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Faut-Il Arrêter De Soutenir Les Start-Up Françaises ?

La question paraît absurde. Elle se pose néanmoins tant les débats de l’élection Présidentielle auront mis en lumière la vision ambiguë voire même antagoniste de l’entrepreneuriat et de l’innovation technologique d’une partie de l’opinion publique.

Pourtant, forte de ses infrastructures, ingénieurs et nombreux dispositifs incitatifs (JEI, ACCRE, etc.), la France s’est progressivement imposée comme l’un des “hubs” de l’innovation et de la création d’entreprise en Europe. Paris ne cache d’ailleurs plus son ambition de devenir la capitale européenne des start-up et dépasser Londres. Le lancement imminent de “Station F” – annoncée comme le plus gros incubateur du monde avec ses 1000 start-up – est emblématique de ce volontarisme.

Ce dynamisme entrepreneurial a-t-il un impact réellement positif sur le plan socio-économique ou s’agit-il d’un phénomène finalement relativement intangible et réservé à une élite technophile ? Faut-il réduire ou au contraire renforcer les dispositifs d’aide à la création d’entreprise et l’innovation ? Peut-on (ré)concilier innovation, dynamisme et protection sociale ?

Nouveaux usages, nouvelles alternatives

Au-delà du dynamisme de l’écosystème français – avec des investissements supérieur à 2,7 Mds € en 2016 et la création de près de 10.000 nouveaux projets en 5 ans – les start-up françaises affectent le fonctionnement de quasiment tous les secteurs de l’économie. Loin d’être réservés à une frange hyper-connectée de la population, ces changements concernent déjà, plus ou moins directement, l’ensemble des français.

Dans le domaine médical, par exemple, Doctolib révolutionne l’accès au soin en simplifiant la recherche d’un médecin et la prise de rendez-vous en ligne. Plus de 4 millions de rendez-vous sont ainsi pris chaque mois via la plateforme.

Autre secteur, même constat : alors que le système énergétique français repose encore essentiellement sur les énergies fossiles et le nucléaire, NewWind participe d’un déplacement du marché vers des solutions plus durables en développant un “arbre” équipé de dizaines de mini-éoliennes dont le fonctionnement s’inspire des feuilles des (vrais) arbres et capable de produire plus de 3kW / an (soit les besoins en électricité d’un foyer de 4 personnes hors chauffage dans une maison de 125 m2). 

De manière plus controversée, le secteur du transport de personne a été profondément bouleversé par l’arrivée de plateformes telles que Uber qui non seulement éclatent un marché jusqu’à présent fermé et caractérisé par une pénurie de l’offre mais surtout transforment les usages et force les acteurs en place à s’adapter et améliorer leurs services.

Autre sujet de controverse, l’innovation dans le domaine de l’éducation. Par exemple, la start-up française OpenClassrooms, leader européen de l’Edutech, bouscule les méthodes éducatives traditionnelles en proposant des formations à la carte, totalement flexibles et entièrement dématérialisées. Ce projet traduit un mouvement de fond vers des e-formations « on the spot » qui se concentrent sur l’employabilité et l’acquisition de compétences professionnelles. Dans un autre registre, le School Project propose des solutions technologiques innovantes afin de faciliter la personnalisation de l’enseignement en maternelle.

Le secteur juridique connaît également des bouleversements structurels, notamment autour de la question de l’accès au droit. Alors que plus de 7 français sur 10 estiment encore qu’il est difficile de trouver le bon avocat (sondage OpinionWay pour Avostart, 2015), de nouvelles plateformes permettent désormais d’accomplir soi-même certaines démarches juridiques (legalstart.fr), de saisir seul une juridiction (demanderjustice) ou encore d’accéder de manière plus simple et transparente à un professionnel du droit (avostart.fr). Dans tous les cas, les start-up remettent en cause les stratégies et méthodes des acteurs en place et offrent de nouvelles alternatives aux usagers.

Réfléchir et investir pour l’avenir

Le dynamisme des start-ups françaises et les changements induits par les innovations technologiques nécessitent néanmoins de s’interroger sur leur impact socio-économique et de réfléchir aux ajustements nécessaires.

Les controverses autour de la plateforme Uber illustrent parfaitement la complexité du sujet. En permettant à des millions de français de se déplacer plus facilement dans les grands centres urbains, les plateformes VTC ont clairement répondu à un besoin de mobilité que les sociétés taxis ne parvenaient (ou ne souhaitaient) pas satisfaire.Champion de la création d’entreprise en 2016, le transport VTC a également constitué une formidable opportunité de travail pour de nombreux jeunes, notamment issus de secteurs défavorisés. Mais, bien entendu, ce bouleversement n’est pas neutre et l’émergence de nouvelles formes de travail indépendant (auto-entrepreneuriat, etc.) remet en cause notre système de protection sociale et peut conduire à une forme de précarisation des chauffeurs. Le modèle économique et les stratégies d’optimisation fiscale des plateformes sont également en cause et nécessitent probablement d’être mieux encadrée pour parvenir un partage équitable de la valeur.

De la même manière, l’arrivée de nouveaux acteurs dans certains secteurs très réglementés comme le juridique ou le médical pose question : comment s’assurer de la bonne prise en charge d’un patient ou d’un justiciable via les plateformes en ligne ? Plus généralement, comment accompagner les changements et encourager l’activité et l’emploi tout en préservant notre modèle socio-économique et en protégeant les usagers ?

Les débats présidentiels ont mis en lumière une forme de polarisation en la matière. Par exemple, on voit s’opposer d’un côté des propositions ayant pour objet un nouveau type d’encadrement de l’activité des « travailleurs indépendants » sur les plateformes et de l’autre, l’idée d’une requalification systématique de toute forme de travail indépendant en salariat afin de forcer un alignement sur le système existant.

Cette polarisation du débat est regrettable. La prise en considération des ajustements nécessaires et des réformes à accomplir pour encadrer l’innovation n’est en rien incompatible avec la reconnaissance de l’intérêt stratégique de soutenir les capacités d’innovation des start-up françaises. En particulier, il semble aujourd’hui plus que jamais indispensable de promouvoir les dispositifs favorisant la création, le développement et le financement de la croissance des entreprises innovantes, non seulement pour favoriser le dynamisme économique et l’emploi mais également pour assurer une indépendance technologique minimale de la France face aux géants américains et chinois.

Accompagner des transformations des modèles économiques et des usages tout en protégeant les travailleurs et les usagers n’est pars contradictoire. Pragmatiques ou « patriotes », nous avons tous le même intérêt à promouvoir les entreprises françaises et favoriser le développement de leaders à l’échelle européenne et mondiale.

Rédigé en collaboration avec Malo de Braquilanges, Legal Developer chez Legalstart.fr

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