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De la foodtech à l’artisanat d’art : la nouvelle vie de Sébastien Forest, fondateur d’Alloresto

Pionner de la foodtech avec la création d’Alloresto en 1998, Sébastien Forest s’était fait discret depuis 2015 (date de son exit avec Just Eat). Mais en 2020, il s’est associé avec le sculpteur Michel Audiard pour créer une autre entreprise, bien loin de l’univers des start-up : Empreinte par Audiard.

 

Sébastien Forest, c’est d’abord l’histoire d’un entrepreneur précoce.

Précoce en âge, puisqu’il a seulement 13 ans lorsqu’il essaye de monter sa première boîte après un séjour en Grande-Bretagne. Ses papilles venaient d’y découvrir le Daim (une barre de nougatine enrobée de chocolat au lait) et la confiserie n’étant pas disponible en France, il décida tout simplement de contacter l’entreprise suédoise pour en importer ! Ses interlocuteurs furent enthousiastes à l’idée d’ouvrir un nouveau marché, mais la révélation de son jeune âge fit reculer le fabricant, mettant fin au projet.

Précoce dans la tech, puisque nous sommes en 1997 et qu’il est encore étudiant lorsqu’il a l’idée de créer Alloresto. La genèse : le jeune homme souhaite se faire livrer un repas un dimanche soir. Non seulement il peine à trouver un restaurant ouvert, mais l’opération prend plus de vingt minutes et s’avère laborieuse. Sébastien décide donc de produire la solution de son propre problème : il créé un annuaire en ligne et s’attelle à démarcher et convaincre (un par un !) une centaine de restaurants entre Paris et Lyon.

 

De la faillite annoncée à la cession en millions : l’histoire d’un rebond

Les débuts d’Alloresto sont prometteurs sur le papier mais le modèle économique annonce déjà quelques difficultés : en se basant sur une commande moyenne de 25 euros et 10 % de commission, cela représente 2,30 euros hors taxe par commande… Il va donc falloir faire beaucoup de volume pour que l’entreprise devienne rentable. Néanmoins, l’agenda sportif lui offre un sacré coup de pouce : la Coupe du monde de football 98 dope les demandes de livraison à domicile et assure la montée en puissance de la start-up.

Une première levée de fonds permet de réunir 10 millions de francs (soit 1,5 million d’euros), et l’entreprise s’installe alors dans un beau siège social parisien, avec ses 30 salariés. Mais le conte de fées s’arrête quand la bulle Internet éclate en 2002. Les mêmes personnes qui ont investi dans son entreprise lui expliquent désormais qu’il faut mettre la clé sous la porte. Là où Sébastien Forest pensait que faire une levée de fonds serait un gage de croissance, ses actionnaires se révèlent prêts à enterrer le projet.

Au bord du dépôt de bilan, le jeune chef d’entreprise ne se résout pas à la fatalité. Il affirme sa volonté de poursuivre, devant un conseil d’administration médusé, et il évite la liquidation de la société en négociant le rachat des parts pour un montant de 60 000 euros, récupérant ainsi 90 % du capital de l’entreprise ! La manœuvre est osée, d’autant plus que Sébastien Forest doit licencier 27 salariés et trouver le moyen de continuer avec une équipe restreinte de trois personnes (le comptable, le responsable de la hotline… et lui-même). 

La période est difficile mais les perspectives restent ouvertes : si la rentabilité n’est pas au rendez-vous (c’est un vrai problème à régler), les clients sont satisfaits du service et le site fonctionne parfaitement, ce qui n’est pas le cas chez la plupart des concurrents. Alloresto réalise alors un grand sondage pour mieux connaître ses clients, ce qui lui permet de proposer de nouvelles fonctionnalités, comme la notation des restaurants, un programme de fidélité et des dons à des associations. Les résultats ne se font pas attendre : le volume de commandes augmente, ce qui permet à la start-up de repartir sur une belle lancée.

 

 

Tout comme la Coupe du monde de football avait donné un coup de pouce à l’entreprise en 1998, c’est l’arrivée de l’ADSL qui vient cette fois booster les commandes pour ramener les comptes à l’équilibre. Alloresto devient rentable en 2004 et franchit la barre des 100 millions d’euros de volume d’affaires en 2015. La même année, Sébastien Forest quitte la direction opérationnelle de l’entreprise et la cède à Just Eat (qui fusionnera avec le groupe hollandais Takeaway en 2020).

 

De business-angel à sculpteur de luxe : une symbolique de la transmission

Auréolé de ce succès mais désireux de rester discret, l’entrepreneur devient business-angel et investisseur. Pendant 2-3 ans, ce n’est que du bonheur. Puis naît une certaine forme de frustration : difficile de faire bouger les lignes d’un business quand on n’est pas soi-même aux manettes et qu’on doit se contenter de poser les questions (éventuellement) susceptibles de guider le dirigeant sur la bonne voie… Un exercice compliqué quand on a envie de faire !

Précisément, c’est cette envie qui taraude Sébastien Forest. Faire. Au sens propre : faire avec ses propres mains. Loin des start-up numériques et des conseils d’administration feutrés. La vie faisant bien son office, c’est à ce moment qu’il découvre une œuvre d’art qui va ouvrir sa nouvelle aventure entrepreneuriale, profondément ancrée dans le territoire tourangeau : Empreinte par Audiard.

 

À l’origine de l’œuvre se trouve le sculpteur Michel Audiard. Déjà célèbre pour ses stylos sculptures (plus de 70 chefs d’État ont le leur), il imagine il y a quelques années un ouvre-vin en bronze. Sa particularité : il s’agit d’un objet personnel absolument unique puisque la prise de main est moulée sur l’empreinte de son propriétaire. Une œuvre magnifique que le sculpteur ne souhaite plus produire. Trop compliquée à réaliser, explique-t-il. Mais Sébastien Forest ne voudrait surtout pas que l’œuvre disparaisse, pour permettre aux esthètes et amateurs d’art (et de grands vins !) de posséder leur propre exemplaire. L’artiste répète que c’est terminé, l’entrepreneur insiste. Ils finissent par se mettre d’accord pour poursuivre l’aventure, mais avec une condition : le faire ensemble.

 

Ainsi naît la maison Empreinte par Audiard et son objet phare, en version bronze argenté, nickelé noir ou doré à l’or fin 24 carats. Une œuvre unique fabriquée 100% en France et qui n’est réalisée que sur commande. De la rencontre de deux hommes qu’à première vue tout éloignait (l’âge, le mode de vie, le métier) a émergé cette fusion inédite entre l’art, le luxe et le quotidien. Et ce concept si particulier ne tarde pas à rencontrer le succès.

 

 

Une première reconnaissance internationale émane de la Peacejam Foundation en 2022. L’ONG (qui compte dans ses rangs 14 Prix Nobel de la Paix) identifie l’œuvre comme une magnifique façon de célébrer celles et ceux qui marquent le monde de leur empreinte. Puis une deuxième reconnaissance puisque c’est une œuvre Empreinte par Audiard qui est venue récompenser le Meilleur Sommelier du Monde 2023.

Le 12 février, Raimonds Tomsons, directeur de la sommellerie au Barents Wine Collector de Riga et vainqueur de la compétition organisée à Paris (« le Saint-Graal du vin », selon lui), a en effet brandi la pièce moulée et réalisée sur la main du tenant du titre, le Meilleur Sommelier du Monde 2019 (l’allemand Marc Almert). Toute une symbolique de transmission… Douze semaines de travail étant nécessaires pour réaliser une Empreinte par Audiard, il lui faudra ensuite un peu de patience pour recevoir son ouvre-vin moulé sur sa propre main.

 

 

Sébastien Forest

 

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