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Geoffrey La Rocca, DG Teads Et Président Du Siècle Numérique

Geoffrey la Rocca nous accorde sa première interview depuis le rachat par Altice (BFMTV, SFR, Cablevision)  de Teads un vrai séisme dans la diffusion de la publicité online.

A 30 ans, vous avez créé plusieurs entreprises, vous avez été journaliste, patron d’une épicerie fine en ligne, directeur marketing et communication, … Comment tout cela s’est-il enchaîné ?

À 18 ans, en terminale, j’ai créé ma première entreprise. C’était une agence de presse audio, je fournissais des bulletins d’info audio  à des web-radios et à des radios locales en France et en Belgique. Depuis tout petit, j’ai une passion pour le journalisme : j’enregistrais déjà des flash radio à 7-8 ans, et je me filmais présentant le JT avec le camescope de mon père, avec de faux décors, dans ma chambre… J’ai eu la chance d’être repéré par RMC qui m’a proposé de démarrer à la pige.

Vous êtes donc rentré comme journaliste à RMC ?

Oui, en septembre 2006. Début 2007, pendant la campagne présidentielle, j’avais une chronique tous les matins à 8h30 chez Jean-Jacques Bourdin, ça s’appelait Net Campagne, je racontais les blogs, les initiatives numériques, bref : la campagne sur internet telle qu’elle se déroulait. J’ai démissionné fin 2007 pour créer Elysée Inside, qui racontait les coulisses de l’Elysée, des ministères… Je me finançais grâce à des activités de conseil, car ça me coûtait cher : l’Etat me facturait les déplacements en avion, en train… pour suivre le président. En tout, c’était chaque année 50 000 à 100 000€ de frais de déplacements! En 2010, j’ai arrêté Elysée Inside pour retourner chez NextRadioTV, non plus comme journaliste mais pour diriger les activités numériques. Puis je suis reparti en 2012, pour créer Madeleine Market, une épicerie fine en ligne. L’aventure fut difficile, nous avons essuyé des succès et des échecs, nous n’avons pas réussi à trouver la rentabilité malgré un chiffre d’affaires d’1 million d’euros. Mais c’est grâce à cette expérience que nous avons été Jules Trecco (mon associé) et moi récupérés par Fauchon où j’ai dirigé la communication pendant 1 an. C’est en 2015, au détour d’une rencontre avec Pierre Chappaz qui m’a présenté sa vision de la publicité digitale avec Teads, que j’ai décidé de le rejoindre comme directeur général adjoint en charge des éditeurs avant qu’il me propose de prendre le direction générale de la France en janvier 2016. J’ai compris à quel point cette entreprise était disruptive.

Vous êtes passé de journaliste à régie pub, un métier dont les journalistes se méfient, cela n’a pas été trop compliqué ?

Au contraire ! J’étais passionné par la presse et le contenu, mais la monétisation manquait à mon expérience. Très vite, nous avons compris qu’il ne fallait pas parler uniquement aux régies publicitaires des journaux, mais à l’ensemble des personnes qui sont moteurs des décisions dans un groupe, depuis le président jusqu’au rédacteur en chef. Les journalistes sont très vigilants rapport à la publicité autour du contenu qu’ils écrivent…Là où ils ont raison, c’est que les régies des éditeurs comme les annonceurs ou agences média ont trop longtemps accepté des publicités franchement désagréables pour l’utilisateur, certains continuent à le faire. Il faut comprendre que les formats publicitaires doivent changer pour mieux respecter les utilisateurs et à leurs habitudes de lecture. Rejoindre Teads, qui est un pionnier en matière d’expérience utilisateur, était pour moi une évidence. C’est une technologie avec 100 ingénieurs sur la R&D avant d’être une simple régie publicitaire comme il en existe des centaines.

Vous vous présentez comme le sauveur de la presse, dont les difficultés économiques sont immenses aujourd’hui ?

En 2016, 70% des budgets pub sur internet sont allés à Google et à Facebook ! Notre but est de challenger cette hégémonie, de faire diminuer cette part d’investissement sur ces plateformes chaque année et faire migrer les budgets sur des sites qui sont la source du contenu qui a tant de succès sur les plateformes. Nous voulons faire partie du nouveau modèle économique de la presse.

Comment « vendez-vous » cela aux annonceurs ? 

En leur expliquant que la prise de parole d’un annonceur doit se faire au sein d’un contexte. La couverture et la puissance ont longtemps été le discours principal des grandes plateformes, il est caduc depuis que Teads a montré, en regroupant l’ensemble des éditeurs que nous couvrons 90% des français, soit davantage que  Facebook et Youtube (chiffres Médiamétrie Mars 2017). Il est temps de remettre l’environnement de diffusion des publicité au coeur des échanges., Il faut maintenant insister sur le  fait aussi que la pub doit être montrée dans un environnement valorisant et sécurisé. Par exemple, aujourd’hui, il n’y a aucun outil capable de détecter un sketch raciste ou antisémite publié sur YouTube. Si je mets de la musique de Rihanna dessus, là, un logiciel peut le repérer et le supprimer, mais sinon, non. Vous voyez votre pub envoyée juste avant un sketch de ce type ? La sécurité pour une marque, par conséquent, c’est de faire de la promotion sur un site piloté par des journalistes et un directeur de la publication responsable de ce qui y est écrit. 

Mais Facebook touche tellement de monde !

Mettre tout son budget pub sur Facebook, c’est une hérésie.  Je ne dis pas que cela n’est pas efficace, cela reste une plateforme incroyable, mais ce n’est pas toujours adapté. C’est un formidable carrefour d’audience, mais le coup de pouce (scroll) y est facile. Finalement, l’utilisateur n’est engagé qu’au moment où il clique sur un article au sein de son newsfeed, et là comme par magie il se retrouve chez un véritable éditeur. Le problème c’est que Facebook ne joue pas le jeu et ne reverse que quelques milliers d’euros par an aux éditeurs, alors qu’il récupère l’ensemble des budgets. Ils ont réussi une formidable OPA sur les contenus, gratuitement. Leur force est sur la data me diront certains, mais là encore, on dit ce qu’on veut à Facebook. Par exemple, Pierre Chappaz a déclaré qu’il avait 92 ans, ce qui n’est pas du tout le cas, et reçoit donc des pubs pour des prothèses auditives ! Côté Youtube, je vois aussi parfois beaucoup de publicité pour le secteur automobile, je ne pense pas que ce soit le meilleur endroit pour y trouver des acheteurs. La moyenne d’âge pour acheter une voiture neuve, c’est 56 ans.

Depuis 2015, qu’avez-vous fait pour développer Teads ?

Nous avons  noué des partenariats avec la quasi-totalité des grands éditeurs. J’ai fait le tour de tous les titres, y compris la PQR, qui ont compris que nous n’étions pas un concurrent, mais un partenaire qui peut leur faire gagner beaucoup d’argent. Nous leur apportons effectivement des budgets qui, sans nous, iraient à Facebook directement en raison de sa puissance. En France, Teads n’est pas en reste, nous diffusons 850 millions de publicités vidéo chaque mois, quand en 2015, on atteignait « juste » 200 millions. 

Que vous a apporté votre partenariat stratégique avec Altice ?

Après les télécoms, Altice a mis un pied dans le contenu et la publicité notamment grâce à la prise de participation dans le groupe d’Alain Weill NextRadioTV (RMC, BFM TV, BFM Business, 01net…) et du cablo-opérateur New-Yorkais Optimum (ex-CableVision). Il lui manquait un volet technologique & digital fort pour devenir un acteur mondial de la publicité. Grâce à ce partenariat, nous, nous sommes entrés en ligue des champions et pouvons maintenant véritablement challenger les plus grands.

Quelles sont vos relations avec SFR ?

Elles sont excellentes. Nous en avions bien avant le rachat puisque SFR était déjà un partenaire important de Teads en tant qu’annonceur. Nous allons pouvoir travailler sur des synergies autour de la data et l’offre publicitaire. Nous croyons beaucoup à la complémentarité TV/digital qui peut nous permettre d’être pertinent face à des acteurs audiovisuels, concurrents de BFMTV mais aussi face à Facebook et Youtube. BFM TV et Teads sont très forts sur les petits et non consommateurs TV, qui est un des discours phares de ces plateformes. À la différence près que nous évoluons sur du contenu produit/écrit par des journalistes.

Vous avez aussi créé un sorte de « spin off » du Siècle, pourquoi ?

Avec Alexandre Malsh (Melty), nous avons créé en 2013 Digital Century (Le Siècle Numérique). Alexandre et moi avions eu la chance de rencontrer des chefs d’entreprises plus industrielles et avec qui le partage d’expérience était d’égal à égal, nous apprenions beaucoup de choses et vice-versa. Marie-Laure Sauty de Chalon, Céline Lazorthes ou encore Benoit Raphaël ont partagé cette nécessité d’un échange d’expérience. Nous avons construit avec eux une association qui compte aujourd’hui 70 membres, dont la moitié est également membre du Siècle. Nous avons récemment accueilli au sein de notre board Marion Carette (OuiCar), Pierre Louette (Orange) et Patricia Barbizet (Artemis).

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