C’est un nom qu’on voit dans les films : la Gold Room. Nous sommes à Cayenne, chef-lieu et capitale officieuse de la Guyane. C’est ici, le 15 mars 2015, que la direction de l’entreprise et les autorités de l’Etat ont inauguré l’usine de cyanuration qui modifie totalement le potentiel de l’entreprise. Avant, avec la technique de la gravimétrie, Auplata ne récupérait que 35% de l’or contenu dans le minerai prélevé sur le terrain. Ce taux bondit à 92,5% grâce au procédé de la cyanuration. Utilisé par les plus grands groupes mondiaux, du Canada, aux Etats-Unis, en passant par la Suède et l’Afrique du Sud, personne n’avait encore affiché sa maîtrise en Guyane. Auplata a franchi cette étape. Elle entend désormais le généraliser.
Avec la Gold Room, Auplata passe de l’artisanat traditionnel à l’industrie du futur. « Nous avons hérité de façons de faire un peu archaïques, reconnaît Jean-François Fourt. Ce premier site de production nous a permis de démontrer notre maîtrise du processus et de dimensionner des usines de taille industrielle dans nos zones de production hors forêt. Nous sommes les seuls capables d’exploiter de l’or de façon industrielle en Guyane avec de très hauts rendements.» Il a fallu investir 2 millions d’euros dans cette unité de production. Les perspectives qu’il dessine sont au coeur des mutations d’Auplata.
Après Cayenne, les sites de Dieu Merci et Yaou, situés plus à l’intérieur des terres, seront exploités selon ce procédé. Les rendements de la cyanuration ne relèvent pas du miracle mais de la haute technologie. « Le cyanure est une molécule capable d’attirer l’or et de le détacher de ses structures minérales, notamment le quartz, éclaire Jean-François Fourt. Son efficacité est supérieure au mercure, matériau lourd et polluant utilisé illégalement par quelques opérateurs clandestins. » Un accord entre Auplata et la gendarmerie nationale en 2012 a permis d’éloigner ces illégaux en Guyane.
Pour exploiter ce potentiel, Auplata sait s’entourer. Sa stratégie ne pouvait fonctionner qu’avec l’appui des grandes marques du secteur, seules capables de l’accompagner dans les dépenses à engager pour prospecter sur les sols à haut potentiel de la Guyane. En 2014, l’entreprise a signé avec le numéro deux mondial, Newmont, un accord pour co-exploiter ses minerais sur les sites Iracoubo Sud et Bon Espoir. Armina, filiale d’Auplata, explore le potentiel de ces deux permis grâce à un investissement de 3 millions d’euros. Le résultat de ces recherches permettra de dessiner un modèle économique pour ces gisements en 2017.
En 2012, Nordgold, septième producteur mondial, avait inauguré cette stratégie d’accélération par l’alliance avec des poids lourds. Columbus Gold, cotée à Toronto, est née de ce rapprochement. Columbus, dont Auplata est actionnaire à 15%, va notamment pouvoir exploiter une mine de taille industrielle dans la zone de la Montagne d’Or. Grâce à ces accords, la production d’Auplata passera à plus d’une tonne fin 2016, puis pourra s’élever à 15 tonnes au cours des années 2020. Le potentiel annuel à terme, selon les estimations de la société, dépasse les 20 tonnes d’or par an. Ce niveau de production est la règle depuis des décennies dans le Surinam voisin.
Si l’Etat accompagne Auplata dans son cheminement, c’est que le développement économique et social de la Guyane est un enjeu direct du projet. Jean-François Fourt assume : “La Guyane compte 200 000 habitants. En 2030, elle en aura 400 000, sans compter l’immigration potentielle. Seule l’industrie peut employer les dizaines de milliers de personnes qui vont arriver sur le marché. En développant la mine industrielle et responsable, on va pourvoir beaucoup de monde.”
Notre projet est de devenir un producteur d’or profitable à grande échelle, développe Jean-François Fourt. Ce n’est que le début. Nous produisions 500 kilos par an avec des méthodes non rentables. Trois ans auront été nécessaires pour faire basculer l’entreprise vers un nouveau business model, produire plusieurs tonnes par an et attirer les meilleurs talents en géologie. Nous sommes passés d’un business de junior à un business de moyen major.” Auplata se dit désormais opérationnel pour “valoriser (ses) actifs” sans rien abandonner en route. En clair, cela signifie exploiter les sites déjà repérés et lancer de nouvelles prospections. « Auplata est devenu un partenaire de choix pour les acteurs du secteur. On veut continuer à attirer des multinationales et d’autres co-investisseurs. Nous ne serons jamais capables de valoriser les actifs seuls.» La valorisation des actifs et le développement de la mine industrielle restent strictement encadrés. Toute l’activité est menée « de manière responsable ».
Auplata accompagne un marché mondial de l’or tiré par une population de 7 milliards de personnes « où tout le monde a un peu d’or sur soi », sourit Jean-François Fourt. La demande vient à la fois des personnes privées, du secteur financier et des Etats. Le marché de la bijouterie soutient la demande, notamment en Inde. Les investisseurs privés ont conservé leur habitude de diversification avec des acquisitions de lingots. Les banques maintiennent leur stock de 3% de leur fortune en or. Même les Etats continuent de conserver de l’or dans leurs coffres.
Auplata mène d’autres activités en dehors de Guyane, sous forme de prise de participations. « Auplata est actionnaire à hauteur de 50% de la société OMCI qui possède 800 km2 de permis en Côte d’Ivoire et 400km2 de permis recherche et d’exploitation au Cameroun, indique Jean-François Fourt. Les autres 50 % du capital d’OMCI sont détenus par un partenaire important : le groupe Atlantique. Le but est de d’introduire cette filiale en bourse en 2016. » La capitalisation boursière d’Auplata s’élève à 49,1 millions d’euros pour un chiffre d’affaires annuel de 12,1 millions. Mais ces références vont très vite évoluer. Jean-François Fourt résume, avec une formule, l’équation qu’il est en train de résoudre en Guyane : « Multiplier les capacités de productions par trois et diviser d’autant les coûts de production. »
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