Actionnariat 100% familial, production made in France, performances économiques deux fois supérieures à celle du marché, même en temps de crise, Sisley est une pépite tricolore. Précurseur dans la phyto-cosmétologie, la marque multi-récompensée mène une politique d’investissements de long cours, où le temps est un allié plus qu’une contrainte. Philippe d’Ornano, président du groupe, revient sur l’épopée familiale d’une griffe résolument contemporaine.
Chez Sisley, l’esprit d’entreprise vous anime depuis trois générations. Quelles sont les grandes étapes de la saga familiale ?
Philippe d’Ornano : Mes grands-parents Guillaume et Elisabeth d’Ornano ont cofondé à la fin des années 1930 avec les moyens limités qu’ils avaient à l’époque, une première entreprise de produits de beauté, Lancôme, qu’ils ont revendue au début des années 1950. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, leur deux fils Michel et Hubert se sont lancés à vingt ans en créant une marque de parfums, Jean d’Albret. L’aventure dans les cosmétiques était commencée, et parents et enfants se sont unis pour créer ensemble la marque Orlane, un des grands succès de l’après-guerre, que la famille a vendue à la fin des années 1960.
Mon père Hubert d’Ornano, qui dirigeait Orlane, et qui a toujours été très impliqué dans la recherche et passionné par les perspectives qu’offraient les actifs issus du monde végétal, a alors lancé avec sa femme Isabelle une nouvelle marque : Sisley. Il repartait de zéro dans un secteur très concurrentiel, et c’était pour lui un risque énorme, mais les produits étaient novateurs et d’une grande qualité. La réputation de Sisley s’est construite, en France d’abord, puis à l’international. Aujourd’hui, la marque est l’un des leaders mondiaux de la cosmétique haut de gamme, vendue dans 105 pays.
La famille d’Ornano, c’est aussi une prestigieuse filiation et une accointance avec l’Histoire de France… Aux non-initiés, comment présenteriez-vous cet héritage exceptionnel ?
P.D.O : Notre famille corse d’origine a été connue principalement pour avoir donné trois maréchaux à la France, mais aussi plus récemment pour l’implication dans les affaires publiques de mon oncle Michel d’Ornano. Notre engagement aujourd’hui est plutôt économique. Même si nous dirigeons une entreprise internationale, nous sommes très attachés à notre pays où nous concevons et produisons l’essentiel de nos produits que nous exportons à partir de la France dans le monde entier.
Au côté de votre sœur Christine d’Ornano, vous co-pilotez le paquebot Sisley. Quelle est la répartition des rôles entre vous ?
P.D.O : Ma mère Isabelle d’Ornano est la cofondatrice et l’âme de Sisley. Elle continue à diriger la création et nous travaillons avec elle, Christine et moi. Deux membres de la troisième génération nous ont rejoints. Et bien sûr, nous nous appuyons sur une équipe de direction solide, internationale et engagée. Nous sommes une famille, mais aussi une entreprise très unie.
Actionnariat 100% familial, lancement de produits fruit de dix ans de recherche, production made in France… Sisley dénote dans l’univers standardisé de la cosmétique. Est-ce que ce business model peut encore résister aux mouvements de concentration chez les grands acteurs du luxe ?
P.D.O : Sisley a chaque année une progression au moins deux fois supérieure à celle du marché de la cosmétique, dans les périodes de croissance comme dans les périodes de crise. L’entreprise a plus que doublé de taille dans les huit dernières années, et en quinze ans, a investi plus de 150 millions d’euros dans ses sites de production, de logistique et de recherche en France. C’est une fierté même si nous aimons plus parler de beauté et de produits que de performances économiques. Le succès dans notre secteur, les parfums, les soins, les maquillages, est basé sur la créativité. Dans ce domaine, la taille n’est pas particulièrement un avantage. Et la construction d’une marque mondiale nécessite une politique d’investissement de long terme qui peut être très efficacement menée par une entreprise familiale.
Les plus grandes influenceuses nées sur Instagram ont presque toutes investi l’univers de la cosmétique. Quel regard portez-vous sur ce phénomène qui intéresse des géants comme Coty et LVMH ?
P.D.O : La cosmétique suscite attachement et passion tant de la part des personnes qui travaillent dans ce domaine que de la part des consommateurs. J’ai commencé ma carrière chez Sisley comme représentant et j’ai pu mesurer, en visitant les parfumeries en France et dans le monde entier, combien nos produits apportent à nos clients et combien ils y sont attachés. Aujourd’hui, le digital ouvre de nouveaux terrains pour exprimer cet intérêt. Certaines influenceuses sautent même le pas et créent leurs propres marques, d’autres conseillent leurs followers et leur font partager leurs coups de cœurs. Tout cela est très positif.
« C’est dans les plantes que l’on fera les plus grandes découvertes non seulement pour les médicaments mais aussi pour les cosmétiques », disait votre père Hubert d’Ornano. Précurseur dans le domaine de phyto-cosmétologie, où en est Sisley aujourd’hui ?
P.D.O : L’utilisation scientifique d’actifs issus de la chimie des plantes est sans doute la grande révolution cosmétique des quarante dernières années. Grace à son expérience dans ce domaine, mais aussi grâce à son positionnement haut de gamme qui lui permet d’utiliser les actifs végétaux aux meilleurs qualités et dosages, Sisley a su créer des produits d’avant-garde, comme la crème Sisleya, une formule exceptionnelle et révolutionnaire, composée de plus de cinquante actifs naturels, qui agit contre tous les signes du vieillissement cutané. Elle reflète bien notre philosophie : donner à nos laboratoires le temps et les moyens de faire dans chaque domaine les meilleurs produits possibles.
Comment cultivez-vous votre créativité ?
P.D.O : Il faut savoir – alors que l’entreprise grandit – rester jeune, ouvert, curieux, et savoir prendre des risques. Bien sûr, lorsqu’on parle de créativité, on pense aux parfums : l’un des volets passionnants de notre activité. Nous avons, au fil des années, créé une très belle collection de parfums, pleine de personnalité. Izia, le dernier né, inspiré d’une rose à la note de poire issue d’un jardin du centre de la France, est un grand succès. Chaque parfum est plus qu’un travail, une histoire, un coup de cœur, une sensation.
Mais l’aventure peut être aussi de créer une nouvelle marque. C’est ce que nous avons fait en créant Hair Rituel, notre griffe spécialisée dans les produits capillaires. Il nous semblait possible, pour autant que notre marque ait un positionnement haut de gamme, de pouvoir proposer, grâce au savoir-faire de nos laboratoires, des produits capillaires d’une grande efficacité. Et le succès a été au rendez-vous dans le monde entier. En deux ans, nous avons reçu près d’une centaine de prix de la presse pour les premiers produits de notre gamme, avec une mention particulière pour notre sérum antichute et notre masque régénérant. Notre raisonnement était alors basé sur le fait que les cheveux sont importants pour tous, hommes comme femmes. Après seulement deux ans d’existence, Hair Rituel fait plus de chiffre que Sisley au bout de quinze ans…
Plus globalement, quels sont les best-sellers de la marque ?
P.D.O : La crème Sisleya, l’Emulsion Ecologique, le Baume en eau à la rose noire, l’Eau du Soir, le Phyto teint ultra éclat et le Sérum revitalisant fortifiant Hair Rituel.
La beauté, la mode se veulent davantage inclusives aujourd’hui. Dans cet esprit, qu’est-ce qu’être « belle et beau » en 2020 ?
P.D.O : La beauté a toujours eu pour ambition de toucher les femmes et les hommes dans le monde entier. Nos équipes chez Sisley, et c’est une vraie fierté, sont d’ailleurs constituées de plus de cent différentes nationalités réunies autour d’une passion commune. Nous apportons une attention particulière au conseil. Nos laboratoires testent et valident l’utilisation des produits sur tous les types, âges et couleurs de peaux. C’est le secret profond de notre travail : plus que de répondre à des standards de beauté qui pourraient être tyranniques, nous aidons, par des produits efficaces, chaque femme à se sentir belle, à avoir confiance en elle, à accepter son âge. Sans oublier les hommes qui sont de plus en plus utilisateurs de cosmétiques.
Quel(s) conseil(s) vous donneriez-vous à vous-même, jeune?
PdO : Lorsque je suis rentré chez Sisley en 1986, l’entreprise était une PME, réalisant 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Je donnerais les conseils que mon père a partagés avec moi, par l’exemple autant que par la parole. Travailler dur. Etre curieux et passionné, ce qui fait du travail un plaisir. Se confronter au monde, aimer le terrain, le contact, et la cosmétique qui se vend dans le monde entier permet de voyager. Enfin, rejoindre des organisations humaines, agiles et réactives où l’on peut s’exprimer et où l’on est écouté.
Quand avez-vous été ému pour la dernière fois ?
P.D.O : Je suis facilement ému, au cinéma, par un livre, en relisant une poésie, en écoutant une chanson, ou face à une injustice. Mais ma dernière émotion profonde est la manière dont notre entreprise a su dans le monde entier rester courageuse et soudée face à la crise du Covid que nous traversons. C’est une grande fierté.
Un rêve ultime à réaliser ?
P.D.O : Je n’ai pas de rêve ultime, mais j’ai des rêves tous les jours, parce qu’il faut regarder le monde avec optimisme et curiosité.
Sisley… en trois mots
P.D.O : Expertise, qualité et plaisir.
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