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Chronique D’Effectuation #5 : LegalPlace Ou La Rigueur Opérationnelle Du Juriste

Un avocat, un ingénieur, un marketeur et un développeur. Non, ce n’est pas le Village People du monde de l’entreprise mais bien l’équipe fondatrice de LegalPlace. Cette legaltech fondée en 2016 propose des actes et parcours juridiques à plus de 800 000 visiteurs par mois. Loin des Legaltechs pour les professionnels du droit et les directions juridiques, LegalPlace fournit aux particuliers et PME une façon simple de créer leurs propres documents juridiques à partir de questionnaires dynamiques.

En deux mots. Chacun sa route, chacun son avocat

Attention, ne confondez pas leurs clients avec les pingres et les grippe-sous ! Les « irréductibles du gratuit » ne sont pas leur cible. Au contraire, ce sont les particuliers et les TPE-PME à la recherche de tranquillité et de temps gagné. Ils sont plus nombreux que ce que vous croyez ! En 2017 par « frustration » de ne pouvoir traiter l’ensemble des demandes, LegalPlace a déjà levé un million d’euros pour recruter des nouveaux talents. Mehdi Ouchallal, co-fondateur et directeur général, nous raconte comment faire d’un peu d’argent et d’une poignée de talents une croissance de chiffre d’affaires à deux chiffres par mois.

Le problème. Les petits aussi ont besoin d’attention

Au cœur de leur aventure, il y a le problème de l’offre juridique. Malgré l’hétérogénéité des prestations juridiques, il n’existe que peu d’options pour les consommateurs du droit. Ils peuvent soit engager un professionnel à l’expertise prouvée et aux tarifs prohibitifs ; ou alors écumer le web en juriste autodidacte à la recherche d’un modèle gratuit et adapté. C’est le Charybde et Scylla du monde juridique : perdre beaucoup avec certitude ou pouvoir tout perdre. En bref, le marché des petits clients peinent à accéder à une protection juridique proportionnée.

C’est avec cette population en mal d’amour et peu habituée aux bonnes pratiques que LegalPlace crée son marché. Elle choisit avec soin les verticales les plus mûres pour construire une forme inédite de service juridique.

L’idée. Injecter du digital dans le moteur du droit

En ancien avocat d’affaires, Mehdi assiste au boom des fintechs et du crowdfunding en France entre 2013 et 2015. Avec 10 ans d’expérience en M&A et Private Equity, il mesure le potentiel des clients qui n’ont pas accès aux meilleures pratiques du marché. Il rencontre Racem Flazi, consultant en stratégie digitale chez Ernst & Young, et pensent ensemble la création automatique et digitalisée des actes juridiques.

Comme on ne peut pas construire un service seulement sur une revue stratégique, ils partent à la recherche de talents. Sur leur chemin, ils trouvent Samuel Goldstein, l’expert en marketing digital, et leur directeur technique, Hammou Moncef Slimane. Avec les qualités de chacun, ils créent leur premier produit, un questionnaire pour la création d’un contrat de location immobilier. Le principe est simple: grâce à un questionnaire, le contrat standard s’adapte au besoin du client au fur et à mesure du processus. À des prix cassés, le client obtient un document adapté à sa situation.

La mise en œuvre. Un voyage de mille pas commence par un POC

À partir des résultats de ce premier test, ils sont convaincus du potentiel de leur service. Depuis, ils s’attèlent à le répliquer pour les autres actes juridiques du quotidien. Le secret de leur croissance ? Une rigueur de juriste appliquée à la stratégie. Surtout pas d’excès ! « Chaque nouvelle étape est un POC » (N.D.L.R : Proof of concept), nous confie Mehdi. Avant même la première ligne de code, des études de marché et de faisabilité doivent être réalisées. Et même avec cette préparation, le service n’est développé qu’a minima. Toutes les options ne sont vraiment ajoutées qu’en cas de retours favorables des clients.

Il faut dire qu’avec plus de 8 millions de visites par an, il y aurait de quoi faire ! Tous ces clients sont autant de pistes pour leur prochain développement. Être au plus près de leur prochain client est la clé de leur succès : « La R&D est à la base de notre produit. Les gagnants seront ceux qui auront la meilleure technologie. » Et pour les besoins trop spécifiques pour les solutions existantes, pas de panique. LegalPlace ne permet pas à des clients de rentrer bredouilles. Elle les redirige gratuitement vers des avocats spécialisés pour des conseils juridiques, dont ils gardent le monopole « à juste titre».

En quelques mois, les choses s’emballent pour LegalPlace. En sus des produits immobiliers, des services aux TPE-PME et aux particuliers voient le jour. De plus, des grands noms leur font maintenant confiance : Deliveroo pour l’immatriculation de ses coursiers auto-entrepreneur; E-gérance, la filière 100% digitale de Nexity pour ses bailleurs; et maintenant AirBnB pour une meilleure gestion de leur location. La gestion d’ascète de leur développement leur permet d’être presque à l’équilibre dès leur première année. Mehdi ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Plus que des services ponctuels et à grands recours de machine learning, il espère devenir « l’assistant des particuliers et la direction juridique » des TPE-PME.

Les difficultés. Condamné à la recherche d’incroyables talents

Pour ces entrepreneurs, construire brique par brique une plateforme a toutefois un inconvénient majeur : la « lenteur du processus ». Leur attachement à la qualité du produit final implique un très lourd investissement sur chaque verticale juridique. À chaque acte juridique correspond un client type dont le profil et les besoins diffèrent. Mehdi nous fait part de la « frustration » et la perte de temps attenante au devoir de se réinventer pour chaque nouveau service.

De la tentative d’accélération de leur développement naît une seconde source de frustration : le recrutement. Avec la qualité dans le viseur, ils recherchent des « product managers » pointilleux et professionnels ; capables de bichonner les processus et de se montrer mécontent de tous les points défectueux, aussi petits soient-ils. Mais rien à faire ! Même en procédant à plusieurs stades d’entretien et en se concentrant sur des talents, ils « aimeraient recruter plus rapidement ».

Les finances. Frugalité, frugalité chérie

La frugalité n’exclut pas le besoin en financement. S’ils ont résisté pendant les premiers mois et se sont attachés à s’autofinancer, le besoin d’accélérer et d’exploiter l’opportunité ciblée avant la concurrence les a poussés à recourir à des investisseurs.

L’argent n’a pas d’odeur mais il a un coût, celui de donner du pouvoir à une partie tierce. Pour une première levée de fonds en amorçage, Mehdi nous confie qu’ils recherchaient un type d’investisseur très particulier, capable de les accompagner sur la durée et de leur apporter un savoir-faire entrepreneurial. Au final, c’est avec Day One Entrepreneurs & Partners que LegalPlace signe. La raison : leur vision de long-terme et l’établissement d’une relation de confiance dès le premier jour, notamment avec son dirigeant Michel de Guilhermier.

À ce jour, LegalPlace n’a pas encore décidé la prochaine étape de son financement. Elle se concentre d’abord sur la consolidation de leur position sur les marchés français et allemand. Mehdi pense à l’international mais avec une approche très pragmatique centrée sur leur connaissance du droit continental. Alors pour votre prochaine levée de fonds ou l’emploi de nouvel employé de maison, vous savez à qui faire appel. À bon entendeur…

 

Chronique co-écrite avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo

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