Jamais entreprendre n’a semblé aussi « tendance ». Pas un jour ne passe sans entendre le mot « start-up », « entrepreneur », « innovation » accompagnés de termes élogieux et positifs, encensant ces initiatives dont on espère tant qu’elles sauveront le genre humain… Cela a même contaminé le monde de la politique ! Devenir entrepreneur devient même le rêve de certains qui aspirent à une certaine forme de liberté, ou plutôt d’indépendance. Si nous revenons quelques années en arrière, devenir patron ne faisait pas rêver plus que ça…au contraire… Les jeunes aspiraient sans honte à un emploi de salarié, bien au chaud dans un grand groupe ou une administration. Le monde change. Ce type de souhait en deviendrait presque inavouable aujourd’hui !
Pour autant les patrons n’ont toujours pas la cote auprès du grand public. On pourrait penser que l’entrepreneur, tant qu’il s’essaie à devenir patron, est attachant, tel le preux et romantique héro partant à la conquête d’un nouveau royaume… En revanche quand il réussit, il endosse, en France, l’image détestable du « vilain patron ». En effet, le succès, bien que désiré et envié, est dénigré, tabou, comme l’est tout autant l’échec ! Tenter est bien vu, mais gare à celui qui échoue ou réussit ! Finalement, l’entrepreneuriat souffre de romantisme : le parcours , la tentative, le courage de l’action séduisent et intriguent, mais dès que le dénouement est connu, qu’il soit heureux ou non, la magie n’opère plus. Retour brusque à la réalité économique. Fin de la parenthèse enchantée pour les uns ou sortie d’une impasse pour les autres. L’entrepeneur serait-il aussi maudit que nombre d’artistes?
A l’instar de ces artistes bohèmes dont on enviait secrètement la liberté, mais pas le niveau de vie, les entrepreneurs deviennent ces êtres d’intérêt dont on admire le courage, l’initiative et qu’on encense parfois sans bien comprendre au fond pourquoi, tant certains modèles d’affaires restent somme toute pas si innovants qu’on veut bien le prétendre. On sait bien aussi que l’aventure est risquée : peu d’élus arrivent à pérenniser leur initiative et à en vivre ! Comme les artistes, certains connaissent la gloire, mais l’occurrence statistique est marginale. Le parallèle est troublant. A quoi doit son succès un artiste qui « réussit » ? A son talent ? A sa chance ? A son entourage ? A son réseau ? A son argent ? Il en va souvent de même pour les entrepreneurs : ce ne sont pas nécessairement ceux qui auront imaginé le meilleur produit, le plus beau, le plus fonctionnel ou le moins cher, qui gagneront à la fin !
Comme l’artiste, l’entrepreneur se plie à l’exercice des représentations publiques et cherche des mécènes : des investisseurs. Comme l’artiste, l’entrepreneur aimerait être toujours plus soutenu par l’Etat, être plus reconnu pour son rôle dans la société. Quand l’un aura des arguments culturels, philosophiques, voire spirituels, l’autre évoquera des arguments économiques et la création d’emploi. Les deux recherchent soit la quête d’un monde meilleur (ou qui leur correspond davantage), soit la gloire, soit la liberté d’être soi-même et de faire comme il l’entend…et pourquoi pas un peu de tout ça ! Les deux cherchent une prise sur le monde. Toutefois, certains se contenteront aussi très bien de leur sphère de liberté sans prétendre à plus !
Alors oui, la « start-up fashion », plus que la « start-up nation », est une forme de renaissance, non pas artistique, mais économique.
Il y a eu des entrepreneurs de tout temps, mais aujourd’hui, ils irradient d’une aura particulière et sur leurs épaules semblent reposer le renouveau de notre société.
Entreprendre serait donc effectivement un art, le reflet de notre temps dont les formes d’expression semblent infinies. Les œuvres naissent, vivent, souvent meurent dans l’indifférence générale laissant sur le côté des artistes maudits. La seule chose enviable aux entrepreneurs, à la différence des artistes peintres notamment, est que leur succès, s’il est au rendez-vous, interviendra toujours de leur vivant ! Mais comme l’artiste, l’entrepreneur demeure souvent incompris de ses contemporains.
A l’image du cinéma, l’entrepreneuriat est un art collectif où la richesse, le talent et la complémentarité des acteurs, réalisateurs, producteurs contribuent à faire d’une œuvre, un chef-d’œuvre en puissance. Si les marketers ont le pouvoir d’élever des films au rang de blockbusters, seul le scénario, le jeu d‘acteurs et la mise en scène feront de l’œuvre un chef d’œuvre intemporel. Une entreprise serait donc une œuvre, un spectacle vivant en perpétuelle représentation. Des prix sont même décernés par des jurys d’experts régulièrement !
Oubliez les toiles de maîtres, demain ce sont les premiers business plan, les premiers mails, les premiers contrats ou pactes d’actionnaires des licornes qui se revendront à prix d’or ! Chapeaux les « startistes » !
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