Le coprésident de France Digitale, qui fut également l’un des porte-voix les plus combatifs du mouvement des Pigeons en 2012, appelle à rester « en état d’alerte » face un ensemble d’éléments – au premier rang desquels les actions gratuites – susceptibles de rompre la confiance entre les pouvoirs publics et l’entreprise.
« Il y a une série de petites choses qui font craindre une rupture entre le monde politique et les entrepreneurs », déclarait également Olivier Mathiot, coprésident de France Digitale, dans une tribune au JDD il y a un mois. Pouvez-vous expliciter ces « petites choses ». ?
Il est vrai que lors des débats parlementaires pour le projet de loi de finances (PLF), projet de loi de finances pour la Sécurité sociale (PLFSS) ou projet de loi de finances rectificative (PLFR), il y a un certain nombre de choses, soutenues ou non par le gouvernement car nous sommes dans une situation complexe où le gouvernement et le parlement ne parlent pas forcément d’une seule et même voix, qui nous ont fait réagir. En outre, durant ces séquences, les spécificités de notre écosystème ne semblent pas toujours avoir été comprises ou du moins abordées de la meilleure des manières, au premier rang desquelles la question des actions gratuites.
L’amendement remettant en cause leur allègement fiscal – disposition pourtant votée en août 2015 dans le cadre de la loi Macron- a, en effet, suscité une levée de boucliers dans vos rangs. Est-ce comme vous le dites « les grandes boîtes qui ont mis le bazar dans cette histoire » ?
Revenir sur quelque chose qui a fait l’objet d’un décret il y a un peu plus d’un an, surtout dans le domaine fiscal qui exige de la stabilité, est un très mauvais signal. A fortiori, quand nous avions réussi à redonner, à force de pédagogie et d’explications, de l’attractivité aux actions gratuites. L’élément déclencheur a, en effet, été la question de la rémunération du patron de Renault, Carlos Ghosn. Une problématique qui suscite, comme toujours, beaucoup d’émotions et de discussions passionnées. Pour rappel, l’assemblée générale des actionnaires a voté contre (à 54%) cette rémunération, tandis que le conseil d’administration de Renault n’en a (le vote de l’AG étant purement consultatif), pas vraiment tenu compte. Ce qui était, à mon sens, une réponse ou plutôt une non-réponse pour le moins étonnante, croyant tout particulièrement en la démocratie actionnariale. De plus, le procédé n’est pas suffisamment transparent dans la mesure où nous ne savons pas, par exemple, s’il y a dans ce dispositif des conditions de performance associées à l’attribution des actions, ou encore où se situe le niveau de prise de risques en transformant du salaire en actions gratuites pour un grand patron. Si tel était le cas, cela ne me choquerait aucunement qu’un dirigeant du CAC 40 puisse disposer d’actions gratuites mais le principe de transparence n’est, en l’état, pas respecté. Voilà un exemple de choses qui peuvent rompre la confiance.
Merci & bravo à ces députés pragmatiques sans approche partisane ou idéologique ! https://t.co/1sMfHtiGFl
— J-David CHAMBOREDON (@isai_fr) 12 décembre 2016
D’autant plus, comme vous l’évoquiez, que l’introduction de la question des actions gratuites dans le débat public constituait l’une de vos plus grandes victoires.
Nous avons, en effet, mis ce dossier sur la table au printemps 2013 pour une loi décrétée en août 2015 et nous nous retrouvons en décembre 2016 avec un projet de loi de finances qui va changer la donne, mais fort heureusement, visiblement, sans rétroactivité. En revanche, concernant la contribution patronale, les députés ont laissé en l’état, en l’occurrence ce qui avait été voté en première lecture à savoir un passage à 30%. Or, nous considérons cela comme totalement malvenu. Ainsi, il est très probable que nous sortions de cet épisode avec quelque chose qui soit fortement défavorable aux dirigeants d’entreprises de croissance non profitables qui vont se retrouver face à un arbitrage extrêmement compliqué : j’associe mes salariés au capital mais je paie des contributions qui représentent un montant très important pour ma trésorerie. Comme les « start-up » et les « scale-up » sont les premières victimes de ce changement et de cet aller-retour, nous nous devions de réagir. C’est d’autant plus dommage que nous avions initialement réussi à faire une réforme des actions gratuites qui faisait de la France – enfin – l’un des pays les plus attractifs d’Europe continentale en la matière.
Etes-vous tout de même satisfait que l’exécutif et la majorité aient trouvé un compromis sur la question des actions gratuites en renonçant à la rétroactivité ?
Je suis toujours satisfait que cela soit mieux que pire. Mais la raison aurait voulu qu’il y ait simplement une mesure anti-abus avec un plafond annuel d’attribution (fixé selon le texte à 300 000 euros) ou encore un renforcement de la loi Sapin 2 et du volet consacré au vote des assemblées générales sur la rémunération des grands patrons : en l’occurrence faire la transparence sur les performances et permettre aux actionnaires de décider, en toute connaissance de cause, de la rémunération de leur dirigeant. C’est en somme le problème des grandes entreprises et de Renault en l’occurrence pour reprendre l’exemple précédent. Ce qui aurait eu le mérite d’apporter une réponse à un problème identifié sans pénaliser tout le monde.
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