France digitale, qui promeut l’entrepreneuriat dans le numérique, lance en février son programme « Hacking municipales ». L’association cherche à mettre le problématiques liées à la « Tech » au coeur des préoccupations des candidats. Nicolas Bien, directeur général de France digitale a répondu aux questions de Forbes France.
Forbes France : Quels sont les objectifs de ce hacking 2020 ?
Nicolas Brien : Nous sommes à six semaines d’une élection qui va déterminer le quotidien des Français. A-t-on entendu un seul candidat aux municipales donner son programme pour le numérique ? A France Digitale, on s’est dit que c’était dommage de ne pas parler de technologies qui occupent notre quotidien et que c’était regrettable de ne pas préparer l’avenir. C’est le sens du “Hacking 2020” que nous lançons la semaine prochaine. Nous venons de passer de longs mois à écouter les start-up de toutes les régions de France, pour publier un manifeste dans lequel nous faisons des propositions concrètes. Les candidats pourront s’en inspirer sur des sujets comme l’accès à la commande publique, les nouvelles mobilités, la démocratie participative, l’ouverture des données publiques, etc. Arrêtons de croire que les startups ne proposent que des gadgets ! Dans les territoires, elles détiennent parfois une partie de la solution.
En quoi cela va consister concrètement ?
A Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier et Paris, plusieurs communautés d’entrepreneurs se mobilisent pour interpeller les candidats. Le “hacking” se veut un rendez-vous utile : pas de bla-bla ! Nous aidons les startups locales à se financer en organisant des “speed-datings” avec des fonds de capital-risque, qui sont encore trop souvent concentrés à Paris. A notre humble niveau, nous apportons un bout de la solution au problème de l’emploi, en organisant des rencontres entre des start-up qui recrutent et des étudiants, pour répondre à la pénurie des talents dans les métiers du numérique. Et en soirée, nous faisons monter un par un sur scène les candidats , pour un exercice : les faire “pitcher” en moins de cinq minutes leur programme sur le numérique, puis les passer au “grill” des questions par les entrepreneurs de leur région.
Selon vous, les enjeux liés au numérique sont trop absents des débats de ces municipales ?
Les start-up font partie des usages quotidiens des Français : combien d’Auvergnats utilisent chaque jour Blablacar ? Combien de patients voient leur vie simplifiée par Doctolib ? Rappelons également qu’un emploi sur dix créé en 2020 le sera dans une start-up. D’Issoire à Bordeaux en passant par Vierzon, près de la moitié de ces emplois sont créés en région ! Il s’agit d’un phénomène national, qui mérite d’être pris en compte dans toutes les stratégies territoriales, au même titre que l’agriculture ou l’industrie. Nous faisions déjà ce constat en 2017 lors de la présidentielle et en 2019 pour les européennes. Si les candidats ne parlent pas spontanément de ces enjeux. Nous faisons le pari, avec les entrepreneurs locaux, de les interpeller.
La pénurie des talents semble être un enjeu majeur de la Tech aujourd’hui : comment faire à l’échelle de villes pour palier ce problème ?
La première chose est de se débarrasser d’un préjugé : les emplois à pourvoir dans les start-up ne sont pas destinés qu’aux sur-diplomés ! La pénurie des métiers numériques touche aussi les métiers de commerciaux, de vendeurs, de graphistes… Les start-up ne pourront jamais aligner leurs salaires au même niveau que les grands groupes, mais il s’agit d’une opportunité unique pour prendre l’ascenseur social et plonger dans un écosystème d’innovation. Au niveau des territoires, c’est une chance car ces emplois sont difficilement délocalisables. Les municipalités peuvent développer leur propre écosystème en utilisant de nombreux outils que l’on recense dans notre manifeste : garantir une partie des marchés publics aux PME et aux startups, mettre en place des financements pour l’amorçage des projets, ouvrir les données publiques. Enfin, les villes ont une responsabilité immense pour assurer l’inclusion numérique. Nous recommandons par exemple d’enseigner l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge et au plus grand nombre, pour que la création de projets ne soit pas l’apanage des plus favorisés.
Avez-vous l’exemple d’une ville française qui a particulièrement bien réussi l’intégration des start-up de la tech dans son écosystème local ?
Il serait un peu arrogant de notre part de vouloir décerner les bons points. A la place, valorisons quelques initiatives qui marchent, en France et à l’étranger. Medellin, en Colombie, par exemple, est devenue en moins de dix ans la ville la plus innovante du monde. La ville a opéré sa transformation digitale en créant un quartier d’innovation rassemblant start-up, grands groupes et fonds d’investissement. La ville a profité de cette dynamique pour transformer également ses services publics (accès gratuit à l’éducation, aux transports, aux services digitaux – avec des ordinateurs en libre-service, des points Wifi et des centres d’éducation à internet). Plus proche de chez nous, on remarque des démarches fortes de villes qui ont profité de l’ouverture des données publiques pour collaborer avec les start-up, et mettre en place des services publics innovants, au services des usagers. Nous pensons ainsi à Bordeaux, Lyon ou Nice, qui ont optimisé le tri des déchets, les flux de circulation ou encore l’accès au stationnement PMR grâce à la transmission de données en temps réel.
Vos happenings concernent des très grandes villes françaises : comment envisager vous l’intégration de la Tech dans des villes aux tailles plus modestes ? Et même, pourquoi, pas dans des très petites communes ?
Nous sommes effectivement “France Digitale” … et non “Ile-de-France Digitale” ! Notre ambition est donc bien de donner de la voix et d’accompagner les entrepreneurs de tous les territoires. Les maires des métropoles ont le plus de prérogatives sur les sujets numériques, mais cela n’empêche pas les initiatives de fleurir dans toutes les communes. Rappelons nous que le leader français de la blockchain est basé à Vierzon et que l’une de nos plus belles pépites de l’intelligence artificielle a son siège à Issoire !
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