S’engager dans des travaux de rénovation, c’est comme partir pour la jungle amazonienne. Se lancer coûte cher, on ne sait pas quand on reviendra chez soi ni dans quel état. Entre le poids financier et les délais de livraison, c’est un véritable parcours du combattant. Celui qui l’emprunte doit s’armer de la sagesse des Jivaros et Workadvisor pour faire face à la frustration.
En deux mots. Une confiance en béton armé.
Nul n’ignore le langage exotique des autochtones du chantier. Prenons pour exemple un représentant de la tribu des chauffagistes, « le serpentin encrassé ? Il va falloir tout changer » ; ou bien un nomade du peuple des peintres en bâtiment « Beige ? Vous n’aviez pas plutôt dit pelure de mandarine ? » ; ou encore le duo facétieux électricien- plombier « Tant que l’eau n’est pas faite, je ne touche pas l’électrique. A dans trois semaines » et vice-versa. Las, nous, les consommateurs, sommes les victimes de réduction de tête pour l’agrandissement de notre hutte principale. Pourtant une solution existe : Workadvisor, dont nous avons rencontré les fondateurs Grégory Caniaux et Laurent Orieux.
Installés dans les Deux-Sèvres, Grégory et Laurent ont lancé leur plateforme en 2016. Elle s’adresse d’une part aux particuliers, qu’elle accompagne tout au long de leurs travaux ; d’autre part aux artisans, pour lesquelles elle a l’ambition d’être le « customer success manager ». Elle gère actuellement €3.5 millions de devis, soit plus de 300 projets, et propose 70 corps de métiers.
Le problème. Lorsque le bâti ment.
15 ans dans la construction, 15 ans passé au plus proche de la filière et pourtant vivre un « drame » avec la rénovation de sa résidence principale. C’est l’histoire de Grégory. Il a beau avoir sélectionné avec soin son maître d’œuvre et ses artisans, rien à faire ! Ecœuré par cette situation personnelle, il ne peut plus supporter le manque de transparence du secteur.
Il n’est pas seul dans cette situation. Dans un marché à 42 milliards d’euros selon l’estimation de la CAPEB dans ses chiffres clés 2016, l’offre et la demande s’accordent comme un marteau piqueur et un dimanche après-midi. Du côté des particuliers, ils sont réticents à s’engager en raison de l’investissement important et l’absence de certitude quant à la qualité des réalisations. Et ils n’ont pas tort d’être hésitants ! Selon une étude de l’ADEME, 50% d’entre eux sont insatisfaits du résultat de leurs travaux. Du côté des artisans, les entreprises mettent trop souvent la clé sous la porte par absence d’aide administrative et commerciale. Elles ne peuvent survivre qu’en menant un train d’enfer, envoyant devis sur devis avec l’espérance d’en obtenir en retour 1 sur 10 signé.
L’idée. Construire sur des fondations saines.
Le constat n’est pas neuf. Grégory et Laurent ont déjà fait face de nombreuse fois à ces besoins. Pourtant, il a fallu en faire une affaire personnelle pour que le déclic entrepreneurial ait lieu. C’est ce qui leur donne leur ambition première: rassurer les particuliers.
Comme c’est de l’expérience d’un usager que vient leur prise de conscience, ils décident de recenser les caractéristiques d’un chantier réussi en sondant dans leur département d’origine, les Deux-Sèvres. Pour eux, ce ne sont pas les études de marchés ou les grands rapports qui fournissent les informations clés, mais bien le contact direct avec de futurs clients.
Et de manière surprenante, ils tombent sur deux faits. La bonne nouvelles, d’abord, les particuliers n’attachent qu’une importance relative au prix des travaux, le plus important c’est la qualité. La mauvaise nouvelle, les artisans ne sont pas convaincus par leur plateforme. Loin d’être tiers de confiance, Gregory et Laurent sont perçus comme de vils marchands de contacts, une plaie dont les professionnels ont fait les frais. De part et d’autre, ce n’est pas l’information qui manque mais bien l’information qualifiée et de qualité. C’est l’élément qu’il leur manquait: un angle d’attaque. Ils lancent leur produit en misant sur un seul critère : augmenter la qualité des échanges par un audit des professionnels, une qualification des contacts clients et le suivi des travaux.
Les difficultés. Prendre le chantier en marche.
Le lancement n’est pas allé sans mal. Entre l’atmosphère de défiance et une concurrence acharnée, il faut être patient pour se créer une niche. Comme nous le confie Gregory, « Cracker un marché » est un processus expérimental. Pour les professionnels, ils testent d’abord la cotisation mensuelle, avec des résultats médiocres. Seulement 30 artisans vont au bout du processus de référencement. En travaillant leurs contacts, ils arrivent à délier les langues : « même pour 1€ par mois, je ne paierai pas ». C’est un choc. Pour l’encaisser, ils pivotent leur modèle économique. Au lieu de peser sur le cycle opérationnel, ils choisissent de se rémunérer au succès. L’effet est immédiat : suite au changement de modèle, 450 artisans s’inscrivent sur leur plateforme sur la même période.
Pour lancer la machine des particuliers, en plus d’une offre calibrée, les deux entrepreneurs s’en sont remis aux réseaux sociaux dans l’espoir de créer un phénomène d’entraînement. A tâtons et pendant 2 ans, ils ont mis au point des stratégies d’acquisition digitale et misent sur la plus ancienne des méthodes de croissance des réseaux, le bouche-à-oreille. Résultat des courses, le volume d’affaires géré par Workadvisor accélère de 10% par mois.
La mise en œuvre. Être la clé de voûte des opérations de rénovation.
Passé les premières difficultés, ils ne comptent pas s’arrêter là ! Confrontés aux besoins des professionnels, ils ont aussi choisi de renforcer leur offre. Et c’est le manque de formation commerciale qui constitue leur relais de croissance. Le suivi, le conseil et l’automatisation de leur processus donne un résultat sans appel : d’un taux initial de transformation des devis estimé à 10%, leur plateforme atteint 47%. Cette prouesse s’explique simplement par une plus grande confiance et le suivi des particuliers par des interlocuteurs dédiés.
Pour une petite équipe et des moyens financiers limités, il était impossible d’internaliser l’ensemble de leurs opérations. Ils ouvrent alors un réseau de franchises. Rapidement le réseau Workadvisor s’étend en France par la force d’indépendants conventionnés. Comme le reste des rouages de la plateforme, Grégory et Laurent mise sur la qualité en prenant des personnes de leur réseau.
Les finances. Faire tourner la bétonnière à plein régime.
Mais cette structure en franchise ne peut pas durer. La start-up court le risque de perd re en qualité et devenir de « simple vendeurs de leads ». Les premiers fonds et la bourse French Tech de 30 000 euros ont été consommés et il en faut plus pour continuer à apporter de l’eau au moulin. Ils recherchent donc 700 000 euros pour pouvoir internaliser leurs franchisés et recruter des compétences techniques afin d’élargir leurs services offerts aux professionnels. « Nous avons une boîte à idées, elle est pleine et il nous suffit de l’exploiter ».
Leur offre a pour fondation la confiance générée par la plateforme. Malgré leur talent, cela risque d’être un sacré chantier.
Chronique co-écrite avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo
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