Uber va tout prochainement s’introduire en bourse sur le New York Stock Exchange, et pourrait lever grâce à cette IPO plus de 10 milliards de dollars pour financer sa croissance. Parti en 2010 d’une offre limitée aux voitures avec chauffeur haut de gamme à San Francisco, le géant du transport à la demande a depuis conquis 700 villes et n’a cessé d’étendre sa gamme de services. Transport individuel, collectif (UberPOOL notamment), livraison de repas, développement de véhicules autonomes, place de marché de fret, vélos en libre-service via le rachat de Jump Bikes… Comment comprendre ces nombreuses diversifications ? Il faut en fait analyser la stratégie d’Uber comme la somme de 3 paris sur le futur des transports – et il suffit que l’un d’entre eux réussisse pour que la société s’assure un bel avenir.
Le premier de ces paris est le plus évident : devenir le point d’accès unique de la mobilité, une véritable méta-plateforme. C’est un scénario déjà à l’œuvre : Uber utilise les connexions nouées avec ses utilisateurs sur les VTC pour leur proposer toujours plus d’offres de transport. De courte distance avec les vélos et trottinettes électriques. De moyenne distance avec les véhicules à la demande sous leurs différents avatars : individuels plus ou moins luxueux ; partagés avec UberPOOL ; collectifs avec les tests d’Uber Bus en Egypte. Et enfin de longue distance, par l’intégration croissante avec les réseaux de transport publics, le développement de voitures volantes (si, si) et pourquoi pas demain d’autres solutions complémentaires. On pourrait très bien imaginer le lancement d’une offre concurrente de Blablacar sur les liaisons entre grands métropoles.
Le second pari est le plus ambitieux : celui de la voiture autonome. Depuis 2015, Uber développe son propre système, et 1 000 de ses employés s’y attellent aujourd’hui. Des tests ont eu lieu dans plusieurs villes (même si un accident mortel en mars 2018 avait obligé à marquer une pause) et des partenariats noués avec des géants de l’automobile tels que Daimler, Volvo ou encore Toyota, qui vient de réinvestir 333 M$ dans la filiale dédiée d’Uber.
Pourquoi ne pas inclure la voiture autonome au sein du premier pari ? D’une part car elle pourrait très bien devenir le mode de mobilité ultra-dominant, et rendre ainsi caduque le besoin d’une méta-plateforme. Dans une hypothèse où la voiture sans chauffeur casserait les prix sur de petites distances et rendrait agréables / productifs de longs voyages automobiles. D’autre part car le système développé pourrait équiper aussi bien des voitures prenant part au réseau Uber que des véhicules individuels… dont la vente reste le gros du business des partenaires d’Uber sur ce créneau.
Le dernier pari est le plus rationnel : percevoir Uber avant tout comme un « fabricant » hors pairs de places de marché à la demande, capable en particulier d’initier et d’entretenir des effets de réseaux entre offre et demande, d’ajuster les prix en temps réel et d’optimiser les trajets. Une expertise qu’Uber applique à ce jour à 3 marchés différents, avec des recoupements imparfaits entre eux : le transport de personnes (individus et chauffeurs), la livraison de repas (individus, pour moitié nouveaux sur Uber, et coursiers à vélo), et plus récemment le fret (entreprises et affréteurs). Un modèle réplicable dans bien d’autres marchés, à commencer par le transport longue distance de passagers.
Doit-on considérer que cette multiplication de pistes de développement traduit un manque de focalisation stratégique ? Au contraire, Uber a bien raison de multiplier les expérimentations. Car le paysage des transports est l’un des plus mouvants qui soient. Ainsi, rien que depuis la sortie de l’étude de Fabernovel consacrée à Uber mi-2016, l’explosion des vélos en libre service puis celle des trottinettes électriques ont surpris tout le monde. En matière de mobilité, les disrupteurs ont vite fait d’être disruptés à leur tour. La meilleure défense, c’est donc l’attaque !
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