La révolution numérique affecte énormément les médias, et ceux-ci cherchent de nouvelles voies pour attirer leur public et de nouveaux business models pour se financer. Le choix de Marjolaine Grondin et de son équipe chez Jam est un mélange entre le digital, les réseaux sociaux et l’interactivité avec les lecteurs, pour un résultat unique.
En Deux Mots. Bot Conversationnel.
Jam se définit comme un média, tout en s’en démarquant. Nous sommes loin des articles classiques avec un titre, une accroche, des transitions entre chaque paragraphes… Le cœur de cible repose dans les jeunes de 15 à 25 ans. Et pour mieux les toucher, ils adaptent leur format, leur contenu et leur écriture.
La plus grande originalité se situe dans ce format interactif. L’article se lit sur Messenger, et un Chatbot, ou bot conversationnel répond en fonction des retours des utilisateurs en suivant un arbre décisionnel. Le contenu et l’écriture sont aussi adaptés à la génération visée. Des emojis et des Gifs pour capter l’attention, un style clair, et des sujets touchant à la fois l’actualité et le lecteur comme le transhumanisme, le véganisme, la neutralité du net, ou même le rapport au sexe pour le couple.
Format interactif, contenu qui pousse à la réflexion et écriture à la cool, sondages intégrés, de quoi transmettre rapidement à leurs 600 000 utilisateurs un regard critique et interrogateur sur ce qui les entoure.
L’idée. Qui Évolue.
Ce n’est pas d’une idée mais de beaucoup dont il est question. Marjolaine a toujours été occupée à monter des projets pendant ses études, créer des équipes, réunir des gens pour monter une exposition photo… Mais elle était loin d’en faire son métier ! Elle imaginait faire carrière tout en entreprenant des projets à côté, par passion. Un jour, ses amis lui ont acheté pour son anniversaire un livre pour apprendre à créer son entreprise. Elle parlait beaucoup de ses idées sans être convaincue qu’elle allait s’y investir à temps plein, et se retrouve finalement à en faire carrière. « Tout est arrivé très vite, nous confie-t-elle. C’était important que je prenne conscience que ce projet était devenu une entreprise. »
Mais Jam était à l’époque très loin de ressembler à ce qu’il est aujourd’hui. Marjolaine était étudiante à Berkeley et a dû apprendre à composer avec l’organisation de sa vie quotidienne. « C’était un calvaire de trouver un appartement, des livres de cours à moins de 150 euros, et même des covoiturages. Je pense que c’est parce que j’étais à l’étranger, mais j’avais plus de recul sur les choses. Dans notre cadre de vie habituel, on a plus tendance à accepter les problèmes sans se poser de questions. Là-bas, j’ai décidé de tenter de changer les choses. » Elle s’associe donc avec Loïc Delmaire, un ingénieur qui deviendra le CTO de l’application, et crée leur première plateforme : Blackbird. Le but était de mettre en contact les étudiants pour les aider à résoudre leur problèmes entre eux, voire même à les accompagner eux-mêmes.
La Mise En Oeuvre. De Projet À Entreprise.
Cette idée se révéla rapidement être trop coûteuse et peu « scalable », malgré tous les processus d’automatisation mis en place avec leur Data Scientist, comme la reconnaissance du langage par l’IA. S’en est suivi beaucoup de tâtonnements avant de conclure qu’il fallait centrer leur produit autour de leur deux atouts : l’aspect média/information et leur capacité à créer des bots pour les aider dans leurs tâches.
Une fois la vision posée, le développement s’effectue, mais toujours challengé, que ce soit par un de leur mentor dans leur accélérateur ou par un de leur développeur. Chaque nouveau regard extérieur apporte sa pierre à l’édifice, quitte à « mettre des claques » de temps en temps, nous avoue-t-elle.
Les Difficultés. Être Rationnel.
Chaque pivot est la cause de beaucoup de difficultés émotionnelles. Lors du premier pivot pour prendre une dimension média, il a fallu radicalement changer la composition de l’équipe, ce qui fut parfois difficile à assumer. De plus, le pivot en lui-même implique de se remettre en question, et souvent d’abandonner un produit sur lequel ils ont beaucoup travaillé. Marjolaine nous raconte : « il y a une vraie notion de Sunk Cost (coûts perdus) à gérer. Ce n’est pas parce que nous nous sommes beaucoup impliqués dans une direction qu’il faut y persévérer. Cela demande d’être rigoureux et de savoir prendre du recul. J’étais tellement absorbée par le projet que je ne faisais pas attention à certains indicateurs. Après le pivot, nous avons plus avancé en 24h qu’en deux ans. »
Afin de mieux gérer l’émotion dans l’entrepreneuriat pour pouvoir prendre des décisions rationnelles, voici son conseil avisé : « l’émotion doit être dirigée vers l’utilisateur et non sur le produit. »
Le Financement. Nourrir La Machine.
L’équipe de Jam n’a pas eu beaucoup de problèmes pour se financer, sauf lorsqu’ils étaient en recherche de financement. Mais lorsqu’on allait « quémander » de l’argent, ça envoyait comme signal qu’on ne s’en sortait pas bien, et si on se focalisait sur le produit, on obtenait des résultats et ils venaient nous voir par eux-mêmes. Ils savaient alors qu’avec une rentrée d’argent, ce résultat était multipliable par 10 ou 20. »
Avant leur pivot, Sciences Po, l’école de Marjolaine, leur a proposé de racheter la licence. Par chance, ils ont mis du temps à régler les formalités administratives et ont ainsi rencontré leur premier Business Angel, lui aussi de Sciences Po. Plus rapide que son école, il boucle le contrat en premier et investit pour un montant de 90 000€, énorme à l’époque pour l’équipe de Jam, encore étudiante. Ce fut le déclic pour le pivot. Jam fait 3 mois plus tard son entrée au Numa et lève rapidement 100 000€ supplémentaires.
Le projet se développe et crée sa marque blanche. Ils réalisent des projets pour de grandes entreprises, et l’équipe tape dans l’œil d’un Partner de chez Capgemini. Celui-ci propose d’investir 80 000€ afin de rentrer dans le capital. Ils profitent alors de son support pour réaliser une nouvelle levée à 150 000€. 6 mois plus tard, la MAIF investit à son tour pour 1 million d’euros. Une nouvelle levée est encore attendue aujourd’hui pour le Chatbot, désormais rentable, et soutenu par un des grands de la Silicon Valley : Facebook.
Après tous ces rebondissements, Jam est bien décidé à rester sur cette voie du succès !
Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France, @Florian Bercault et Jean-Baptiste d’Estimeo
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