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Chroniques d’Effectuation #11 : Inscoper, Une Intelligence Pour Observer La Vie

C’est dimanche soir. Vous êtes dans votre canapé, confortablement installé, pour votre péché mignon hebdomadaire: la télévision. Ce soir, une fiction présente un savant fou et mégalo à la tête d’une machine infernale. Agrémenté d’une personnalité haute en couleur, le résultat est un mélange entre Moonraker et Docteur Folamour. Même si cela se trouve dans un film, difficile de ne pas sourire ! Comment donc cet hurluberlu serait-il capable de réussir à industrialiser la production d’une armée de robots ? Qui croit-on tromper ? Passer du laboratoire au grand public n’a rien d’automatique. Au contraire, c’est un ballet compliqué entre les chercheurs d’une part, et les ingénieurs, gestionnaires et commerciaux d’autre part.

 

 

En deux mots. Un « cerveau pour microscope« .

De l’exploration en labo à la production de masse, il faut tout un voyage. C’est cette transformation que raconte Olivier Chanteux, CEO et co-fondateur d’Inscoper. Il s’est associé avec Otmane Bouchareb, pour exploiter l’invention de deux chercheurs Marc Tramier et Jacques Pécréaux. Basée à Rennes, la start-up développe un système de pilotage pour microscope de recherche et rencontre un tel succès commercial sur son marché d’1.3 milliards d’euros qu’elle cherche à s’internationaliser à l’étranger seulement 3 mois après le lancement de son produit.

 

 

Le problème. Vers l’infiniment petit et au-delà

Tout commence à l’Institut Génétique de Rennes quand Marc et Jacques, les inventeurs, en viennent à maudire leur microscope à fluorescence dernier cri. Il est difficile à manipuler, trop lent pour prendre les clichés nécessaires. C’est donc ça la révolution récompensée par deux prix Nobel en 2006 et 2014 ?

Alors oui, c’est vrai, au lieu d’étudier des échantillons morts, la fluorescence permet aux chercheurs de voir l’infiniment petit vivre et mourir. Mais à quoi bon l’utiliser si la vitesse de prise de vue ne permet pas d’observer les transformations des échantillons ? Aussi performant qu’est le microscope, ses qualités sont exploitées par un système de pilotage mal adapté. C’est comme regarder une image d’un film palpitant toutes les 20 minutes. Bon courage pour comprendre l’histoire.

A la racine du mal, c’est le système de pilotage qui est mis en cause. Il n’existe pas de solution spéciale et les chercheurs se contentent de manipuler leur matériel de pointe avec de la bureautique grand public, ce qui revient à essayer de contrôler un A380 avec Windows XP. Accrochez-vous !

L’idée. De grandes idées dans une petite boîte.

Marc et Jacques décident alors de bricoler un prototype « dans une boîte à chaussure », un boitier qui viendrait contrôler le microscope, et sont bluffés par les gains de performance. « Ouverts à leur environnement et pas allergique au transfert technologique », ils cherchent une façon de partager leur invention. Pour autant, ils ne souhaitent pas non plus renoncer à leur activité de chercheurs académiques.

En se rapprochant de leur Société d’Accélération du Transfert de Technologie (SATT) locale, Ouest Valorisation, ils rencontrent un embryon d’équipe. Dans un premier temps, c’est Otmane Bouchareb qui se présente à eux. Ingénieur en mécatronique, il les accompagne dans leur étape de maturation pour créer un prototype adapté à tous les microscopes. Puis, c’est au tour d’Olivier Chanteux de les rejoindre, ancien d’HEC avec plusieurs expériences entrepreneuriales à son actif. Mais qu’est-ce qui poussent des business men « grenouillant dans l’innovation » à s’associer avec des chercheurs ? Olivier confie que ce n’est pas le potentiel du projet qui a généré son intérêt mais bien la personnalité de l’équipe embryonnaire. La start-up est une « histoire de personnes ». Au contraire de beaucoup de chercheurs, Marc et Jacques lui ont prouvé qu’ils étaient prêts à s’impliquer dans une entreprise. Fort de cette collaboration, Olivier et Otmane prennent les rênes d’Inscoper fin 2016.

 

 

La mise en oeuvre. Un développement industriel millimétré.

Le lancement du produit ne se fait pas sans mal. Dès début 2017, ils prennent conscience des problèmes techniques liés à leur projet. Leur « cerveau pour microscope » ne pourra fonctionner à plein régime qu’une fois libéré de tous les intermédiaires (drivers, software, système d’exploitation, etc.).  

Avec comme guide de développement les bonnes pratiques de la production industrielle, Otmane et Olivier décident donc de modifier complètement leur produit. Ils abandonnent l’idée d’un « plug-in » qui viendrait optimiser les systèmes existants, pour lequel l’intégration est une vraie « galère » et des performances décevantes. Au lieu de cela, ils se donnent un an pour réaliser un boitier d’automate complet. « Gros pari » : leur premier client leur impose une date de livraison ferme pour décembre et il leur faut tout refaire.

Sur le fil, ils récupèrent le boitier deux jours avant la date de livraison et l’interface est terminée la veille. Sans un succès, l’aventure aurait rapidement tourné court, nous confie Olivier. Mais voilà, le test est réussi et lance un bouche à oreille positif. Le succès commercial qui s’en suit est majeur ! En deux jours de vente et grâce au concours scientifique de leurs chercheurs, ils reçoivent assez de commandes pour toute l’année 2018.

 

 

Les difficultés. Des employés à prendre avec des pincettes.

Bien évidemment, la refonte du produit était déjà un défi majeur pour Inscoper. Une décision difficile qui s’est jouée à leurs recrutements pendant 2017. Que ce soit le recrutement de leur alternant ou celui d’un ingénieur sénior, c’est l’équipe et son talent qui a permis à Inscoper de « faire la bascule ». Réaliste, Olivier sait que si lui et Otmane « s’étaient plantés, [ils] ne seraient plus là ».

Mais ce n’est pas tout. Il y aussi les difficultés du quotidien. Ce sont celles qui méritent de se faire accompagner pour maintenir le cap. Bien que prises chaque jour, les décisions pour résoudre ces difficultés sont stratégiques et définissent le succès d’Inscoper, que ce soit le changement de leur nom original « d’ingénieur un peu pourri » en une marque commerciale bien faite ou bien les rapports avec la concurrence et les fabricants de microscope.  

Les finances. Les petits investissements font les grandes rivières.

Pour la prochaine étape, Inscoper souhaite prendre les devants. Olivier est persuadé que le marché est du type « winner takes all » et qu’il leur faut aller vite pour faire face à la concurrence : « Metamorph (leur principal concurrent NDRL), le logiciel pas le Pokémon, n’a pas tué le marché, nous pouvons encore le faire ».

Pour cela, ils recherchent 500 000 euros en fonds privés pour s’exporter. Au départ, leur projet B2B, de niche et très technologique faisait un peu peur aux investisseurs. Toutefois avec leurs premières commandes et une preuve de traction, ils sont de moins en moins frileux. En se positionnant comme une plateforme neutre à la croisée des chemins entre industriels et chercheurs, Inscoper espère à terme convaincre tous les fabricants de microscopes d’adopter leur solution. Ne vous arrêtez à la petitesse de leur objet. Confortable dans leur position centrale et adapté à tout support, « les Suisses de la microscopie » ont des ambitions gigantesques !

Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo

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