Interview de Alexandre Malsch, fondateur de Melty, qui a quitté le mois dernier la présidence du groupe d’infotainement aux 27 millions de visiteurs/mois, leader chez les 18-30 ans (dont il reste senior advisor et actionnaire significatif) , pour se lancer dans une nouvelle aventure…. et s’octroyer trois semaines de vacances sans être connecté (ou presque pas). Discret et réservé, il s’est confié en exclusivité à Forbes France juste avant de partir à Bali.
Vous avez créé Melty quand vous aviez 15 ans. Pourquoi abandonner votre entreprise maintenant ?
Je ne l’abandonne pas : je reste senior advisor ! Mais je prends un peu de recul. En tant que président, certaines tâches me pesaient : en particulier la représentation et les relations avec l’extérieur, avec les actionnaires, avec les banques. Moi, depuis toujours, ce qui m’intéresse, c’est le produit, le projet, le travail avec les équipes, la stratégie. Or, je ne pouvais plus m’y consacrer autant que je le voulais… Et puis j’ai 30 ans et j’arrive à un tournant de ma vie. C’est le moment où je peux encore être considéré comme assez jeune pour pouvoir me lancer dans autre chose, une autre aventure, dans un milieu nouveau, un autre écosystème.
Où aimerais-tu travailler désormais?
J’ai des atouts évidents : je suis entrepreneur, j’ai une expertise reconnue des « millenials » (la « génération Y », née entre 1980 et 1999, ndlr), une expérience des médias en ligne, une grande compétence dans l’analyse des datas… Je pourrais travailler pour des médias traditionnels. Ils pourraient être spécifiquement destinés aux jeunes, mais j’aimerais bien aller vers des médias classiques. Je pourrais leur apporter beaucoup de choses, notamment en termes de diffusion des contenus, d’ergonomie, de formats, de nouveaux supports… Cela leur permettrait d’être plus lus, plus fonctionnels, plus rentables. Et puis j’aimerais me confronter à des sujets sérieux. A Melty, nous faisons de l’infotainement, du futile, ça me ferait plaisir de mettre mes compétences au service de sujets bien plus graves, avec des journalistes qui défendent vraiment la démocratie. Mais je pourrais aussi aller vers les multinationales.
Toi, le start-upper, tu aimerais rejoindre une multinationale ? Laquelle ?
Je connais bien les multinationales ! Chez Melty, on travaille énormément avec des grands groupes. Par exemple, cela fait 4 ans qu’avec Coca-Cola, nous avons créé une énorme plateforme, Coca Gaming Stories, qui diffuse de l’actu sur les jeux vidéos à des millions de jeunes. Entre nous, ça fonctionne bien. Nous leur avons insufflé notre énergie et notre agilité, tout en respectant leurs process et en faisant du reporting comme ils le voulaient. Même chose avec McDo, ou Sephora… Ce que j’ai fait avec eux à la tête de ma start-up, je peux le faire de façon encore plus efficace à la tête d’une filiale, d’un produit, d’une marque. Je peux aussi rejoindre la grande distribution, la restauration, l’hôtellerie, tous ces groupes créés par des générations qui ne comprennent pas les millenials et ont besoin d’adapter leurs produits et leur communication, voire même leur mode de fonctionnement, à cette génération.
Il est vrai que tu as réussi, à la tête de Melty, à coller de près aux attentes du public des 18-30 ans. Comment y es-tu parvenu ?
Grâce à la data ! A 15 ans, j’avais envie d’un média qui parle aux jeunes des sujets qui les intéressaient. Mais je ne voulais pas juste d’un média pour moi tout seul, qui n’aborde que les sujets que j’avais, moi, envie de lire : je voulais m’adresser à toute ma génération. Dès 2008, j’ai travaillé sur la façon de collecter et d’analyser de la data pour orienter le contenu vers les attentes d’un public bien précis. Pour être plus clair, il faut bien voir Internet comme une toile d’araignée où tous les sujets sont liés entre eux. Donc à chaque fois qu’on crée du contenu et qu’on le diffuse, on peut aussi savoir ce qui s’est passé autour. On peut savoir quel type de lecteur s’est intéressé au sujet, comment il est arrivé à lire ce contenu, où il est allé après, comment il est passé de telle série à telle série, de tel acteur à tel acteur. C’est un peu comme si on posait des balises sur un lac…
Et c’est ainsi que vous êtes devenus incontournables chez les jeunes ?
Oui. Il est difficile de s’adresser aux jeunes, désormais, sans passer par nous d’une façon ou d’une autre. En février 2017, nous avions réalisé une croissance de 50% de notre audience par rapport à l’année précédente ! C’est rare, dans la presse ! Mais nous avons une très bonne ligne éditoriale, soutenue par une excellente utilisation des technologies.
Vous avez développé vos propres outils ?
Nous avons des algorithmes à nous pour analyser la data, oui. Ils sont développés et maintenus par une dizaine de personnes, au sein d’une entité particulière de meltyGroup.
Combien êtes-vous désormais ?
Une centaine de personnes. C’est tout ce que je donnerai comme chiffres, je ne communique pas, en particulier, sur le chiffre d’affaires.
Et votre actionnariat ?
Nous sommes indépendants, j’ai gardé une part significative du capital. Accor Hôtel et Bouygues (la holding) sont également présents, ainsi que Serena Capital et Jaïna Capital (le fonds d’investissement de Marc Simoncini, ndlr). Nous avons levé environ 15 millions d’euros en tout.
Comment va Melty, désormais ?
Après de gros investissements (nous avons lancé Facebook et Snapchat l’an dernier), nous devrions revenir à l’équilibre cette année. Nous restons le grand média pour les jeunes, capable de créer tout un univers où l’on déniche des talents, où l’on parle de superstars, où l’on trouve des séries originales et où l’on peut vivre des événements dingues. Nous avons lancé des artistes qui font leur chemin, par exemple Ilyes Djadel, un humoriste qui a fait la première partie des melty Future Awards 2017 et a lancé son show au Point Virgule.
Et dans 5 ans, où vois-tu l’entreprise ?
On pourrait penser à l’internationalisation, mais on va voir le résultat des élections présidentielle et législative et après on verra. Si on élit quelqu’un qui veut sortir de l’Europe, ça aura un impact économique. A ce sujet, on est un peu sortis de notre rôle de divertissement en lançant la campagne « Oui je vote »… Ce n’est pas notre mission, mais on essaie d’aider.
Et la sortie du capital de Melty, tu la vois comment ?
Je ne sais pas. Soit nous pouvons être rachetés par un grand groupe de médias qui veut instantanément être leader chez les 18-30 ans, soit nous resterons autonomes… Nous verrons bien, tout est ouvert.
En attendant, tu pars faire du surf ?
Voilà, je pars trois semaines à Bali pour faire du surf le matin, manger du poisson à midi, refaire du surf l’après-midi, avec un seul téléphone – et pas deux, comme je le faisais d’habitude – et pas d’ordinateur. Sans mail, sans Facebook, sans Twitter, sans WhatsApp, sans Skype, sans Melty : je fais un sevrage numérique… que je compte raconter sur Instagram ! Je pense que ça va me permettre de remettre les compteurs à zéro, de penser à autre chose. Avant, je pensais que le luxe, c’était d’être toujours plus connecté. On va voir si c’est vrai.
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