Véritable autodidacte de la finance, Alice Lhabouz a investi dans une myriade d’entreprises cotées en bourse à travers le monde. La fondatrice de la société de gestion Trecento Asset Management souhaite mettre son expertise au service des entrepreneurs de l’émission « Qui veut être mon associé ? » sur M6 mais aussi investir dans des entreprises innovantes ancrées dans l’économie réelle.
Forbes France : Pourquoi avez-vous accepté de participer à cette nouvelle saison de QVEMA ?
Alice Lhabouz : J’ai passé ma vie à investir dans des centaines d’entreprises cotées en bourse à travers le monde – plus particulièrement en Asie, aux États-Unis et en Europe. J’ai vu cette proposition comme une opportunité d’investir dans des entreprises de taille plus modeste, plus proches de l’économie réelle. C’est aussi l’opportunité de montrer à de plus petites entreprises ce qui a fonctionné pour des plus grosses. J’ai moi-même levé des fonds auprès de business angels pour lancer mon entreprise, et j’aime l’idée de partager mon expérience en la matière.
Quelles sont vos motivations et vos attentes ?
A. L. : Elles sont doubles : d’une part, accompagner des entrepreneurs talentueux dans leur stratégie vers le succès et, d’autre part, réaliser des performances financières à leurs côtés. Mon objectif est d’apporter non seulement des fonds mais aussi des conseils stratégiques et un réseau solide aux entreprises dans lesquelles j’investis.
Quels sont vos principaux atouts pour convaincre les entrepreneurs de vous choisir ?
A. L. : J’ai fait une prépa HEC et une école de commerce où j’ai par exemple créé un club d’investissement. J’ai ensuite forgé une expérience professionnelle dans plusieurs sociétés de gestion avant de démissionner pour créer ma propre structure.
J’ai réussi dans un domaine extrêmement complexe et réglementé. Aucune femme, encore moins de mon âge, n’avait fait cela avant en France. J’ai fondé Trecento Asset Management en 2011, avec une expertise dans la gestion de fonds dédiés à la santé et à l’intelligence artificielle. J’ai aussi lancé Akilla pour m’engager à partager avec les épargnants mon savoir-faire en matière de gestion de leurs placements (assurance vie, plan d’épargne retraite etc).
J’ai su créer un réseau puissant que je peux activer pour soutenir les projets que je choisis d’accompagner. Mon expérience en gestion de fonds me permet également d’apporter une vision macroéconomique et des stratégies éprouvées par de grandes entreprises aux petites structures qui en ont besoin.
Cette gestion d’épargne est d’autant plus importante en contexte d’incertitude, non ?
A. L. : Oui, c’est crucial et il y a un manque profond d’éducation financière en matière d’assurance-vie ou bien de plans d’épargne retraite. Quand un enfant naît aux États-Unis par exemple, les parents ouvrent systématiquement un compte titres pour acheter des actions notamment dans la tech. En France, on se contente d’ouvrir un livret A avec des rendements bien moins intéressants. Il faudrait pouvoir davantage mobiliser nos épargnants pour relancer l’économie.
Lors de l’émission QVEMA, vous avez investi dans plusieurs start-up… Laquelle a particulièrement retenu votre attention ?
A. L. : J’ai beaucoup aimé cette expérience. L’accueil des autres membres du jury a été formidable, et cela m’a permis de rencontrer des entrepreneurs de talent. Certains ont un potentiel exceptionnel et pourraient devenir de futures licornes, pas nécessairement dans la tech, mais dans des secteurs comme le B2C ou les services aux PME.
J’ai par exemple pris une participation dans Block’Fire, une entreprise qui a conçu une boule extinctrice de feu qui permet de réinventer la sécurité et la protection incendie. Ce type d’investissement montre aussi qu’il suffit parfois d’identifier un besoin qui n’est pas satisfait pour entreprendre. Et il est possible de réussir juste avec de la détermination, de la confiance en soi en sans forcément être diplômé d’une école de commerce prestigieuse.
On observe une baisse significative des levées de fonds depuis deux ans, avec une diminution d’un tiers entre 2022 et 2023, puis encore 17 % l’année suivante… Quels conseils donner aux entrepreneurs dans ce contexte ?
A. L. : Cette tendance à la baisse est inversement proportionnelle aux taux d’intérêt : moins de cash disponible entraîne des levées plus difficiles. Cependant, nous entrons dans une période où les taux devraient baisser, ce qui pourrait relancer les investissements.
Quoi qu’il en soit, lever des fonds reste plus compliqué. Un business plan solide avec une rentabilité démontrée est essentiel pour convaincre les investisseurs. Les fonds privilégient désormais les projets capables d’être rentables à moyen terme. En France, nous manquons encore d’investisseurs de long terme prêts à soutenir des startups qui ne seront pas immédiatement rentables. Il est crucial d’avoir un mix entre des investisseurs court terme, qui recherchent une rentabilité rapide, et des investisseurs plus patients.
Quels sont les secteurs porteurs selon vous en 2025 ?
A. L. : La santé, l’intelligence artificielle et la robotisation restent des secteurs majeurs. On voit également une montée en puissance des smart factories combinant big data et IA. Dans la santé, par exemple, la fabrication de prothèses miniaturisées, l’imagerie médicale assistée par IA pour la médecine prédictive ou encore le séquençage du génome humain sont des domaines d’avenir. La technologie a un impact bien au-delà de ce que l’on imagine sur l’ensemble de l’économie.
En 2022, seulement 2 % du financement mondial en capital-risque ont été obtenus par des équipes entièrement féminines, contre 15 % pour les équipes mixtes. Pourquoi les femmes restent sous-représentées dans le capital-risque ?
A. L. : Il existe encore un manque de crédibilité accordé aux femmes en matière de gestion d’entreprise et d’investissement. L’accès aux réseaux d’affaires historiques, souvent masculins, reste un défi. C’est pourquoi je crois profondément à l’importance des role models. Voir des femmes réussir dans des domaines historiquement dominés par les hommes permet de briser le plafond de verre. Il faut montrer aux jeunes filles en école d’ingénieur ou de commerce que c’est possible et les encourager à suivre cette voie.
Un dernier mot ?
A. L. : Oui, l’entrepreneuriat est une alternative au salariat, et il est essentiel de donner des exemples concrets de personnes qui prennent leur destin en main. Je veux inspirer et montrer qu’il n’y a pas besoin de diplômes prestigieux pour réussir : il suffit d’identifier un besoin, d’avoir de la détermination et de croire en soi. Les PME sont le poumon de la nation, et il est crucial de soutenir ces entrepreneurs qui font vivre notre économie.
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