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Chroniques D’Effectuation #15 : Pipplet Ou Une Certification En Langue En Un Clic

En deux mots. Do you speak english ? « Yas, vary goude ».

Trois ingénieurs français atypiques, Mathieu, Adrien et Baptiste, sont à l’origine de Pipplet, start-up créée à Paris en 2015. Loin des tests de niveau d’anglais comme le TOEIC, Pipplet est un service d’évaluation des compétences en langues étrangères. Déjà 11 langues peuvent être vérifiées, allant de l’anglais au japonais en passant par le portugais du Brésil. Ce qui les différencie de leurs concurrents : “pas de bachotage possible avant l’examen”.  Leur objectif est de tester la capacité d’un individu à comprendre et à se faire comprendre dans un contexte professionnel aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. 

 

 

Nos trois “frenchy” ont fait la même école : l’UTC, mais se sont rencontrés par hasard à Londres. Alors qu’il commence son premier emploi outre-Manche, Baptiste décroche son téléphone et là c’est la panique pour comprendre son interlocuteur ! “C’est quand même bizarre qu’après 14 ans d’apprentissage de l’anglais je ne puisse pas comprendre un client gallois au téléphone”. Il était bien embêté et son entreprise aussi. Baptiste s’est donc rendu compte qu’il y avait des failles dans l’évaluation des langues dans le processus des ressources humaines. Et leur marché s’est ouvert à eux : un outil d’aide à la décision pour les RH.

 

Le problème. Des tests standardisés et du bachotage.

Tout étudiant dans le supérieur est passé par là : la certification de son niveau d’anglais via le TOEIC ou TOEFL pour être diplômé. Pour réussir ce test standardisé, nul besoin d’être un cador bilingue mais plutôt bien bachoter. La recette est simple : on apprend tout par cœur et à la sortie de l’examen on oublie tout ! Une bonne note au TOEIC ou au TOEFL reflète une forte capacité de mémorisation à court terme, mais quant est-il de la capacité à interagir en anglais ? Dans le cadre d’une embauche, il devient difficile aux RH de se fier à ces tests pourtant mondialement connus et reconnus. Un candidat qui écrit correctement mais qui parle avec un accent in décryptable passerait par exemple entre les mailles du filet au TOEIC.

Les RH sont submergées. En conséquence, lors d’un recrutement, ils sont victimes d’un manque de formalisation des tests pratiques de niveaux de langue. Dans leur boîte à outil, les RH ont actuellement : des micro-tests et QCMs pour évaluer le vocabulaire et l’orthographe, des solutions artisanales avec l’intervention d’un tiers pour qu’il apprécie le niveau de langue, des résultats aux tests standardisés, des niveaux de langue détenus sur les CVs… Comment alors s’assurer du niveau d’un candidat avant de l’embaucher ?

 

L’idée. Certifier les compétences orales et écrites en un clic.

D’où Pipplet à l’origine : une solution digitale pour évaluer les compétences orales et écrites des candidats à un poste en matière de langues étrangères. « Nous voulions trouver un moyen de formaliser objectivement cette compétence [l’anglais] qui avait été jusque-là appréciée soit par le biais des tests standardisés non exhaustifs, soit par des interlocuteurs dont le niveau d’anglais n’était pas forcément optimal ».

La promesse offerte : une évaluation réalisée par un professeur et un certificat délivré 24h après la réalisation du test. Pour l’entreprise en cours de recrutement, un tableau de bord lui permet de gérer l’ensemble des notes de ses candidats.

 

 

La mise en œuvre. Le langage évolue et Pipplet aussi.

Il existe de nombreuses applications pour apprendre des langues étrangères mais aucune ne permet d’évaluer son niveau réel à l’oral et à l’écrit, et c’est à ce niveau que nous avons décidé d’innover” nous raconte Baptiste. Le trio d’ingénieurs fonde Pipplet à partir de leur expérience vécue mais avec un angle très axé sur la technologie.

Dès le début ils conçoivent un test 100% digital, sans intervention humaine. La solution, fonctionnelle, a le mérite de remporter le concours iLab 2015 avec la coquette récompense de 45 000€ d’aides. Mais au bout d’un an, les co-fondateurs se rendent compte que leur création est un outil “très techno, tout automatique…. que personne ne veut”. Il fallait se rendre à l’évidence. Le marché n’est pas prêt à une solution entièrement dématérialisée, pour ne pas dire déshumanisée.

De ce premier semi-échec, ils ont beaucoup appris. Ils adaptent vite leur outil : l’ensemble du processus reste digitalisé, mais la correction et l’appréciation des résultats des tests et des enregistrements vocaux se font dorénavant par des professeurs triés sur le volet. Cette méthode leur permet d’ajouter des langues au fur et à mesure qu’ils recrutent des professeurs étrangers.

Aujourd’hui Pipplet c’est une équipe de six, onze langues certifiables, cinquante professeurs prestataires et plus de 2500 tests réalisés durant le premier semestre 2018. Et le nom Pipplet vise à sortir des  initiales rébarbatives existantes . Cependant, pour y apporter du sérieux, les fondateurs ont baptisé  leur certification, FLEX, contraction de “Fluency Exam”.

 

 

Les difficultés. Quelques bégaiements.

Comme toute start-up qui se respecte, Pipplet a connu son lot d’écueils. Pour délivrer des certifications, il faut une certaine légitimité. Pipplet a bâti la sienne scientifiquement en se basant sur le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues). Cette « bible de l’industrie des langues » définit ce qu’est un bon niveau linguistique. De plus, pour encore augmenter sa légitimité, Pipplet fait partie de ALTE l’”association of Language Testers in Europe” qui est à l’origine du CECRL et a réussi à faire reconnaître sa certification en France au titre du Compte Personnel de Formation.

Un autre souci se pose : certaines langues sont parlées avec différentes sonorités et accents. Est-ce que l’on considère qu’un québécois peut parfaitement communiquer en France ? Pas forcément. Pipplet se positionne avec force : il ne faut pas que l’accent nuise à la communication. Pour obtenir un niveau élevé à la certification FLEX, il faut que le candidat puisse non seulement comprendre, mais être compris. Il en va de même pour l’uniformisation des évaluations des professeurs afin de limiter au maximum l’hétérogénéité des notes engendrées par l’humain. Pour éviter cela, Pipplet démarche et choisit ses professeurs directement et a mis en place un système d’examen témoin pour s’assurer que tous les professeurs appliquent les critères d’évaluation de la même manière.

 

 

Les finances.

Les étapes de financement de Pipplet sont assez classique : 20 000 euros de fonds propres apportés par les 3 co-fondateurs trentenaires, une subvention de 45 000 euro avant d’effectuer une première levée de fonds de 150 000 € fin 2017. Pipplet cherche actuellement à lever 500 000€ auprès de fonds dans la RHTech ou l’EdTech. La start-up souhaite entre autre développer plus de langues, intégrer un bouton plug & play aux logiciels RH existants, faire de la R&D pour continuer à développer et perfectionner leur test et bien sûr accélérer son internationalisation.

Le marché des langues est conséquent et estimé à 200 milliards d’euros. La certification et les tests de langue en représentent 10 %.  Pipplet détient donc un marché de près de 20 milliards d’euros ! Afin de s’en emparer au plus vite, Pipplet mise sur son agressivité au niveau des prix. Ses concurrents, bien qu’ils soient indirects, facturent leurs certifications et tests entre 40 et 300 euros. Pipplet défie donc toute concurrence en s’alignant sur les prix les moins élevés du marché tout en améliorant la qualité de l’évaluation.

 

 

Leur modèle économique?  Pipplet vend des crédits d’évaluation à 30€/unité avec un accès à un tableau de bord pour que les RH puissent distribuer les crédits aux candidats à évaluer. Le RH peut distribuer des tests et suivre la progression des candidats. Depuis août 2018, l’offre Pipplet en B2C est disponible pour s’évaluer à la maison.

Le processus mi-digital et mi-humain de Pipplet séduit de grands groupes comme Renault, Zalando, Eiffage, et des nombreux centres d’appels. Pipplet compte aujourd’hui 150 clients et ne compte pas s’arrêter en si bonne voie !

 

Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France.

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