Fer de lance de la mouvance « AgTech » hexagonale, la start-up Agricool pose, depuis maintenant plus de deux ans, les jalons du « retour au bon » en proposant des fraises sans pesticides ni OGM, cultivées dans des containers, reproduisant en leur sein un véritable écosystème. Avec un certain succès : les premières barquettes ont été vendues ce lundi et la liste d’attente est d’environ… 10 000 personnes !
Retrouver le chemin de l’excellence et de l’exigence gustative. Tel est le postulat louable de la jeune pousse AgriCool qui s’évertue depuis le mois de mai 2015 à paver le chemin du « retour au bon », en proposant des fraises particulièrement savoureuses, aux antipodes des produits proposés en grande surface, et à des tarifs également bien plus accessibles que ceux en vigueur dans les magasins bio. Des fruits cultivés dans des containers d’une quarantaine de mètres carrés, disséminés de-ci de-là dans la capitale et aux alentours. Comme dans chaque coup de maître, les fondations ont émergé d’une expérience personnelle, comme le narre Guillaume Fourdinier, maître d’œuvre d’Agricool. « Je suis, au même titre que Gonzague (ndlr Gonzague Gru, cofondateur) fils d’agriculteurs du nord de la France. Nous avons grandi avec des produits frais dans nos assiettes et en venant travailler, par la suite, à Paris nous avons constaté une différence de qualité par rapport aux fruits et légumes de notre enfance. Ce qui nous était difficilement supportable ». C’est à ce moment-là que germe dans l’esprit des deux amis d’enfance, la volonté de recréer, en pleine ville, les conditions idoines de la culture de fraises, en s’interrogeant, dans un premier temps, sur le pourquoi de la piètre qualité des produits proposés dans la capitale.
« Cela a été la première étape de notre réflexion. Nous demander pourquoi ces tomates étaient gorgées d’eau et ‘dotées’ d’une peau aussi épaisse ou encore pourquoi les fraises n’avaient aucun goût », se remémore l’entrepreneur. Sans doute à cause des conditions de transport – du champ à l’assiette un légume parcourt environ 1 500 kilomètres en moyenne – particulièrement dramatiques pour le produit en question. Fort de ce constat implacable, de nombreuses études sont menées aboutissant à pléthore de recherches susceptibles de proposer des fruits et légumes « plus résistants », mais hélas qui perdent toute saveur gustative et nutritive. « Les tomates de supermarché, lorsqu’elles tombent n’ont aucun stigmate. En revanche, quand vous coupez leur épaisse peau, vous vous retrouvez avec un légume uniquement rempli d’eau. Ces mêmes études préconisent, pour les fraises, de procéder à leur récolte, trois ou quatre jours avant le « modus operandi » traditionnellement en vigueur », développe Guillaume Fourdinier. Résultat : ces fraises sont résolument insipides car c’est justement au cours des trois derniers jours qu’elles atteignent la quintessence et donnent leur « pleine mesure » nutritive.
« Le bon sens paysan »
Pour remédier à cela, Guillaume et Gonzague affinent une alternative pour redonner aux fruits et légumes leurs lettres de noblesse… sans tenir compte de l’environnement extérieur. Pour ce faire, les deux entrepreneurs vont jeter leur dévolu… sur un container présent dans le jardin des parents de Gonzague. Et recréer, à l’intérieur de celui-ci les conditions optimales de la culture des fraises. En franchissant les étapes « step by step » et animés d’un leitmotiv : celui de supprimer les certitudes et se référer, du moins dans un premier temps, à leur « bon sens paysan » et à une approche résolument pragmatique, empreinte de rigueur. « Nous nous sommes donc lancés à partir d’une intuition en recréant, par exemple, les conditions de jour et de nuit en allumant et en éteignant des lampes. Nous avons donc commencé par créer un environnement qui nous paraissait à peu près logique », souligne Guillaume Fourdinier qui va énormément miser sur la R&D pour, à mesure de l’aventure, améliorer les conditions de culture. De fil en aiguille, l’intérieur du container s’étoffe avec la mise en place d’un écosystème d’insectes prédateurs – Agricool refusant, de facto, d’utiliser des pesticides tandis que les bourdons œuvrent, de leur côté, à la pollinisation. Et les premiers résultats sont résolument prometteurs, en dépit des Cassandre qui leur promettaient le pire. « Certains se demandaient même si nos fraises allaient être rouges », sourit aujourd’hui Guillaume. Nous sommes alors en mai 2015.
Durant le deuxième semestre de cette année-là, Guillaume et Gonzague mettent les bouchées doubles et parviennent à sortir de ce premier container – devenu aujourd’hui presque une pièce de musée – situé à quelques encablures de Bercy leur première barquette de fraises. Leur goût parvient à conquérir jusqu’aux palais les plus aiguisés… et attire également des investisseurs qui, en décembre 2015, mettent « au pot » à hauteur de 500 000 euros. « Ils étaient notamment impressionnés par le fait que nous avions réussi cela en partant d’une feuille blanche, rien qu’à deux », souligne Guillaume Fourdinier. Une manne qui permettra, dès lors de renforcer l’équipe, notamment en agronomie et en ingénierie afin de pousser toujours plus loin le curseur de l’innovation. Et cela marche puisque suivra, six mois plus tard, un second tour de table, plus conséquent à hauteur de 3,3 millions d’euros et une troisième levée de fonds de 8 millions en juillet dernier. Différentes marches franchies permettant à Agricool de passer de 2 à 40 salariés, et accélérer résolument la cadence en matière de R&D. « Aujourd’hui, compte tenu du fait qu’il n’existe aucun équipement suffisamment efficace pour parvenir à atteindre le degré d’exigence que nous souhaitons, nous fabriquons nos propres LED estampillées Agricool et avons notre propre système de culture qui n’est désormais plus un calque de ce qui se faisait auparavant », raconte l’entrepreneur.
Objectif : 7 tonnes des fraises par an
Quid des clients ? Agricool, fidèle à son postulat de rendre accessible le bon au plus grand nombre, nourrit ainsi de grandes ambitions en termes de rendement. « Depuis le début, notre objectif n’a pas varié d’un iota : nous visons sept tonnes de fraises par container et par an, soit l’équivalent de 28 000 barquettes annuelles par container », développe Guillaume Fourdinier. Aujourd’hui Agricool est parvenu à 70% de son objectif et vise « la pleine efficacité » au mois de décembre. Et veut vendre ses produits directement au consommateur. D’ailleurs, ce lundi, la start-up a vendu sa première barquette de fraises et la demande est importante. Plus de 10 000 personnes sont inscrites sur liste d’attente. Forte de sept containers de 33 m2 – dont 5 pleinement opérationnels, les deux premiers ayant atteint « la limite d’âge » – dont l’un prêt à prendre ses quartiers à proximité de Station F, Agricool dissémine sa toile dans la capitale. Pourtant la seconde ville « Agricool » ne s’implantera pas forcément en France.
« Nous visons clairement à dupliquer notre modèle à l’international car notre mission est globale. Rendre accessible le bon goût au plus grand nombre ne se réduit pas simplement à la France. Pourquoi ne pas envisager de ‘poser ‘ un container à Dubaï où les températures extérieures ne permettent pas de cultiver quoi que ce soit, où à l’inverse dans le nord de l’Europe où le froid est également trop important pour cela ? », souligne Guillaume qui planche sur l’installation de deux nouveaux containers dans deux villes étrangères au printemps prochain. Car le chemin du bon goût ne connaît pas de frontières. La voie royale semble toute tracée pour Agricool et ses « Cooltivateurs ».
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