Depuis quelques mois nous assistons à l’essor prudent de la proptech. L’industrie de l’immobilier reste tout de même en retard face à la transformation digitale. Des villes entières de données immobilières sont gérées à partir d’outils peu flexibles ou de tableurs. Alors que c’est le grand chambardement dans l’ensemble de l’économie, c’est au tour de cet îlot de stabilité de profiter de l’innovation. Ce virage est en tout cas l’objectif de la start-up dont on parle aujourd’hui, MYRE.
En trois mots. Pierre-Papier-SaaS
MYRE, à prononcer « maïri » pour « MY Real Estate », offre un outil aux asset managers pour optimiser le pilotage de leurs actifs. Leur plateforme collaborative « développée par le métier pour le métier » sur le cloud est portée par quatre co-fondateurs et s’adresse à la gestion d’actifs tertiaires (bureaux, entrepôts, commerces…). Avec dans le viseur depuis 2017 un marché européen de plus d’un milliard d’euros, la startup référence déjà plus de 700 000 m² d’actifs sur sa plateforme et promet à ses clients un gain de temps de 30% en moyenne sur l’activité de gestion.
Le problème. L’Âge de pierre.
Le projet est né de la volonté de sa co-fondatrice : Déborah Fritz. Huit années chez Beacon Capital Partners en tant que directrice financière lui apprennent une chose : il n’existe aucune solution moderne et complète de gestion d’actifs immobiliers. En effet, « valoriser 2 milliards d’actifs sous Excel » ce n’est pas l’idéal.
Bien sûr, il existe des solutions mais aucune n’est adaptée aux spécificités du métier d’asset manager immobilier. Le patchwork de logiciels professionnels, souvent incompatibles les uns avec les autres, est plus compliqué à gérer en pratique que l’absence d’outil digital. Les opérationnels s’en remettent donc à des systèmes peu fiables, où la donnée est finalement retraitée dans un tableur : « tout le monde voudrait en sortir mais personne n’a trouvé de solution globale et rassurante ». L’ambition de MYRE est de répondre à cet enjeu en déplaçant le centre de gravité décisionnel vers le véritable donneur d’ordres : l’asset manager.
Après la cession du portefeuille d’immeubles français de Beacon, Déborah se lance dans l’entrepreneuriat et constitue une équipe pour lancer une « plateforme collaborative » pour le pilotage d’actifs.
L’idée. Toute la donnée sous le même toit.
Avec Ariel Boukobza, spécialiste de la vente de solutions B2B en SaaS, Isabelle Cohen, ancienne notaire, et Arnaud Fritz, ex-DSI de General Electric Money Bank et ancien Partner chez PWC en sécurité et Big data, ils forment une équipe forte et complémentaire qui intègre des compétences métiers essentielles : juridiques et financières, technologiques et commerciales.
Après quatre mois de collaboration, la spécification du produit voit le jour. Plus qu’un simple dashboard de suivi d’immeubles, ils pensent un outil structuré autour des données juridiques et financières capable de modéliser et analyser l’ensemble des étapes de la vie de l’actif : acquisition, financement, commercialisation, gestion et cession. Leur objectif est de « créer une communauté autour de l’actif et de permettre d’avoir l’ensemble des données au même endroit, en temps réel avec des droits d’accès différenciés ». Cette innovation d’usage est centrée sur l’expérience utilisateur, « sur un design très intuitif au service du produit, et repose sur les meilleurs standards de sécurité ».
Pour leurs débuts, c’est une aventure riche de promesses : les challenges inhérents à la naissance d’une start-up ont été bien appréhendés grâce au background des 4 co-fondateurs et à une équipe particulièrement soudée. En avançant pas à pas de façon structurée, la vie de startup n’est pas nécessairement turbulente les premiers mois !
La mise en oeuvre. Un lancement réussi malgré quelques embuches
Après l’étude du marché et la conception du produit, il faut construire la version béta qui pourra justifier la viabilité de la vision initiale. Dans un souci de minimisation de coût, l’équipe MYRE décide dans un premier temps de sous-traiter le développement informatique en Indonésie. Bilan de l’opération : une première version du produit qui a permis de présenter la vision de MYRE auprès des premiers prospects et de concrétiser la première levée de fonds. Néanmoins, cette approche n’était pas envisageable dans la durée et ne fut vraiment pas une mince affaire. Du fait de sa complexité algorithmique, la plateforme nécessite des échanges constants et de proximité entre les équipes technique et métier. La solution : « internaliser le développement ».
Le Minimum Viable Product franco-indonésien a conforté les fondateurs dans l’idée que le succès viendrait d’un développement « in-house ». Le jeu en valait la chandelle : les premiers clients et investisseurs, issus du monde de l’immobilier, de la banque et de la gestion d’actifs, soutiennent leur projet. Avec l’argent levé, ils recrutent pour lancer la construction d’un outil à la hauteur des attentes des clients, avec les fonctionnalités dont ils ont rêvé. La levée de fonds a permis de se concentrer sur le produit.
En attendant leur lancement commercial en mars 2018, ils préparent leur croissance. Ils structurent leurs early adopters en un advisory board. Cette manœuvre n’est pas seulement commerciale, elle leur permet surtout de rester au plus près de leur marché, en challengeant leur vision avec celle de prescripteurs. C’est un secteur très exigeant. L’équipe a su convaincre des figures de proue du milieu financier et immobilier, parmi lesquelles Jean Peyrelevade (ex- Président Directeur Général du Crédit Lyonnais), Olivier Cantié (Président de B&C France), Olivier Katan (Managing Director chez Deutsche Pfandbriefbank), Olivier Marguin (Directeur de l’asset management de Northwood Investors), Françoise Maigrot (Partner Linklaters), William Stemmer (Partner Taj-Deloitte), Marie-Pierre Bureau (Fondatrice Cairn CS), ou encore Jonathan Cohen (Director new ventures DowDupont).
Les difficultés. L’adhésion des talents.
Les premières difficultés ont poussé l’équipe à anticiper les suivantes. Pour accélérer le développement et avancer sur des sujets d’innovation, MYRE doit relever un nouveau défi : le recrutement de développeurs, tâche plus compliquée qu’il n’y paraît. Moyens mis en œuvre : déménagement dans des locaux tendances décloisonnés, organisation d’afterworks, possibilité de télétravail, console de jeux, open bar sur fruits, gâteaux, soda, animation de conférences tech, ou encore recrutement par cooptation… « Les bons développeurs sont des denrées rares et il est aussi fondamental de recruter des talents qui nourrissent l’équipe et grandissent avec MYRE ». Les premiers développeurs-ingénieurs recrutés font des miracles. Ils se prennent tellement au jeu qu’ils s’intéressent à l’investissement immobilier à titre privé !
En parallèle, MYRE pénètre l’écosystème des startups : agrément JEI (Jeune Entreprise Innovante), obtention du label Innov’up par la BPI, intégration dans « l’Espace entrepreneurs » de la BNP et dans l’accélérateur WILCO, promotion premium. MYRE est également soutenue par RAISE.
Les finances. Croissance par effet de levier.
Des clients fidèles et une équipe de choc, quoi de mieux pour attirer les investisseurs ? Avec leur MVP, MYRE convainc des investisseurs privés en juin 2017 de financer leur opération à hauteur de 500 000€. De quoi diminuer les missions de conseils réalisées en parallèle du développement. Grâce à leur dynamisme et aux signaux positifs, ils profitent de l’offre faite par BPI et BNP Paribas de faire effet de levier à hauteur de 250 000€ chacun. Avec ce premier million d’euros, ils ont comme perspective de couvrir l’ensemble du marché français sur le secteur tertiaire.
Ils ne comptent pas s’arrêter là. Le marché français est une première étape avant un développement à l’Europe. L’équipe travaille également à la diversification de son offre à d’autres marchés B2B en lien avec l’immobilier.
MYRE est en cours de levée de fonds de 2 millions d’euros pour financer sa croissance européenne, le développement de nouvelles fonctionnalités, intégrant des travaux de R&D comme l’intelligence artificielle ou l’analyse prédictive.
Avec MYRE, la révolution digitale de l’immobilier est lancée !
Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo
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