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Jacques Expert : « La liberté éditoriale des écrivains est un trésor, la littérature ne doit pas se compromettre »

Jacques Expert

Grand reporter à Radio France, ancien directeur des programmes de Paris Première puis de RTL, Jacques Expert a troqué le micro pour le stylo et mène désormais une carrière d’écrivain et de scénariste à succès, portant toute l’acuité de son regard sur les recoins les plus sombres de l’être humain. Il décrypte pour Forbes France les mutations d’une industrie en proie aux transformations du numérique.

Jacques Expert, votre parcours d’auteur a la particularité d’être très varié et transdisciplinaire. Pourriez-vous nous en toucher quelques mots ?

À ce jour, j’ai écrit dix-huit livres… Comme beaucoup de journalistes (j’ai été grand reporter à France Inter et France Info), j’ai commencé par des essais, notamment sur la détention à perpétuité, les mutations en Europe de l’Est après la chute du communisme, ou encore des portraits de grands criminels. Mon premier roman est paru en 2007 chez Anne Carrière, après une enquête de plusieurs mois. J’ai enchainé par dix autres thrillers, chez Anne Carrière, Sonatine et Calmann Levy, et un roman personnel sur l’enfance, paru chez Albin Michel. Parallèlement, j’écris des scénarii pour la télé et le cinéma. 

L’industrie du livre connaît des mutations, notamment avec l’arrivée de grandes plateformes américaines dans le paysage, mais aussi du streaming et l’essor du livre numérique. De quel œil observez-vous ces transformations ? 

Tout ce qui favorise la lecture est une bonne chose. Certes, la lecture classique sur papier reste largement leader, mais ces nouvelles formes s’adaptent à une autre forme de consommation, à un autre mode de vie, plus rapide, plus instantané, et touchent aussi un public nouveau. Bref, c’est complémentaire et non concurrent. Ces nouveautés secouent le monde littéraire, qui en a souvent beaucoup besoin. Je le trouve parfois sclérosé, replié sur ses valeurs, manquant de modernité. Les nouveaux entrants vont donner un dynamisme nécessaire et salvateur. Les mutations touchent tous les secteurs de la culture. La littérature ne peut y échapper. En revanche, il ne faut pas se laisser déborder par le « tout marketing », et les « marchés gadget ». C’est bien là le paradoxe à régler : faire cohabiter l’industrie et l’artisanat. Car la qualité première du métier d’auteur est d’être un artisan, et c’est très bien comme ça. Il est important – capital – de conserver la liberté éditoriale des écrivains. Leur univers est leur trésor. La littérature ne doit pas se compromettre.

À votre avis, éditeurs et auteurs doivent-ils s’adapter à ces nouveaux modèles de distribution, s’en emparer ? Si oui, de quelle façon ?

Comme je viens de l’indiquer, beaucoup d’éditeurs (pas tous, heureusement) restent souvent cantonnés dans un monde auquel ils sont habitués depuis longtemps et dans lequel ils se complaisent. Cependant un constat s’impose : la lecture baisse et les lecteurs sont assez âgés. De plus, le livre coûte cher. Il est donc important d’offrir de nouvelles alternatives complémentaires au livre traditionnel. Ce n’est pas de la concurrence, mais un plus profitable.  Le livre a à mon sens encore de beaux jours devant lui, la preuve étant que le livre papier représente encore aujourd’hui l’essentiel des ventes. Mais il ne faut pas se priver de la nouveauté, gage d’avenir et d’élargissement du marché. Plus on est de fous, mieux on se porte, non ?

Vous avez récemment publié un texte inédit sur Rocambole, une plateforme de streaming littéraire française. Pour un auteur installé tel que vous, c’est faire le pari de l’innovation, mais c’est aussi peut-être un challenge. Comment s’est nouée cette collaboration ? 

L’expérience de l’histoire courte me tentait et j’ai immédiatement répondu favorablement à la proposition de Rocambole. C’est un exercice nouveau pour moi, et différent de l’écriture classique d’un roman où on installe petit à petit les personnages, l’ambiance, le suspense… Là, il faut en effet aller à l’essentiel et essayer d’être le plus percutant possible. 

Ce lien s’est noué très vite sur une envie commune et partagée. Rocambole m’a contacté, j’ai été séduit par leur proposition et leur mode original d’aborder la lecture. J’ai émis une idée de série qui, je pense  et espère (!), leur a plu, au-delà de « recruter » un auteur confirmé. Tout s’est passé très vite, en quelques jours seulement. Le challenge était d’autant plus tentant que j’avais cette idée de petites histoire en tête depuis un moment. En ce qui me concerne, je marche toujours au feeling, et quand le feeling est bon, il n’y a pas  à hésiter longtemps. Faut plonger !

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