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Alain Griset, un taxi pour la République !

Alain Griset

Le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises nommé entre les deux confinements aborde la crise sanitaire sans état d’âme, mais aussi sans renoncer aux propositions qu’il compte soumettre à l’exécutif pour soutenir les PME et TPE. Itinéraire d’un chauffeur pressé.

Ce 5 juillet 2020, Alain Griset ne l’oubliera jamais. Il passe un dimanche tranquille, chez lui, dans le Nord, quand il reçoit un coup de fil qui trouble la langueur de cette après-midi ensoleillée. « C’est Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée. Voulez-vous entrer au gouvernement ? » Surpris mais pas désarçonné, l’ancien chauffeur de taxi qui a fait du chemin au sein des organisations patronales qu’il a présidées prend à peine dix secondes de réflexion pour répondre. Tout simplement « oui ». Il deviendra donc le premier ministre en charge des PME-TPE d’Emmanuel Macron. Pourquoi aussi vite ? Une évidence ? « D’abord, j’ai pris cette proposition comme un honneur, dit-il. Pour quelqu’un qui a mon parcours… Ensuite, j’estime que quand on a l’occasion de servir son pays, il ne faut pas la rater. Je suis comme ça, j’aime m’occuper des autres. »

 

Alain Griset : « Je n’ai jamais fait de politique active et à cette époque, je n’imagine pas une seconde arriver à ce poste »

C’est vrai que depuis ses 22 ans, âge auquel il s’est mis à son compte, il a consacré beaucoup de temps à différentes associations professionnelles. C’est d’ailleurs dans le cadre de ces fonctions de représentation qu’il avait rencontré Emmanuel Macron, ministre des Finances, puis président de la République. Pas de coup de foudre politique lors de ces conversations mais l’incontestable impression que l’homme connait ses dossiers et sait convaincre ses interlocuteurs. Le courant passe mais Alain Griset ne se rapproche pas de La République en marche ou de ses amis pour autant. « Je n’ai jamais fait de politique active et à cette époque, je n’imagine pas une seconde arriver à ce poste », martèle-t-il.

Et maintenant ? Comment vit-il un tel switch, passer de représentant d’un secteur auprès des pouvoirs publics à représentant des pouvoirs publics confronté aux responsables dudit secteur ? Pas de schizophrénie chez cet homme qui semble droit dans ses bottes. Sa formule préférée pour répondre à ces questions : « J’assume. » Il détaille : « Dans le passé, j’ai d’abord été représentant d’une organisation de taxis. Par la suite, j’ai élargi mon périmètre, j’ai été président des chambres des métiers de France puis président de l’U2P où je représentais l’artisanat mais également les professions libérales. J’ai toujours défendu l’ensemble des entreprises que je représentais. »

Un homme de dossiers : La simplification administrative, la baisse des charges, l’allègement juridique, le statut des conjoints, …

Son historique lui apporte une parfaite connaissance des dossiers et de la plupart de ses interlocuteurs qui le savent à l’écoute et travailleur. Les demandes des petites et moyennes entreprises, il les connait par cœur. La simplification administrative, la baisse des charges, l’allègement juridique, le statut des conjoints, autant de revendications devenues dans sa bouche des propositions qu’il compte défendre devant le Président et le Premier ministre dès que le Covid leur laissera un peu de temps de cerveau disponible. Ses services préparent les textes, il n’attend plus que le feu vert élyséen pour passer la deuxième. « En résumé, explique-t-il, je veux, d’une part, que dans notre pays on arrête de considérer que ce qui est bon pour une grande entreprise est valable pour une TPE. Et, d’autre part, que les patrons de ces PME-TPE ne se réveillent plus en se demandant ce que la justice leur réserve. Quand une entreprise traverse une période difficile, peu importe sa taille, le rôle de l’État ne doit plus être contrôle/sanction mais écoute/accompagnement. »

Selon Alain Griset, « il n’y a pas de frictions entre le pôle économique et le pôle sanitaire du gouvernement ».

En réalité, c’est une révolution culturelle qu’entend conduire sans le dire Alain Griset, qui entretient – est-ce utile de le préciser ? – d’excellentes relations avec les organisations patronales. Même s’il est conscient que celles-ci auraient encore de nouvelles demandes à faire valoir alors même qu’il en aurait mis 90 % en application… Peu lui importe, « je suis du même avis que le chef de l’État sur cette question, le pays ne peut pas avancer sans les corps intermédiaires ».

La France restera en ligue 1

En attendant d’enclencher la surmultipliée sur tous ces sujets de fond pour lesquels il s’est engagé, il fait face, comme la plupart de ses collègues, à la crise sanitaire qui a engendré une terrible crise économique. Selon lui, il n’existe pas au sein du gouvernement de tensions entre le pôle Santé et le pôle Économie, tout le monde défend le credo présidentiel : éviter la tragédie sanitaire tout en évitant la catastrophe économique. Et, selon Alain Griset, la France y parvient plutôt bien. « Regardez ce qui se passe aux États-Unis ou chez la plupart de nos voisins européens, la situation est beaucoup plus tendue, observe-t-il. Au sortir de cette crise du Covid, il y aura ceux qui resteront en première division et ceux qui descendront en ligue 2, voire en nationale. La France restera en ligue 1. » D’où un dispositif d’aides quasiment sans équivalent dans le monde mis en place pour empêcher la cascade de faillites annoncée. Pour l’instant, ça tient.

Avec Alain Griset, l’échange est facile, les réponses fusent… sauf quand on l’invite à se projeter au-delà de Bercy. A-t-il envie de devenir un homme politique à part entière ? D’être candidat aux prochaines élections législatives par exemple ? « Ça n’est pas d’actualité » rétorque-t-il. Il fera cependant le maximum pour qu’Emmanuel Macron puisse à nouveau tenter sa chance « s’il en a envie », précise-t-il, ce qui ne lui parait pas évident au regard de la tâche et des responsabilités qui sont les siennes dans cette période exceptionnelle. Alain Griset, 67 ans, qui ne cache pas avoir besoin de sommeil pour être opérationnel mais ne dort plus que 5 heures par jour depuis qu’il est ministre, est admiratif devant ce jeune président hyperactif. « Je ne sais pas qui serait capable de faire tout ce qu’il fait dans le contexte actuel », s’exclame-t-il.

S’il est honoré d’avoir été nommé ministre, Alain Griset ne se considère pas comme un homme politique.

Par conséquent, on imagine qu’il se montre plus circonspect pour les États-Unis qui viennent d’élire un président de78 ans. Pas du tout ! Sa fille, qui vit à New York où elle occupe un poste important au sein du groupe de luxe Richemont, lui a décrit la joie des New-Yorkais, le vent d’espoir qui souffle sur le continent, en tout cas la partie qui a voté pour Joe Biden. Et pour nous ? Espère-t-il un impact positif sur les taxes dites « Trump » sur certains produits français comme les vins et spiritueux ? « C’est trop tôt pour l’affirmer, pondère Alain Griset. Le dialogue sera à l’évidence plus amical et serein avec Biden qu’avec Trump mais, quoi qu’il en soit, l’Amérique reste en compétition économique avec la Chine et l’Europe. C’est une donnée intangible. » Dans ses premières interventions de président élu, Joe Biden (qui pourrait passer pour le grand frère d’Alain Griset vu de loin) ne renie pas le fameux « Make America Great Again » trumpiste, mais n’appréhende pas ce fameux slogan comme un cri de guerre. Et ça change tout.

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