Charles Benhamou est un patron de presse plutôt discret, et pourtant il est à la tête d’une vingtaine de magazines traitant de thématiques diverses (moto, auto, gaming, santé, jeunesse, design, voyages…) A l’heure où l’on répète à l’envi que c’est le crépuscule de la presse écrite et que l’on se désole pour le tourisme, le fondateur de CPPRESSE – BENAPRESSE fait le double pari du papier et du voyage. Contrepied ou pied de nez aux oiseaux de mauvais augure ? L’entrepreneur autodidacte flaire depuis 20 ans les tendances avec succès. Nouveau venu en kiosques, son magazine Escapade entend bien réaffirmer que le voyage est loin d’être futile, mais vital.
Comment CPPRESSE – BENAPRESSE se situe dans le paysage médiatique ?
Charles Benhamou : Je pense que l’on a été et que l’on reste des précurseurs. Je le dis sans prétention, parce qu’on le doit à la force des choses ! Nous étions totalement amateurs et autodidactes à nos débuts, et ce petit noyau dur, familial, est toujours en place vingt ans après. C’est cette structure réduite qui nous a permis de traverser les crises et de nous adapter avec rapidité et flexibilité, depuis près de 20 ans maintenant. Je nous compare aux alpinistes français qui ont inventé le Style Alpin. Une école de l’ascension des sommets qui a révolutionné ce sport et qui consistait à dire : plutôt que de partir en expédition avec une armée, partons en commando. Ils s’engageaient avec le minimum de personnes – mais que des pointures – et d’équipement pour être le plus léger et le plus rapide possible afin de profiter du créneau météo favorable. Notre force aujourd’hui comme hier, c’est justement la taille de notre structure principale qui reste réduite qui nous offre une rapidité d’action impossible pour des groupes de presse tel qu’ils étaient pensés avant nos débuts dans ce métier.
Le journalisme n’a pas été épargné par les crises multiples occasionnant de nombreux licenciements, restructurations…Votre configuration vous a donc permis de rester résilient ?
C.B : Je me réjouis de n’avoir jamais été contraint de « dégraisser », au contraire, nous n’avons fait que grandir pour atteindre une vingtaine de collaborateurs, mais toujours en constituant des petites équipes de spécialistes. Nous venons, par exemple d’acquérir deux nouveaux titres, une opération qui devait se faire très rapidement et qui n’aurait certainement pas pu être réalisable par un gros groupe. Je suis entouré d’équipes extraordinaires. Chaque magazine est dirigé par un rédacteur en chef et des journalistes passionnés, impliqués et très autonomes. La force de CPPRESSE – BENAPRESSE : c’est cet esprit de famille.
Quelles sont les grandes étapes de votre parcours média ?
C.B : J’ai fait mes premières armes en tant que chef de publicité internet à l’époque de Yahoo, au tout début de l’arrivée d’internet en France. En 2003, mon père m’a demandé de venir l’aider à lancer Trial Magazine, un support dédié à une pratique moto assez confidentielle que nous pratiquions en famille avec lui et mon petit frère le week-end. Nous rêvions de médiatiser la discipline. On a lancé cette première parution en déposant des flyers sous des essuie-glaces lors d’évènements sportifs en proposant aux pratiquants de s’abonner à un support à naître…et pour lequel nous n’avions pas la moindre idée de qui allait rédiger la première ligne ! C’était du « crowdfunding » avant l’heure, et surtout un culot fou ! Cette audace, reste aujourd’hui encore notre marque de fabrique. De fait, je me suis improvisé à la fois reporter et rédacteur en chef alors que je n’avais aucune formation journalistique, photographique, ni graphique !
Deux ans après, nous déclinions ce magazine en Espagne, Angleterre et Italie. Par la suite, je me suis plus dirigé vers la fonction d’éditeur, le développement s’est fait crescendo. Nous avons lancé de nouveaux titres, mais aussi commencé à racheter des magazines afin d’explorer d’autres univers comme la décoration intérieur. Notre premier magazine en 2003 a été tiré a moins de de 10 000 exemplaires, vingt ans après notre groupe de presse publie plus d’un million d’exemplaires par an à travers nos différentes publications. Notre chiffre d’affaires atteint les 6 millions d’euros.
Vous venez encore de faire le pari du papier en sortant un nouveau magazine spécialisé sur les voyages et le lifestyle. Contre-pied ou pied de nez à la conjoncture actuelle ?
C.B : Et pourquoi pas les deux justement ?! Personnellement, je reste un lecteur de magazines papiers, et je pense ne pas être le seul. La presse papier n’est pas morte, il reste des amoureux de ce support. Regardez le retour du disque vinyle ! Certains réclament du « matériel », par nostalgie peut-être, mais pas seulement. Mais cela ne nous empêche pas de savoir nous renouveler, d’écouter et d’évoluer. Nous développons beaucoup nos supports numériques. Ces deux supports (offline & Online) étant complémentaires à nos yeux, d’ailleurs, nous pouvons même parler d’une stratégie à 360° (print + web + youtube + réseaux sociaux + Newsletter) qui nous permet de nous adapter à la communauté de lecteurs pour chaque magazine. Depuis plus de cinq ans déjà, nous avons littéralement dépassé le cadre de notre métier premier en devenant organisateur d’évènements autour de nos titres. Pour nos équipes, cela reste une stimulation incroyable qui vaut tous les séminaires d’entreprise de « team building » !
Au fil des années, mon rôle, et mon plaisir aussi, est devenu de flairer les tendances. Vous avez sûrement entendu parler du succès de la série Squid Game sur Netflix ? Et bien en 2019, nous avons lancé le premier magazine sur les séries coréennes avec K-Society. Après Netflix, c’est Disney + qui se lance dans la production de ces K-Dramas qui apportent un renouveau dans le paysage audiovisuel mondial, avec une communauté hyper active sur les réseaux que l’on appelle affectueusement les « dramavores ». Avec le pôle « Gaming » que nous développons en ce moment, nous sommes allés jusqu’à créer notre chaîne Twitch pour accompagner l’ensemble de nos magazines sur cette thématique. A chaque nouvelle ascension, nous constituons une nouvelle équipe de spécialistes qui conserve l’ADN du groupe : créer un esprit de famille. Dès la première fenêtre météo, nous sommes les premiers à nous lancer !
Quant à Escapade magazine, nous étions en pleine période de morosité ambiante suite au premier confinement. Il y avait un vrai besoin d’évasion exacerbé par l’impossibilité de voyager. Ainsi, ce trimestriel a répondu à cette demande qui existait – bien avant la pandémie – mais qui est devenue presque « vitale » au printemps 2020.
Charles Benhamou : « Notre premier magazine en 2003 a été tiré a moins de de 10 000 exemplaires, vingt ans après notre groupe de presse publie plus d’un million d’exemplaires par an à travers nos différentes publications. Notre chiffre d’affaires atteint les 6 millions d’euros. L’audace, notre esprit pionnier et l’ADN familial de notre entreprise sont la clef de ce succès. »
A l’épreuve de la pandémie mondiale, le monde du voyage fait sa révolution. Entre nouveaux paradigmes et incertitudes : comment entendez-vous positionner Escapade Magazine ?
C.B : Il s’agit d’un magazine premium qui propose aux lecteurs des escapades pour toutes les envies, tout en prenant compte le monde d’aujourd’hui et ses évolutions. La pandémie a modifié les habitudes de voyage et nous avons vu se développer des tendances nouvelles comme le staycation, soit du tourisme de proximité. Il concerne en général des citadins qui ont envie de changer d’air et vont se poser dans un hôtel agréable pour une pause dépaysante ou pour télétravailler dans un cadre agréable. Il nous est donc apparu naturel d’avoir cette rubrique dans chaque numéro. Les voyageurs ont aussi, plus que jamais soif de nature, donc on propose toujours une destination « Grands Espaces ». Dans le numéro actuellement en kiosques, nous mettons à l’honneur les Grands Parcs de l’Ouest Américain. Mais nous savons aussi que la pandémie a aussi fait prendre conscience à beaucoup d’entre nous qu’il fallait plus que jamais préserver l’environnement, nous tenions donc à traiter le tourisme durable.
En outre, notre approche est aussi servicielle puisque nous prenons le soin de donner toutes les conditions d’accès au pays (restrictions sanitaires en vigueur…) et nous privilégions bien entendu les destinations relativement sûres. Enfin, nous assistons depuis la pandémie, à un vrai boum des retraites healthy en France et dans le monde. C’est certainement dû à un phénomène double : le besoin d’être en bonne santé et celui de déstresser alors que la Covid est omniprésente dans nos sociétés.
Vous avez confié la rédaction en chef à la journaliste Saliha Hadj-Djilani, auteure de nombreux guides de voyages, chroniqueuse chez RMC et podcasteuse notoire. Quelle est sa feuille de route ?
C.B : Je connais Saliha depuis longtemps car nous avons travaillé ensemble sur un magazine consacré aux animaux en 2010. J’adore son professionnalisme, sa rigueur et sa joie de vivre. Elle s’est ensuite spécialisée dans le tourisme et les voyages en devenant auteure de guides pour Le Petit Futé dans le monde entier, elle a lancé ses propres podcasts de voyage et tous les étés, elle embarque les auditeurs de RMC à travers sa chronique … Donc quand j’ai eu l’idée de lancer un magazine de voyage, il m’est apparu logique de la contacter pour lui proposer le poste. Elle connaît le monde du voyage mieux que personne car elle n’a jamais arrêté de voyager même au plus fort de la pandémie ! Sa feuille de route, c’est de parvenir à installer durablement Escapade dans la presse voyage malgré cette période tourmentée.
Comment a été reçu ce numéro en kiosques depuis sa sortie en décembre ?
C.B : Très bien, les ventes sont vraiment encourageantes, et nous avons reçu de nombreuses félicitations des professionnels du voyages (Office de tourisme, hôteliers, etc…). Il y a également eu un intérêt de la presse généraliste (TV, radio, quotidien…), ce qui est un bon signal.
Un mot sur les destinations qui vous passionnent
C.B : Personnellement, j’adore la montagne pour les activités sportives, mais ma passion c’est les road-trip à moto. Actuellement, je rêve d’un road-trip familial en camping-car, pourquoi pas découvrir l’Europe du Nord ?
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