Fondé en 2016 en tant que service d’hommages en ligne pour les familles endeuillées, Inmemori est devenu une société de pompes funèbres à part entière. Sa fondatrice, Clémentine Piazza, nous explique comment elle souhaite réinventer les codes du secteur pour offrir aux familles un service de qualité, plus éthique et plus humain.
Comment vous est venue l’idée de fonder Inmemori ?
Clémentine Piazza : Avant Inmemori, j’étais Directrice marketing chez Unibail Rodamco. Ce métier était passionnant mais il me manquait quelque chose. J’avais plusieurs idées de projet en tête mais rien qui ne m’a motivée à me lancer. Puis, j’ai dû un jour accompagner une amie très proche qui faisait face au décès d’un membre de sa famille. J’ai été frappée par l’archaïsme des services proposés pour les obsèques et surtout la lourdeur des démarches, avec un manque cruel d’empathie et d’accompagnement.
En 2016, j’ai donc créé un service en ligne pour rendre hommage aux défunts. En échangeant avec les milliers d’utilisateurs de notre service, j’ai ressenti leur stress face à l’organisation des obsèques. C’est pour répondre à ce besoin que j’ai décidé d’aller plus loin dans l’accompagnement des familles. Ainsi, dès 2021, Inmemori est aussi devenu une société de pompes funèbres, pour permettre aux familles d’être plus apaisées sur le chemin du deuil qui commence avec les obsèques. Il faut remettre du bon sens dans le secteur du funéraire : c’est un métier de service à la personne et non de commerçants, comme il l’a toujours été exercé. C’est cette démarche qui m’anime avec Inmemori.
Quelles solutions possibles pour adoucir l’expérience dans l’organisation des obsèques ?
C.P. : Chez Inmemori, nous avons par exemple fait le choix de clarifier l’offre de produits proposés aux familles. C’est le cas du cercueil par exemple. Traditionnellement, les agences de pompes funèbres proposent des catalogues pléthoriques de plus de 40 cercueils, pouvant aller jusqu’à 3 000 €. Nous avons de notre côté simplifié cette offre avec deux formes de cercueils en trois essences de bois, pour aider les familles dans ce choix.
Notre niveau de marge est aussi éthique et bien inférieur à celui des deux leaders du secteur. La marge sur le cercueil est d’ailleurs équivalente à celle pratiquée dans le secteur du luxe. Je trouve cela personnellement très problématique, surtout pour des acteurs qui disposent d’une délégation de service public.
En parallèle, nous portons une attention particulière à l’accueil des familles qui sont dans une situation de grande vulnérabilité. C’est pour cela que nos agences ne sont pas au rez-de-chaussée. Nous sommes toujours en étage pour préserver l’intimité des familles et ainsi créer une atmosphère apaisante. C’est essentiel pour les aider à exprimer leurs volontés et organiser les obsèques de leur proche.
Le sujet de la mort est-il toujours tabou en France ?
C.P. : Oui, c’est un sujet toujours délicat mais les nouvelles générations commencent tout de même à vouloir planifier leurs obsèques afin de soulager leurs proches le moment venu. Il y a une vraie prise de conscience, bien que le manque de préparation soit toujours présent. En tant que société à mission, Inmemori œuvre justement pour libérer la parole autour de la mort, car en parler permet de mieux s’y préparer.
Les générations précédentes veillaient davantage leurs proches mais la médicalisation de la société a changé les mœurs : nous vivons plus longtemps et surtout nous mourrons plus souvent à l’hôpital qu’à notre domicile. Cela change notre rapport à la mort et il est important de pouvoir en parler.
C’est un sujet de l’ordre de l’intime mais qui a une résonance universelle. J’ai par exemple participé récemment au podcast Generation DIY et j’ai reçu après sa diffusion des centaines de messages d’internautes qui m’ont partagé leur expérience de deuil. Nous avons aussi organisé des expositions sur les métiers de la fin de vie et de la mort pour mieux les faire connaître du grand public.
Pourquoi le secteur funéraire a toujours été épargné par le monde de l’innovation ?
C.P. : Le marché funéraire est largement dominé par Pompes Funèbres Générales et Roc Eclerc. Il s’agit donc d’une situation d’oligopole dont les conséquences sont souvent les mêmes : une pratique de marges abusives car la concurrence est quasi inexistante et une expérience abîmée.
Plusieurs reportages médiatiques et rapports de la DGCCRF ou de UFC Que Choisir ont aussi mis en lumière ces pratiques douteuses mais cela n’a pas réellement changé la donne. Avec Inmemori, nous voulons prouver qu’il est possible de faire autrement. C’est ce que nous devons aux familles en deuil.
Peu de startups se sont intéressées au secteur parce qu’il y a de fortes barrières psychologiques à surmonter. Ce n’est pas un métier simple : nous côtoyons quotidiennement la mort et accueillons chez nous la tristesse des familles.
C’est aussi un formidable métier porteur de sens. Chez Inmemori, nous faisons tout pour rendre ce moment le plus doux possible. Nos équipes sont formées au savoir-être par notre Académie interne. Ils y apprennent le sens de l’accueil, le sens du détail, l’écoute active et bien sûr le métier de conseiller funéraire. Le choix des mots justes fait l’objet d’un module de formation par exemple. Nous l’avons créé pour que les mots traumatisants souvent utilisés dans le secteur, comme « dépouille », « dossier » ou « dépositoire » soient bannis chez Inmemori.
Comment s’assurer de ne pas tomber dans ces travers à mesure que votre activité prend de l’ampleur ?
C.P. : Le passage à l’échelle tout en préservant nos valeurs est un défi constant pour moi. Chez les deux grands groupes leaders, les conseillers funéraires sur le terrain ne sont évidemment pas animés par une mauvaise intention, ils ne sont juste pas formés de la bonne manière par leur entreprise. Je crois pour ma part à l’importance de la formation et à l’alignement entre nos valeurs et notre fonctionnement. Un point clé chez Inmemori est que nos conseillers funéraires ne sont pas commissionnés à la vente, contrairement aux autres groupes du secteur.
Vous avez levé 20 millions d’euros en 2021, à quoi ont servi les fonds ?
C.P. : Cela nous a permis de financer l’ouverture rapide de 5 agences Inmemori à Paris, ainsi qu’à Bordeaux, Lyon, Rennes et Nantes, des grandes villes où il y a besoin d’une alternative.
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