Les croisières aériennes sont une niche dans la niche. En lançant Ciels du Monde, Edouard George, un routard du tourisme de luxe, pressent la montée en puissance de ce concept exclusif. Tours du monde, odyssées et échappées, ces trois produits cousus mains enthousiasment les voyageurs. A l’aune d’un nouveau « revenge travel », l’entrepreneur polyglotte – qui affiche 145 pays au compteur – lève le voile sur les coulisses et les perspectives d’un secteur au ciel dégagé.
Jusqu’à récemment, vous étiez sollicité par les agences de voyage pour votre expertise en matière de croisières aériennes, de la conception à la logistique. En lançant votre marque, Ciels du Monde, éclairez-nous sur ce marché porteur ?
Edouard George : Le concept des croisières aériennes va se développer pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, les voyageurs veulent passer de moins en moins de temps dans les aéroports et fluidifier leur parcours. Avec ce système d’avion affrété, on arrive à réduire les temps dans les aéroports de façon drastique. Dans les aéroports, il y a les lounges avec des prestations toujours plus pointues, l’aérien avec l’essor du recours au jets privés suit cette tendance. Un voyage en première classe, sur des vols réguliers, a tout de même ses limites car on atterrit dans les grands aéroports, alors que le format de croisière aérienne, offre la possibilité d’aller d’un point à un autre sans aucune contrainte. Notre itinéraire Amérique Latine permet, par exemple, de faire Lima – l’Ile de Pâques direct, ce qui est en revanche impossible même avec un billet en première. Il faudrait obligatoirement transiter par Santiago du Chili, donc on perd encore du temps. Quand on fait l’échappée égyptienne, on atterrit directement à Abou Simbel. Au lieu de faire Paris – Le Caire, Le Caire – Assouan, Assouan – Abou Simbel, on va directement à Abou Simbel. Beaucoup se refusent de transiger entre le confort et le temps.
Ces aspirations sont-elles de plus en plus partagées ?
E.G : Plus on vieillit, plus on fait du tourisme haut de gamme ! Et ce n’est pas forcément une aspiration de quinquas, les voyageurs allouent un budget plus important au fil des ans. La pandémie a également rebattu les cartes en plaçant très haut la notion d’expérientielle.
Quelle est la configuration de vos vols ?
E.G : Nos vols privés sont généralement dotés de 80 places, en configuration classe affaires. Derrière ces 80 sièges, c’est souvent 55-60 clients d’embarqués, parce qu’il y a toute une logistique avec notamment un médecin, un infirmier qui seront à bord. Sur les long-courriers, nous disposons même d’un masseur. Il y a aussi l’équipe de bagagistes car les clients ne s’encombrent jamais de leurs valises. Ils les retrouvent directement à l’hôtel d’une escale à l’autre, sauf si la loi du pays exige une reconnaissance personnelle à l’arrivée. Ce système réglé comme une horloge suisse permet aussi d’atteindre le zéro perte. C’est l’idéal car nous enlevons une grosse partie du stress à nos guests qui ne font pas la queue pour enregistrer leurs bagages. On a nos comptoirs dédiés. Les croisières aériennes sont aussi immunisées contre les retards de vols ou annulations.
Derrière vos trois itinéraires phares : Tours du monde, Odyssées, Echappées, il y a donc un travail de fourmi qui suppose une gestion complexe. Comment arrivez-vous à réduire au maximum le facteur incertitudes ?
E.G : C’est un domaine dans lequel l’improvisation n’existe pas ! Il faut maîtriser toutes les subtilités culturelles, logistiques, et avoir une connaissance pointue de l’écosystème touristique. Mais plus encore, il faut parfois avoir ses entrées. J’ai passé une partie importante de ma carrière chez ACCOR en Asie, j’y ai d’ailleurs ouvert le premier hôtel à Hanoï au Vietnam quand le pays s’ouvrait timidement. Je suis devenu polyglotte et parle couramment vietnamien, japonais, coréen, indonésien…Ce qui m’a davantage facilité la constitution d’un solide réseau de réceptifs dans cette importante région du monde. Ciels du Monde fait partie des seules compagnies au monde à disposer d’un bureau à Séoul et à Pyongyang en Corée du Nord. Il faut pouvoir s’appuyer sur des contacts à tous les échelons, peu importe la destination. Nos clients doivent sentir que « tout roule » et se laisser porter lors des croisières aériennes. Ma priorité numéro 1 est de leur donner l’impression que tout est facile, alors que c’est extrêmement complexe, minutieux et très coordonné. De fait, j’arrive à négocier les créneaux horaires avec les aéroports, les places de parking ou encore obtenir l’autorisation d’atterrissage dans un aéroport militaire, l’accès à des sites touristiques en petit comité… A Abou Simbel, en Egypte, on a même droit à la fanfare comme une délégation présidentielle, grâce au gouverneur de la province. Parfois, on voudrait juste arriver discrètement (rires).
Ce genre d’accueil en fanfare est fréquent ?
E.G : Dans les îles du Pacifique, oui. Je dois dire que nos passagers sont friands de ce folklore.
Dans ce huis clos qui s’organise dans les nuages, comment composez-vous avec les requêtes des uns des autres et avec les susceptibilités ?
E.G : Dans nos croisières aériennes, la vie s’organise autour de trois groupes d’un total de 20 personnes maximum. Ce seront toujours les mêmes groupes du début à la fin. Sur la destination, les gens ne se croisent pas. Parce que l’on veut d’abord du cousu main et favoriser les vraies interactions. Il est extrêmement rare de voir de l’animosité ou des conflits éclatés pendant nos tours du monde. Nos clients auront toujours la liberté de vivre des expériences en solo ou en duo à destination s’ils préfèrent cette option. Un guide avec chauffeur leur est attribué. La seule « obligation », c’est d’être dans le même hôtel, pour des raisons logistiques, et même de sécurité, et d’être à l’heure à l’aéroport. Gardons par ailleurs en tête qu’il y a un échange personnalisé en amont pour cibler en détail les attentes du client, mais aussi connaître les allergies, restrictions alimentaires…
Edouard George, PDG Fondateur de Ciels du Monde : « 2022-2023, seront encore deux belles années de revenge travel, ce phénomène né de la crise sanitaire qui exacerbe nos envies de prendre le large !«
J’imagine qu’entre le départ et l’arrivée, il y a des affinités qui se nouent…
E.G : C’est la magie de notre métier : faire se rencontrer des gens qui ne se seraient peut-être pas rencontrés. Des liens se nouent à vie parfois. On assiste même à des moments inattendus de lâcher-prise avec des clients très sérieux occupant d’éminentes fonctions qui se mettent à faire la chenille, à s’émouvoir devant un site millénaire ou une scène de vie animale. La croisière aérienne est une expérience à part, riche en émotions. La Mongolie fait partie de ces pays qui déclenchent en vous un sentiment intense car on ne peut qu’être secoué par la majesté des paysages, l’immensité des steppes, la frugalité de la vie… Après avoir bourlingué dans 145 pays et fait voyager tant de personnes, je vous confirme qu’il y a quelque chose avec ce pays !
Le choix de l’hôtel est aussi important. Comment les sélectionnez-vous pour harmoniser l’expérience avec vos standards de luxe ?
E.G : Je choisis un établissement avec âme. Étant un ancien de l’hôtellerie, je trouve cet aspect très important. Par exemple au Rwanda, il y a des hôtels modernes, du type Marriott, mais il y a l’hôtel des Mille Collines, un lieu, pour rappel, qui a permis à des personnes de s’y réfugier lors du terrible génocide. C’est ici que le film « Hôtel Rwanda » a été tourné. Sans trop aller dans le drame, il est important de sentir l’Histoire en allant dans des endroits emblématiques de la destination. Un hôtel avec un supplément d’âme ne se concurrence pas avec le dernier cinq étoiles à la mode. C’est essentiel dans la façon de fabriquer nos itinéraires, parce qu’on n’a pas la chance de faire deux fois une bonne impression.
Quelles sont les tendances d’odyssées, d’échappées en attendant la reprise des tours du monde ?
L’odyssée européenne entre nuits blanches et soleils de minuit rencontre un franc succès. Des Iles Féroé au Groenland en passant par la Norvège, la Lituanie ou la Russie, les voyageurs pourront s’émerveiller devant le spectacle de ces terres boréales où les journées deviennent interminables. Il y a aussi Saint-Pierre-et-Miquelon qui excite pas mal le microcosme. Finalement, peu de personnes connaissent ce département d’outre-mer français. C’est un « mini Canada » que l’on pourra découvrir lors d’une échappée. Comme toujours, il y aura des expériences immersives comme un dîner festif à la mairie dans une salle des fêtes, un peu comme une fête villageoise ! Les gens veulent des « apéros chics » hors des sentiers battus et revivre des expériences transformationnelles. 2022-2023, seront encore deux belles années de revenge travel, ce phénomène né de la crise sanitaire qui exacerbe nos envies de prendre le large !
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