Sous l’impulsion d’Arthur Tutin, jeune entrepreneur de 25 ans à la tête de la florissante et tout aussi novatrice plateforme de troc en ligne de bouteilles de vins sobrement baptisée Trocwine, la WineTech est sortie de terre avec une « feuille de route » limpide : fédérer les start-up viticoles des quatre coins du monde.
AgTech, FinTech, FoodTech, EdTech… les mots-valises sont légion pour défricher l’écosystème start-up et ainsi classer et/ou répertorier les jeunes pousses en fonction de leur thème de prédilection. Mais rien ne semble avoir été pensé pour rallier sous la même bannière les principales innovations et autres propositions autour du vin, alors que ce nectar fait partie intégrante du patrimoine français. Doux euphémisme lorsque l’on se penche sur quelques chiffres. Ainsi, à lui seul, le vin représente 15% de la production agricole en valeur tandis que les ventes de vins à l’export ont atteint 7,9 milliards d’euros sur la seule année 2016. Le tout grâce à la vente de 12,2 millions d’hectolitres. Une somme qui correspond, peu ou prou, à plus de 150 Rafale, le fameux chasseur de Dassault Aviation que la France a eu longtemps toutes les peines du monde à trouver acquéreur à l’international.
« J’ai vu beaucoup de start-up viticoles qui disparaissaient du paysage au bout de six mois. J’avais donc pour ambition de monter une coordination qui abriterait en son sein toutes les start-up évoluant autour des thématiques relatives aux vins et autres spiritueux », développe Arthur Tutin, fondateur de TrocWine. L’adage « l’union fait la force » étant parfaitement adapté aux problématiques de la WineTech, le jeune entrepreneur débroussaille le chemin afin d’être en mesure de « peser » face aux acteurs historiques et donc un brin traditionnels.
« L’idée est justement de pouvoir regarder droit dans les yeux les cavistes et autres négociants pour leur dire que nous sommes là pour les aider à prendre le virage du digital et œuvrer à cette transformation numérique », déclare Arthur Tutin. Accompagné et soutenu dans cette initiative par Vincent Chevrier, CEO de VinoTeam et Vinexplore, la WineTech prend corps au mois d’avril 2016. L’idée aussi simple soit-elle – se faire le porte-voix d’un secteur – ne risque-t-elle pas pour autant de cristalliser les jalousies et les rivalités entre plusieurs start-up d’un secteur, de facto concurrentes ? Rien de tout cela tant l’engouement est immédiat. « Avec Vincent, nous avons proposé l’initiative à d’autres acteurs du vin et du numérique comme Les Grappes, Wine Republik et Vinoga qui ont immédiatement été conquis par l’idée. Et lors de notre premier salon à Bordeaux, beaucoup d’entreprises viticoles sont venues se renseigner pour savoir quelles étaient les modalités pour nous rejoindre », souligne le jeune homme, les yeux brillants ne semblant toujours pas revenir de cette union réussie. Et ce n’est qu’un début.
« Erasmus entrepreneurial »
Mais en fait, que propose réellement la WineTech ? « Une communication unifiée » souligne, tout de go, Arthur Tutin. « On se met tous en avant », ajoute-t-il. Pourtant le pari n’avait, à l’époque, rien d’évident et aujourd’hui il est en passe d’être gagné. Plus de 60 start-up comme Pinot Bleu, Winestar, Le Petit Ballon, Seven Fifty (USA), mais encore Wine Searcher (Nouvelle-Zélande) ou Viinup (Suisse), ont rejoint le mouvement. « Nous arrivons désormais à proposer quelque chose de vraiment structuré et concret. Nous sommes ainsi présents au salon ProWein, qui est la référence, grâce à un partenariat noué avec Business France. Chose qu’une seule start-up viticole n’aurait pas pu se permettre, notamment pour une question de frais », développe l’entrepreneur qui multiplie les initiatives pour rendre la WineTech encore plus attractive et ambitionne de monter « au moins » trois salons par an estampillés WineTech .
« Nous aimerions aussi créer, en quelque sorte, un « Erasmus entrepreneurial ». « Par exemple, une boite désireuse de se lancer aux Etats-Unis pourrait être « hébergée » par une entreprise membre de la WineTech et déjà présente sur place. Cette entreprise va pouvoir immédiatement se mettre à travailler et la start-up « hôte » va pouvoir offrir son expertise ainsi que les « tips and tricks » du marché ». Un dispositif « gagnant-gagnant » avec, en filigrane, cette volonté indéfectible, via ce genre d’initiatives, de gagner en crédibilité face aux acteurs historiques susnommés. Autre barrière à « l’entrée » : toute start-up désireuse d’intégrer le giron de la WineTech devra être, au préalable, parrainé par un autre membre naviguant déjà sur les eaux calmes et apaisées de ce « petit » écosystème. Evidemment, la faisabilité du projet fait également partie des conditions sine qua non pour porter l’étendard de la WineTech. Car en dépit de l’importance du vin dans la culture française, ce dernier reste, paradoxalement, un produit méconnu. Et les start-up viticoles également, elles qui mériteraient un petit coup de projecteur. Exercice pratique avec TrocWine, la structure d’Arthur Tutin.
« L’exemple » TrocWine
En dépit de son jeune âge, Arthur Tutin n’en est pas à sa première aventure entrepreneuriale. Dès les prémices de ses études universitaire – faculté de droit – le jeune homme terrassé par l’ennui et « une mauvaise orientation », dixit l’intéressé, est rapidement happé par le « démon de l’entrepreneuriat » et fonde en 2010 « Bees Of The World », une start-up spécialisée dans le rachat et la vente de miels rares. « Ces derniers venaient de tous horizons, du Maroc, d’Espagne, de Moldavie. Nous voulions montrer qu’il existait encore du miel de qualité », souligne-t-il. Une aventure couronnée de succès. Après cela, Arthur Tutin va « rentrer dans le rang » et rejoindre des rédactions de magazines de mode et luxe, structures au sein desquelles il évolue, notamment autour de la partie communication. Un passage important dans le parcours du jeune homme puisqu’il esquisse les contours de son « deuxième projet » d’entrepreneur : en l’occurrence les « Chapeaux d’Aliocha », des bonnets « hand made in Paris ». « L’idée nous est venue d’un de mes frères qui avait une touffe de cheveux impressionnante et on ne trouvait aucune marque de bonnet qui lui convenait. On a donc pris le parti de les produire nous-même et nous nous sommes lancés en 2013. Nous avons été distribués, entre autres, dans de grands magasins à Paris mais également à Londres et Monaco », précise Arthur Tutin.
Malgré ses réussites, le jeune homme s’enhardit et éprouve alors le besoin de trouver une activité en lien avec sa passion, en l’occurrence le vin. « En dépit de mon épanouissement professionnel et donc financier, je n’étais pas non plus en mesure de m’offrir tous les vins que je souhaitais, comme les classiques Petrus et autres Romanée-Conti, qui sont largement hors budget et ce, même si le vin est un nectar voué au partage», explique l’entrepreneur. Et de poursuivre. « J’ai donc cherché une alternative à l’achat et le troc est arrivé comme une évidence. J’ai mes affaires à coté et je me suis dis : pourquoi pas monter un site pour les gens désireux d’échanger du vin ? Je savais pas du tout comment était le marché (nous étions alors en 2014). J’ai monté une simple home page avec le contour du projet et tâté le terrain pour voir qui était susceptible de me rejoindre ? »
« De surprises en surprises »
Le jeune homme n’avait aucune intention de faire une activité professionnelle, davantage une « annexe » voire un hobby pour assouvir sa passion et, au passage, éviter l’inflation galopante du vin. Mais la magie a rapidement opéré et Arthur Tutin va rapidement être « dépassé » par sa création, et ce bien au-delà de ses espérances. « Des centaines de personnes ont commencé à s’inscrire sur le simple concept. J’ai alors été repéré par Miss Vicky Wine, qui est LA bloggeuse française du vin ». Et là tout s’enchaîne. « Elle m’a invité à pitcher mon projet au sein du « VinoCamp » qui est un salon itinérant et qui, à ce moment-là faisait escale à Lisbonne. Je me suis retrouvé devant un parterre d’acteurs du vin (environ 300) à dérouler mon discours sans disposer d’aucune technologie en amont ». Arthur Tutin, malgré quelques contrariétés logistiques, voit son projet plébiscité et faute de pouvoir voter, les gens favorables à son idée se mettent derrière lui. La grande majorité des personnes présentes ce jour-là votent pour son projet. TrocWine est sur rampe de lancement et sortira des tréfonds de l’imagination de son créateur au mois de novembre 2015.
Dès lors, comment fonctionne TrocWine ? Avant tout, il s’agit d’un site et non d’une application « car je pense qu’elles sont, à terme, vouées à disparaître car on utilise toujours les mêmes, mais ce n’est que mon avis », déclare en souriant le jeune homme. Dans le détail, Trocwine est une plateforme en SaaS avec une visibilité sur tous les vins et flacons en ligne. En toute gratuité. Une fois inscrit, l’utilisateur dispose de toute latitude pour formuler des propositions de trocs à d’autres membres avec toutes les fonctionnalités inhérentes à ce type de plateforme, comme le Chat ainsi qu’un système de notation des bouteilles et des troqueurs, sans oublier des photos HD desdits flacons ainsi qu’un curseur digital permettant de mesurer la quantité de vin restant dans la bouteille.
Echanges conviviaux
Quid de la livraison ? Là-aussi les choses sont facilitées. « Nous enjoignons les gens à échanger dans leur région et à se rencontrer pour discuter autour du vin », souligne Arthur Tutin. D’ailleurs dans ce même ordre d’idée, Arthur Tutin a récemment lancé, « pour que l’échange demeure encore plus convivial », le concept de Troc-Party, ce qui permet à tout un chacun d’échanger autour de sa passion dans un lieu choisi au préalable. Autre possibilité, grâce à un partenariat avec une chaîne de caviste bien connue des amateurs : laisser sa bouteille le matin avant de partir au travail pour que celle-ci soit récupérée, dans la journée, par un autre troqueur. Un « point-relais » en somme, pour l’instant uniquement disponible en Ile-de-France.
Comment éviter les mauvaises surprises ? « Toutes les bouteilles sont d’abord validées par nos soins » annonce d’emblée Arthur Tutin. Mais, via ce « cercle vertueux », comment éviter que les gens ne « refourguent » leurs vieux rosés de l’été et autres piquettes ? « C’était en effet un risque » souligne Arthur Tutin en souriant « mais cela ne s’est guère produit ». En effet, TrocWine recèle 85% de grands crus et premiers crus, avec notamment quelques pépites, comme un Mouton Rotschild 1946, mais également un vin liquoreux de 1866. Avis aux amateurs qui sont désormais plus de 1 000 sur TrocWine pour autant de bouteilles mises en ligne. Fort de ce brillant ambassadeur, la WineTech a de beaux jours devant elle.
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