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L’absence d’innovation de rupture dans l’aviation bouscule les voyagistes

De nombreux experts considèrent qu’il faudra plusieurs décennies pour que le secteur aérien s’aligne sur les Accords de Paris. C’est pourquoi un mouvement se dessine d’acteurs touristiques qui ont décidé de brider leur activité.

En septembre dernier, l’ADEME a livré un rapport concernant la transition écologique du secteur aérien.

 

Elle a passé en revue cinq catégories de leviers de « décarbonation » que sont l’augmentation du remplissage des avions, l’amélioration de l’efficacité énergétique, la baisse de l’intensité carbone de l’énergie consommée, le report modal et la réduction du niveau de trafic.

Ayant mis l’accent sur la réduction des gaz à effet de serre, elle a d’emblée écarté les mesures de compensation, via la séquestration de carbone. L’ADEME met en relief trois pistes aux impacts très différents :

  • D’un côté, l’amélioration de l’efficacité énergétique des avions et le recours aux carburants durables pour baisser l’intensité carbone de l’énergie ne produiront des effets sensibles qu’à moyen et long terme.
  • De l’autre, la décision de modérer le trafic attesterait selon elle d’une réelle volonté politique d’obtenir des résultats significatifs pour le climat avec une baisse immédiate des émissions.

Dans le même sens, Augustin de Romanet, Président du groupe ADP, a indiqué que son groupe pouvait s’adapter à une baisse du trafic aérien pendant une période de transition. Et qu’il comprend ceux qui adoptent une mobilité plus responsable.

Ces déclarations ne sont pas isolées, puisque d’autres acteurs du voyage ont décidé de plafonner leur activité.

Dans leurs motivations, l’impossibilité de créer un avion propre à court terme, mais aussi d’autres thèmes comme la qualité de service, la pollution, la santé publique, ainsi qu’une volonté de cohérence avec les valeurs desdites organisations.

Des nuisances multiples

Le gouvernement néerlandais a ainsi décidé cet été de « caper » le nombre de vols de l’Aéroport Amsterdam-Schiphol. Seuls 440.000 vols par an seront autorisés contre un total de 500.000 vols encore effectués avant la pandémie. Il justifiait ce choix en raison de la pollution sonore et de l’hostilité des riverains.

Dans la même veine, Secret Planet, un opérateur des aventures nature et de l’expédition, veut maîtriser son empreinte carbone d’une manière radicale, faute de meilleure solution.

Affolé par l’explosion de la demande de ses clients à la sortie de la pandémie, cette société a fait le choix, pour respecter les Accords de Paris, d’arrêter la commercialisation de ses voyages, dès qu’au cours de l’année le volume conjugué de toutes leurs émissions de gaz à effet atteint un niveau jugé non souhaitable.

Dans la même veine, le voyagiste abandonne les vols avec escale et porte la durée des séjours de 20 à 25 jours sur place en moyenne.

Un tel virage suppose l’alignement des actionnaires et des salariés.  

La question des quotas

L’un des risques, si cette tendance se confirme, c’est que le tourisme aérien en Europe devienne plus élitiste. La modération du trafic aérien proviendrait alors de l’incapacité d’une partie de la population à s’offrir des billets devenus trop chers.

Plus globalement, Augustin de Romanet ne cache pas que la progression des classes moyennes dans les pays émergents va entraîner dans les 20 prochaines années un recours massif à l’avion. Dans les pays, où l’avion s’est déjà largement démocratisé avec les vols low cost, il préfère que le trafic se modère de lui-même plutôt de recourir à des mesures d’interdiction.

Certains évoquent en effet la nécessité d’instaurer des quotas carbone individuels.

Récemment, Jean-Marc Jancovici, président du think tank The Shift Project, a même suggéré de limiter la possibilité d’une personne de prendre l’avion à quatre vols durant sa vie entière, quels que soient ses revenus.  

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