Hubert de Malherbe, président designer de Malherbe Design, agence de création, leader international du design commercial, qui ne cesse d’étendre son champ d’action, des boutiques aux grandes surfaces et aux gigantesques mall en passant par les meubles et les réseaux sociaux. Rencontre avec un aristo artiste & pilote qualifié à ses heures perdues qui refuse de parler argent et de signer des contrats, mais fait tourner son entreprise à plein régime.
Présentez-nous Malherbe Design, en chiffres ?
Ce sont 150 personnes, surtout des créatifs (architectes, designers, graphistes…). Ce sont trois bureaux, à Paris, à Shanghai et à Hong Kong. Et ce sont 17 millions d’euros de marge brute, puisqu’il faut parler d’argent.
Ce n’est pas le rôle d’un patron, de parler d’argent ?
Je n’en parle pas ! Quand nous travaillons avec un client, mes interlocuteurs, ce sont les présidents et les actionnaires. Ils ne peuvent pas déléguer à autrui la réflexion sur le design de leurs magasins. Un magasin, c’est le chiffre d’affaires, c’est la stratégie, la réflexion sur la marque, son positionnement ! Avec eux, je parle direction artistique. C’est très complexe de dessiner un commerce. Il faut comprendre la marque, les collections, comment elle se renouvelle, si son offre est profonde ou large, si elle fonctionne plutôt avec des événements saisonniers et promotionnels ou au contraire, en se réservant pour quelques clients très fortunés, quitte à ce que le trafic soit faible… Je suis là pour faire rêver, pour la magie de la création, pas pour signer au bas du contrat.
Et pourtant, votre secteur est concurrentiel, vous devez donc bien négocier à un moment ou à un autre ?
Nous sommes concurrencés en France, oui, mais nous réalisons 75% de notre chiffre d’affaires hors de France – et nous sommes contributeurs net de la balance commerciale, d’ailleurs, nous avons même été décorés pour cela ! -, donc nous sommes sans grande crainte ici. Aux USA et en Asie, il y a de très très grands cabinets d’architectes, des agences de design, mais nous sommes une référence incontournable. Nous sommes en train de rénover un gigantesque mall à Shanghai, 274000 m² en face de la Pearl Tower, 11 étages. A Doha, nous travaillons sur un projet de mall de 400 000 m² depuis 3 ans et ½. A Hong Kong, nous venons de terminer la rénovation du SoGo, le temple du commerce asiatique… Cela fait 25 ans que nous creusons notre sillon, nous avons la notoriété, nous avons le talent. Je suis là pour représenter ce talent, pas pour le négocier.
Y a-t-il des endroits du monde où vous aimeriez vous implanter ?
En Inde. C’est un pays très fermé, qui a de très gros problèmes d’infrastructures, c’est compliqué, la modernisation nécessaire peine à trouver un deuxième souffle. Mais j’y crois beaucoup. Nous avons l’expérience de la Chine, où nous sommes depuis 7 ans. Au début, nous établissions des petits contrats à 80 000€, en grimaçant un peu, et en face, on nous répondait que l’agence au coin de la rue faisait aussi bien pour 3000€, ou même 2500 € ! Mais ils ont très vite compris que l’on doit confier certains dossiers de grande ampleur à des professionnels, sous peine de prendre le risque de planter son commerce. Et maintenant, on facture correctement, sans problème, à 300 000€… Mais attention ! Les Chinois sont ambitieux, et ils nous rattrapent vite !
Attention aux générations futures de créateurs qui auront une concurrence sérieuse !
Y a-t-il des domaines que vous aimeriez conquérir ?
Aujourd’hui, les marques peuvent se… « stretcher », s’étirer, quasiment à l’infini. Par exemple, personne ne serait étonné d’acheter une Google Car, alors que Google à l’origine n’est qu’un moteur de recherche. Une marque, désormais, c’est une ambition, un savoir-faire que l’on peut décliner. C’est comme une personne : on peut piloter un avion, mais aussi piloter un conseil d’administration… À partir du moment où tu as du talent, tu peux décliner tes compétences. Pour en revenir à nous, nous proposons des meubles, des sculptures. C’est aussi une démonstration de notre savoir-faire, de notre profonde connaissance des tendances.
Vous vous lancez donc dans le design d’objets ?
Ce n’est pas à vocation industrielle, nous ne les proposons que dans une seule boutique, à Paris, depuis deux ans seulement. Nous produisons de petites séries dans les pays de l’Est et au Portugal, parce que ce pays est très réactif et que les délais de livraison sont courts, cela nous permet de ne pas stocker. Et puis cela fait cinq ans que nous dessinons des objets. Par exemple, nous avons dessiné l’intérieur du TBM 930 (le nouvel avion monomoteur conçu et assemblé par Daher et lancé en 2016, NDLR, déclinaison du TBM 900). Mais c’est vrai, nous nous donnons du mal pour nous renforcer dans ce domaine, nous y avons investi 1,5 million d’euros. Nous avons présenté, début mai lors des D’Days (Design Festival de Paris), des canapés, des tables basses, des sièges, des sculptures… Notre thématique, c’était le béton. En septembre, nous serons à Maison & Objet.
D’autres territoires vous intéressent aussi, comme le digital… ?
Oui, mais dans un axe purement créatif, parce qu’il ne faut pas partir dans tous les sens. Nous avons une équipe à part, avec une direction à part, qui se concentre sur la création de contenus vidéos, supports digitaux, etc… Nous voulons développer du contenu pour des grands centres commerciaux sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes aperçus que des petites marques très pointues y sont bien plus connues que certains très grands groupes mondiaux. Nous avons décidé d’investir le créneau avec un Social Media Channel, qui créera du contenu désirable pour augmenter la notoriété de ces groupes… et attirer les gens en magasin autour de grands événements, un peu du type Star Academy.
Un exemple ?
La fashion week vient de se terminer, et en épluchant les défilés, nous nous rendons compte que, disons, la combinaison en Liberty est à la mode. Nous regardons dans la collection de plusieurs marques, s’il n’y a pas un produit qui s’approche de la combinaison en liberty. Nous organisons un grand concours sur les réseaux sociaux et s’il n’y a pas un produit qui s’approche de la combinaison en Liberty. Nous organisons un grand concours sur les réseaux sociaux et les jeunes filles concourent en mixant les différents vêtements disponibles dans le mall.
Le samedi, elles viennent défiler sur un énorme podium dans un centre commercial et on élit la meilleure. C’est relayé par notre Social Media Live, et cette combinaison en Liberty de marque est vue partout. Il n’y a plus de limites, plus de barrières. La visibilité est maximale.
Vous avez des limites, vous ?
Je suis un fanatique d’espaces. Là, je vais partir en Laponie faire du snowkite. Je fais de l’aviation, beaucoup. C’est merveilleux. Nous vivons dans un pays sublime. J’aime aller en Asie, j’y suis souvent, mais je suis content d’en revenir. La France est magnifique.
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