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De Meero à Diffusely : comment une licorne déchue a réussi son pivot grâce à l’IA

Gaétan Rougevin-Baville, CEO de Diffusely

Autrefois désignée comme le prochain « Uber de la photo », Meero a subi de plein de fouet la crise sanitaire, mettant l’ensemble de ses activités à l’arrêt. Après deux plans de sauvegarde de l’emploi, la start-up renaît sous le nom de Diffusely, afin d’acter la réussite de son pivot stratégique. Entretien.

 

Un exemple de stratégie de résilience qui peut en inspirer plus d’un. Fondée en 2016 par Thomas Rebaud et Guillaume Lestrade, Meero proposait de mettre en lien des photographes avec des entreprises tout en s’appuyant sur la technologie pour automatiser la retouche photo.

Un an après son lancement, la pépite tricolore avait déjà réussi à lever 4 millions d’euros en convainquant des investisseurs comme Xavier Niel, via le fonds d’investissements Kima Ventures, ou bien Bernard Arnault, patron de LVMH. En 2018, elle avait levé 45 millions d’euros et c’est bien le troisième tour de table d’un montant record de 205 millions d’euros qui a permis à Meero en 2019 de rejoindre le club restreint des licornes, ces entreprises innovantes dépassant le milliard de valorisation.


Quelques mois plus tard, la crise sanitaire a engendré un arrêt brutal de ses activités, mettant en péril la survie de la start-up. En tant que nouveau CEO depuis deux ans, Gaétan Rougevin-Baville est le chef d’orchestre de ce pivot stratégique. Rebaptisé Diffusely en décembre dernier, le projet a recentré son modèle sur l’amélioration des photos grâce à l’IA.

 

Quelle était la proposition de valeur initiale de Meero ?

À ses débuts, Meero était une place de marché qui connectait des photographes à des entreprises, notamment dans les secteurs de la restauration et de l’hébergement comme Airbnb. Notre proposition clé reposait sur la livraison rapide de contenus visuels. Cela nous a permis de créer un réseau mondial de photographes et une base de données de photographies professionnelles assez dense.

Mais il y a deux ans et demi, nous avons décidé de pivoter complètement. Nous avons arrêté cette activité pour nous concentrer sur une plateforme d’IA dédiée à la transformation d’images pour des secteurs comme l’immobilier, l’automobile et la mode.

 

Pourquoi ce pivot ?

Le Covid a bouleversé notre marché. Les budgets marketing se sont effondrés et les besoins en contenu d’IA générative ont explosé. En parallèle, le monde de la photographie professionnelle a été impacté par l’arrivée du contenu générée par les utilisateurs (User Generated Content). Nous avons donc choisi de valoriser notre expertise technologique en développant des solutions d’IA qui permettent à nos clients de gagner jusqu’à 90 % de temps dans le traitement et la mise en ligne de leurs images, le tout pour un coût minime.

 

Comment ce repositionnement a-t-il impacté la culture d’entreprise ?

Passer d’une culture de marketplace à une culture tech pure a été un défi. Nous avons recruté des profils plus orientés IA et tech et instauré une approche centrée sur nos clients. Par exemple, nous intégrons directement nos solutions dans leurs CRM et systèmes de gestion (DMS). Cela nous a permis de doubler notre ARR (revenu annuel récurrent) et quadrupler notre base clients en un an.

 

Comment expliquer le succès de votre rebond ?

Cela tient à plusieurs facteurs : d’abord, notre résilience et notre capacité à prendre des décisions difficiles. Nous avons su tirer les leçons de nos échecs passés et accepter de repartir de zéro. Nous avons aussi investi massivement dans l’IA, avec plus de 10 millions d’euros et une équipe dédiée de 50 chercheurs. Enfin, notre différenciation repose sur des modèles d’IA ultra-verticalisés et une intégration fluide dans la chaîne de valeur de nos clients.

 

Quels sont les avantages concurrentiels de Diffusely face aux mastodontes de l’IA ?

Nous misons sur une approche ultra-ciblée et très intégrée au sein des écosystèmes de nos clients. Nos données et nos modèles sont spécifiquement conçus pour des marchés comme l’immobilier ou l’automobile, et entrainés sur notre base de données unique. C’est aussi ce qui permet de développer des modèles de manière ultra-véloce, en seulement quelques semaines, pour être très proches des besoins de nos clients. De plus, notre culture de croissance raisonnée nous permet de rester agiles, avec des indicateurs financiers stables.

 

Certains investisseurs ont justement reproché à Meero de gonfler sa valorisation, notamment avec de la dette et du secondaire, pour justifier l’accès au statut de licorne. La confiance auprès des investisseurs est-elle fragilisée ?

Nous avons une répartition de notre chiffre d’affaires à 50 % aux États-Unis et 50 % en Europe. En 2026, nous explorerons de nouveaux marchés et, potentiellement, de nouvelles verticales.

Nous comprenons ces critiques, mais Diffusely est une nouvelle entreprise, avec une nouvelle stratégie et des bases solides. Nous sommes transparents sur nos chiffres et concentrés sur une croissance saine. L’essentiel est de continuer à prouver que notre modèle fonctionne et qu’il apporte une vraie valeur à nos clients. L’entreprise n’a aujourd’hui plus rien à voir avec ce qu’elle a pu être à l’époque. 

 

Quels conseils donneriez-vous à d’autres startups en difficulté qui auraient justement besoin d’un pivot comme le vôtre ?

Ne pas avoir peur de tout remettre en question. Nous aurions pu tout abandonner et peu d’entreprises de la tech qui ont connu un déclin brutal sont parvenues à survivre. Il faut être prêt à repartir de zéro et à construire une nouvelle culture d’entreprise. Ce n’est pas facile, mais notre pivot peut servir d’exemple et montrer que c’est possible.

 


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