’avantage principal de cette solution réside dans sa simplicité et dans le fait que 30 jours après parution de l’annonce légale, la dissolution est actée juridiquement, et il n’est plus possible ensuite de déclencher des procédures judiciaires ou autres, puisque la société est définitivement dissoute. D’autre part, les responsabilités du représentant légal s’arrêtent à la dissolution. Cela apporte une grande sécurité juridique que les autres formes de procédures ne confèrent pas.

Quels types de sociétés vous sollicitent-elles pour les accompagner et quelles sont leurs motivations principales ?

Toutes les personnes morales sont éligibles quel que soit leur forme juridique, leur activité et leur taille, à condition évidemment de ne pas être en état de procédure de sauvegarde de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les défaillances d’entreprise sont de plus en plus nombreuses, on peut citer la série noire touchant de plein fouet le secteur de l’habillement… Qu’observez-vous sur les filières à risques et sur la conjoncture actuelle ? 

Comme suite à la période Covid où les entreprises ont eu largement recours à des PGE, elles doivent maintenant rembourser ces prêts, conjugué avec une situation économique dégradée, cela entraîne en 2024 un nombre record de défaillances d’entreprises qui se trouvent maintenant confrontées à la problématique des procédures de liquidation judiciaires. D’autre part, les Tribunaux de commerce sont aujourd’hui surchargés de dossiers et les greffes ont également des difficultés à réaliser les formalités juridiques dans les temps suite à la mise en place du guichet électronique unique qui dysfonctionne en permanence. 

Nombre de professionnels du droit s’insurgent sur l’insécurité juridique que cela entraîne pour leurs clients et sur la perte d’attractivité de la France pour les entreprises étrangères.

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