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La Beauté Du Geste

Aussi intense que la querelle des Anciens et des Modernes en son temps, l’opposition idéologique entre les pragmatiques du football (surnommés resultadistas par l’entraîneur Marcelo Biesla) et les « romantiques » trouve un écho dans le monde des start-up.

La France est championne du Monde. Et peu importe si cette victoire a fait injure au jeu et à sa beauté. Peu importe si le spectacle était moins à chercher sur le terrain que sur Instagram où tous « cassaient la démarche comme Samuel Umtiti ». Oubliée l’injonction « d’un jeu plus chatoyant » faite à Laurent Blanc, par une FFF soucieuse de regagner le cœur des Français après le traumatisme de Knysna. Seule la victoire est belle.

Aphorisme « Dédéïste » inscrit sur le frontispice de Clairefontaine façon Académie de Platon où « nul n’entrait s’il n’était géomètre ». Seule la mathématique des trois points et des angles droits comptent désormais. Et que rien ne dépasse.

Les philosophes du beau jeu voyant la victoire comme le sous-produit d’une symphonie parfaitement exécutée peuvent se rhabiller. Exit les Bielsa, les Zdenek, Zeman et autre Christian Gourcuff. Pauvres idéalistes déconnectés des nouveaux impératifs économiques. Éternels seconds qui finiront dans les poubelles d’une histoire écrite par les vainqueurs.

Plus proche du monde des start-up, il faut montrer la patte blanche d’un début de chiffre d’affaires (les fameux 3 points de la victoire) pour espérer jouer la Ligue Des Champions (ce club fermé des start-up ayant reçu le fric d’un Fonds d’Investissement « cinq étoiles »). Tant pis si le jeu pratiqué, stéréotypé jusqu’à la nausée, nous offre une énième Foodtech, une énième solution SaaS d’optimisation des factures. Seuls comptent l’asymptote des cash-flow et le vert fluo des reportings envoyés aux Limited Partners, ces investisseurs exigeants et volages. Seuls les KPIs sont beaux.

La beauté du geste, c’est viser la Lune. Résoudre d’impossibles problèmes susceptibles d’impacter l’Humanité. Se fixer l’horizon indépassable d’un changement de civilisation.

« Faire de l’humanité une espèce multiplanétaire ».

« Guérir la mort ».

La beauté du geste c’est investir dans des marchés massifs n’existant (encore) que dans l’imagination. Des marchés perdus sur des Océans Bleus et sans concurrence. Comme au foot, cela suppose de perdre longtemps avant d’avoir raison. Au risque de goûter au purgatoire de divisions inférieures. Au risque d’y rester.

« Le monde voulait des voitures volantes et on lui a filé 140 caractères », disait Peter Thiel. Il a été entendu par certains, comme un Zennström ex-fondateur de Skype maintenant à la tête du fonds Atomico, ayant investi dans Lilium, une start-up allemande développant les futurs taxis volants. Il faudrait plus de Zennström au sein des fonds européens. Et le financier luxembourgeois Lopez aurait dû laisser plus de temps à Bielsa.

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