Il n’y en a pas deux comme lui dans le monde de l’hôtellerie de luxe ! A l’image de ses compositions florales spectaculaires au sein du palace Four Seasons George V, Jeff Leatham fait souffler un vent d’audace et de glamour. Sous sa direction artistique, l’Américain poétise les fleurs qu’il a érigées sur un piédestal jusqu’à créer un métier et, accessoirement, un empire. Portrait.
A sa manière, il participe lui aussi à la féérie de Paris, quand la Ville Lumière se pare de ses plus beaux habits de fête à l’approche de Noël. Petits et grands, Parisiens et touristes aiment flâner devant les vitrines des Grands Magasins pour réenchanter leur quotidien. C’est un marronnier qui se poursuit souvent jusqu’au George V. Le palace des palaces a su créer un « rendez-vous » lequel, lui aussi, est attendu à cette saison. L’Américain Jeff Leatham, artiste fleuriste en chef, nous en met plein la vue depuis vingt-cinq ans. Son credo ? Un budget démesuré et une inventivité illimitée. Ce qui se traduit par des compositions florales éblouissantes mettant en scène un tableau contemplatif où s’entrelacent hortensias, orchidées et fougères. Les variétés de fleurs l’ayant inspiré cette année.
Sa signature tient dans la disposition : les fleurs sont liées ensemble pour décupler l’effet de masse, et inclinées jusqu’à presque toucher le sol dans leurs vases grandioses. Facile ? Non, certains ont essayé de faire du « Jeff Leatham » pensant que c’était un jeu d’enfant… En vain. Parmi eux, ses propres collaborateurs l’ayant appris à leurs dépens. « C’est un exercice qu’il faut maîtriser au millimètre près, il vous faut également le regard précis d’un designer conscient des espaces, des perspectives. J’ai ce sens du design. En fait, c’est un mix de plusieurs choses : j’aime les fleurs, j’aime la beauté et je veux rendre les gens heureux ! Après, place à l’inspiration. », partage cet esthète.
Une affaire florissante
Ses clients disent qu’il donne un supplément d’âme pour lequel ils sont prêts à débourser des fortunes. La veille de sa venue à Paris, il mettait son art au service d’une certaine Tina Turner. La diva lui a confié la direction artistique florale de sa fête d’anniversaire à Zurich. Montant de la prestation… de l’ordre de six chiffres. La presse se passionne pour cet ancien mormon né dans l’Etat conservateur de l’Utah, qui est à l’origine de la création de ce métier. Quand il n’était pas visibilisé, il n’existait tout simplement pas. A l’orée des années 2000, les belles adresses ne concevaient pas encore les fleurs comme une attraction à part entière, partie prenante de l’expérience cinq étoiles.
En rejoignant le groupe hôtelier Four Seasons dans son plus bel écrin, l’établissement parisien du George V, le jeune Américain a obtenu « carte blanche » pour faire ce qu’il savait faire de manière innée : composer des bouquets pas ennuyeux. Quand il demande un budget de 1,3 millions, son Altesse royale, le prince saoudien Al-Walid, propriétaire des lieux, le lui accorde sans rechigner. « On m’a donné la liberté de créer, d’innover. Quel luxe ! J’en suis tous les jours conscient et reconnaissant. », confie le fleuriste millionnaire. « Savoir dire merci, rester humble et toujours enthousiaste pour son travail », tels sont les secrets de sa longévité et de son empire.
C’est à ce moment d’ailleurs qu’il coupe cinq minutes l’interview pour aller saluer un visage familier de l’hôtel, l’une des femmes de ménage. Jeff Leatham prend de ses nouvelles, celles de ses enfants, il la remercie chaleureusement d’être là pour prendre soin de son « George V ».
Rien de too much chez ce personnage, il est comme ça Jeff Leatham. Généreux, spontané, protecteur, sympathique, attachant. Des traits de caractère qui ont failli être exploités contre lui. L’homme a été trahi par trois collaborateurs de la première heure à qui il avait tout appris du métier. Dans son dos, son assistante a récupéré tous ses contacts, ses contrats confidentiels et ses esquisses afin de recréer la même affaire à moindre coût. Alerté par le tout-Hollywood, que l’assistante et ses acolytes avaient démarché, le jeune entrepreneur a découvert le pot aux roses. Ces novices avaient oublié que le gratin ne regardait jamais à la dépense, mais qu’ils achetaient un nom, une signature à leur (dé)mesure.
« J’ai été blessé. J’ai découvert que les pires instincts pouvaient être le moteur de certaines personnes. Mais, j’en ai tiré des enseignements car depuis je fais signer un contrat juridique ! Ils n’ont pas pu me nuire car j’avais une réputation, une expérience. C’est la dernière chose que j’ai dite à ma secrétaire alors qu’elle partait avec son ordinateur dernier cri dans sa sacoche Louis Vuitton, les deux derniers gadgets que je lui avais offerts ! », ponctue-t-il avec une pointe de drama toute californienne.
But the show must go on. L’incident l’a certes marqué, mais surtout conforté dans ses convictions : pour lui, le business se fera toujours à la loyale. Combien de fois a-t-on essayé de le débaucher du Four Seasons à coup de millions ? Jamais il ne quittera sa maison de cœur qui lui a donné sa chance. Fin 90, son activité principale était le mannequinat, le beau gosse au teint halé et au regard à la Paul Newman posait pour des campagnes Fendi, apparaissait sur Vogue… Il vivait l’american dream. Derrière ce glamour éphémère, il est dévoré par l’envie de conquérir le monde autrement. Il sait juste qu’il y aura des fleurs dans le casting.
A tout juste 25 ans, le groupe hôtelier lui offre un contrat, percevant en lui du potentiel. Le vingtenaire s’approprie le rôle à la perfection, mieux, il transcende les frontières, les univers.
Une créativité inépuisable
Fleurir un hôtel s’apparentera – saison après saison – à une installation d’art contemporain qui fera courir le tout-Paris, puis les esthètes de tous pays. Tel un artiste ayant besoin de nourrir son inspiration par des voyages, des rencontres, des émotions, il est encouragé par son employeur sur cette voie. Pourvu qu’il revienne toujours plus créatif. Se sentant pousser des ailes, le « garçon des fleurs » – tel qu’il se qualifie – voit grand. Il créé trois bureaux, l’un à Paris, l’autre à Philadelphie et, bien-sûr, à Beverly Hills, pour répondre à toutes les sollicitations qui lui parviennent. Les stars fréquentant le palace parisien le bookent pour toutes leurs scénographies florales : mariages, anniversaires, divorces parties, soirées de lancements… Au fil du temps et de ses créations hors normes, il devient l’intime des Beautiful People.
On lui réclame toujours plus de produits estampillés Jeff Leatham, il lance donc sa marque de décoration intérieure, sa vaisselle, ses parfums, ses cours en ligne pour maîtriser le b.a.-ba, son site de livraison Bloom Bundle… Il collabore même avec l’incontournable Kim Kardashian sur un parfum baptisé « Voodoo Rose Fragrance ». Un best-seller. Tout en décontraction, l’Américain est aussi à l’aise pour parler business que peine de cœur. Ses histoires d’amour se sont souvent terminées à cause d’une histoire de… grasse matinée ! « Je bosse sur tous les fuseaux horaires, alors mon luxe à moi est de pouvoir dormir quand je suis en vacances. Entre un petit copain et un dodo bien mérité, j’ai vite tranché ! », glisse-t-il entre deux éclats de rire.
« Et puis, croyez-le ou non, j’ai beau être gay mais j’adore tellement plus les femmes. ». Sacré personnage que Jeff Leatham ! Alors que l’interview prend un virage tout à fait inattendu, nous sommes interrompus par l’arrivée d’une équipe de tournage de M6. Le magicien du George V promet un Noël toujours plus époustouflant à la caméra qui s’enclenche !
Pour aller plus loin :
1971 : Naissance à Ogden aux Etats-Unis
1997 : Début aux Four Seasons New York et Four Seasons George V Paris
2014 : Récipiendaire de la Légion d’honneur
Ses clients notoires : Hillary Clinton, Oprah Winfrey, le Dalaï Lama…
En Hollande, une fleur a été baptisée en son honneur, elle s’appelle Jeff Leatham Vanda. Elle appartient à la variété de Violettes.
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