C’est ainsi que se définit Yoyo, la startup spécialisée dans le recyclage plastique. Et il y en a des objets plastique à consigner ! Armée seulement d’une plateforme digitale et d’un système de récompense des comportements du tri, elle s’attaque à la valorisation des déchets plastiques de la population urbaine. D’après la Banque mondiale, cette niche représente plus de 4 milliards d’individus en 2016.
Et ce n’est pas tout ! Loin de se contenter de la simple collecte, elle entend faire de ces trieurs urbains, qui recyclent à peine 10% de leur consommation plastique, des utilisateurs modèles. Leur ambition est d’atteindre « 100% » et de rendre neutre l’empreinte écologique des villes.
En deux mots. Une « consigne collaborative ».
À sa tête depuis 2016, son fondateur Eric Brac de la Perrière nous raconte comment en à peine un an et demi, Yoyo projette d’employer 15 personnes et de générer un chiffre d’affaires de €1,5 millions. Elle a aussi réussi à attirer à son capital un poids lourd du secteur, Véolia, qui détient 20% du capital ; et des stars du monde du monde des affaires, Philippe Oddo et Philippe Varin.
Le problème. Le futur sous la menace du retour de bâton écologique
Mais comment une startup d’à peine deux ans pourrait-elle changer les habitudes de 4 milliards d’individus ? Après tout, le recyclage n’est pas concept neuf. La tâche n’est pas non plus facile vue la situation explosive que connaît le secteur. Selon la commission européenne, la production des matériaux recyclables a été multipliée par 200 en 70 ans et devrait doubler dans les dix prochaines années. Simultanément, les gouvernements, et en particulier la France, annoncent des objectifs de réutilisation de tous les plastiques en 2025. L’impact de ces mesures se traduit déjà par des pressions sur les acteurs de l’industrie agro-alimentaire. Malgré l’ébullition du secteur, la courbe d’apprentissage des usagers est désespérément lente. Pour Eric, sans changement, ces objectifs sont utopiques, « si nous attendons que le consommateur trie par conscience environnementale, nous n’aurons pas un doublement du taux de recyclage avant 2030 [10% actuellement dans les villes ndlr] ». En bref, cela sent la planète en sachet pour 2050!
Et malgré tout, aucune solution n’est en vue. Eric nous le confirme: « Le système coûte cher et n’a que peu de résultats ». La difficulté ne vient pas des entreprises de recyclage mais bien de la solitude du citoyen face au tri et l’absence de mobilisation. Cette inertie des comportements met en péril les opérations des entreprises de l’agro-alimentaire, qui verront leurs activités limitées. Eric parle du défi pour les industriels de la restriction du « droit d’opérer ». Et c’est sans compter la hausse constante des dépenses des collectivités territoriales pour la valorisation des déchets.
L’idée. Prendre la mesure d’une pendule que rien n’arrête.
L’agenda écologique est serré et des moyens drastiques s’imposent. C’est là qu’intervient Yoyo : inciter le recyclage des plastiques de qualité supérieure par la récompense directe. Elle change les comportements en offrant aux usagers des tickets de cinéma ou d’événement, des formations gratuites, etc .
Confrontée à l’urgence climatique, Yoyo entend être l’élément déclencheur, transformant le premier geste de recyclage en une habitude quotidienne. En ce sens, elle n’entend pas résoudre à elle seule l’ensemble des maux écologiques. Elle cherche à devenir un dispositif supplémentaire pour faire face à leurs défis quotidiens, ce dont les acteurs existants du recyclage ont besoin. Tout comme le « bus est complémentaire au métro, tram ou vélo », les acteurs du recyclage doivent offrir différentes opportunités aux usagers.
Eric a pensé Yoyo à 55 ans, lorsqu’il était alors président d’Eco-emballage, aujourd’hui devenu Citeo. Il se rend compte, qu’à ce rythme, il ne verra pas la résolution du problème du recyclage avant la fin de sa carrière. Il crée Yoyo, avec pour objectif d’aligner les intérêts de chacun par la meilleure collecte des déchets recyclables. Par un effet ciseaux entre la réduction des coûts du traitement des ordures et l’augmentation des financements des activités des communes par les organismes éco-responsables, Yoyo profite d’un effet de levier, créateur de valeur pour les communautés urbaines.
La mise en oeuvre. Faire le tour du monde, le fil conducteur de la croissance.
Bien sûr, il y a toujours un premier client. Et le déclic, il est venu du chef. Un coup de fil à Gérard Collomb, alors maire de Lyon, pose les bases d’une collaboration. Avec la carrière d’Éric comme carte de visite, la solution se met vite en place à Lyon, Bordeaux et dans les autres villes de France. Pour Yoyo, le pari de la première année est gagné. Qu’il s’agisse des quartiers historiques ou populaires, le taux de recyclage a triplé en moins d’un an. C’est avec un bon sens lyonnais qu’Eric nous résume: « faire avec l’habitant, cela fonctionne quand il y a communauté d’intérêt ».
Pour la prochaine étape, Yoyo part à l’étranger. D’abord l’Europe pour éprouver le modèle, puis les pays émergents, où se situe la véritable ambition de Yoyo. Ces mégalopoles ont des besoins en tri sélectif énormes et ne disposent que de trop peu de solutions en place. Voire, elles n’ont même pas encore résolu leurs problèmes sanitaires.
Le ciel est au beau fixe et Yoyo ne s’inquiète pas des quelques nuages à son horizon. En effet, les efforts de la concurrence, notamment dans l’arrivée de machines automatiques de recyclage, se concentre sur des gadgets. Ces machines ne répondent pas au problème clé du tri : l’anonymat du geste du tri. Et sans révéler au grand jour cette habitude citoyenne du recyclage, pas d’effet ciseau dans l’augmentation des volumes. Pire, ces machines complexes sont aux antipodes de l’esprit de la smart city, qui a pour rôle de « se tourner vers l’humain » et d’être pédagogique. Elles feront des exclus du digital, des laissés pour compte.
Les difficultés. Les hauts et les bas d’une plateforme collaborative.
Passer d’une entreprise avec un chiffre d’affaires de plus de 700 millions d’euros à une startup n’allait pas de soi. Au-delà de l’absence d’implication des citoyens, les acteurs du secteur voient d’un mauvais œil le changement de vie de cet éco-trublion : « Beaucoup sont réticents au changement des systèmes de recyclage », nous avoue Eric.
Mais ce ne sont pas les esprits mesquins qui représentent la plus grande difficulté pour Yoyo. Ce qui lui ferait vraiment du bien et qui manque cruellement au secteur, c’est de la donnée de qualité. Impossible de distinguer la « tonne des champs de la tonne des villes » et donc d’évaluer la véritable proportion du recyclage urbain. Et que de frustration dans l’ouverture des données! Comment espérer un réel changement des comportement des usagers sans avoir identifié avant leurs mauvaises pratiques ? C’est le fil d’Ariane que les citoyens ont en vain cherché dans le dédale des dispositifs du recyclage. Peut-être leur manquait-il Yoyo pour faire les va-et-vient entre la production, la consommation et le recyclage.
Chronique co-écrite avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France.
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