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Explications | Forbes Sustainability Leaders : pourquoi Elon Musk ne figure pas dans le classement ?

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Elon Musk lors du Cannes Lions International Festival of Creativity, le 19 juin 2024, à Cannes. Getty Images

Elon Musk, autrefois considéré comme un pionnier de la durabilité grâce à Tesla, ne figure pas dans le tout premier classement Forbes Sustainability Leaders. Malgré son rôle dans l’avènement des véhicules électriques, ses récents échecs et décisions controversées ont pesé dans l’évaluation de son impact environnemental. 

Un article de Alex Knapp pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Lorsque l’équipe éditoriale de Forbes a commencé à dresser son tout premier classement Forbes Sustainability Leaders cette année, le nom d’Elon Musk s’est imposé naturellement, et pour de bonnes raisons. En 2008, le lancement de la Tesla Roadster a réalisé l’impensable : rendre les voitures électriques attractives. En repoussant sans cesse les limites avec de nouveaux modèles, Tesla a incité l’industrie automobile à accélérer sa transition vers l’électrique, un bouleversement qui a eu un impact environnemental significatif aux États-Unis, où les transports représentent plus de 20 % des émissions totales de carbone.

Cependant, la liste des leaders en durabilité de Forbes ne récompense pas l’ensemble des réalisations d’une carrière, mais se concentre sur ceux qui continuent d’exercer un impact durable et constant. Les évaluations reposent principalement sur leurs réalisations des deux dernières années. À ce titre, Musk ne répond pas aux critères.

Abordons d’abord l’enjeu le plus évident : le déclin progressif de Tesla. Jadis leader incontesté du secteur des voitures électriques, l’entreprise a vu ses bénéfices chuter quatre trimestres consécutifs. Pendant ce temps, le constructeur chinois BYD a pris l’avantage en produisant davantage de véhicules électriques, propulsant ainsi son PDG et fondateur, Wang Chuanfu, sur le devant de la scène et dans notre liste. Par ailleurs, une succession d’erreurs de gestion a incité de nombreux grands investisseurs à se détourner d’Elon Musk, de plus en plus en difficulté.

Le Cybertruck a été une erreur majeure. Depuis sa présentation en 2019, lorsque la « vitre incassable » s’est brisée en direct, ce véhicule a enchaîné les retards, les problèmes de production et les moqueries. Il a finalement commencé à être livré à l’automne dernier, bien après la date initialement prévue, mais moins de 20 000 unités ont été remises aux clients. Malgré cela, le véhicule a déjà subi quatre rappels, et des vidéos de ses défauts de fabrication circulent massivement sur les réseaux sociaux. Sur Reddit, le subreddit « Cyberstuck », qui recenses les problèmes du Cybertruck, compte plus de 160 000 membres (soit plus de dix fois plus que le nombre total de propriétaires de ce véhicule). Un très mauvais présage. Mais même si le lancement avait été irréprochable, le Cybertruck reste confronté à des défis environnementaux : les énormes quantités d’énergie, d’aluminium et de matériaux nécessaires à sa production le rendent moins écologique que d’autres véhicules électriques.

Tesla fait face à d’autres problèmes. Le Tesla Semi a des années de retard, laissant les clients dans l’expectative alors que ses rivaux sur le marché des flottes commerciales honorent leurs commandes et augmentent le nombre de leurs livraisons. (Le succès de la gamme de fourgonnettes de livraison Rivian, par exemple, a permis à RJ Scaringe, son fondateur et PDG, de figurer sur la liste). Après des mois de négociations au cours desquels Tesla a obtenu de plusieurs concurrents de véhicules électriques qu’ils acceptent d’utiliser sa norme de recharge, Elon Musk a licencié son équipe Supercharger et a annoncé qu’il ralentirait la croissance du réseau. Il s’agissait d’un atout concurrentiel majeur pour Tesla et d’un argument de vente pour les acheteurs de véhicules électriques : l’absence d’un réseau de recharge robuste étant un obstacle majeur pour de nombreux clients potentiels, hésitant à franchir le pas en raison de leur inquiétude quant à l’autonomie. Ralentir l’expansion du réseau pourrait signifier un ralentissement de la production de véhicules électriques, rendant plus difficile la réalisation des objectifs climatiques des États-Unis. À la place, Musk a chargé les ingénieurs de Tesla de développer une gamme de robots humanoïdes au lieu de voitures. L’entreprise a également abattu près de 500 000 arbres en Allemagne pour y construire son usine de batteries.

La prise de contrôle de Twitter par Elon Musk a également nui à la réalisation d’objectifs climatiques plus larges. Depuis qu’il a racheté l’entreprise en 2022, Elon Musk a démantelé une grande partie de l’équipe chargée de la confiance et de la sécurité et a assoupli les restrictions contre la désinformation. L’une des conséquences ? Le déni du changement climatique a explosé sur la plateforme. Un récent rapport de Climate Action Against Disinformation, une coalition de groupes environnementaux et de lutte contre la désinformation, a classé X au dernier rang des principales plateformes de médias sociaux pour ce qui est de la gestion de la désinformation sur le climat, en raison de « l’absence de politiques claires en matière de désinformation sur le climat, de l’absence de mécanismes substantiels de transparence publique et de l’absence de preuves d’une mise en œuvre efficace des politiques ».

Entre-temps, SpaceX a fait l’objet d’une série d’enquêtes gouvernementales concernant son bilan environnemental. Au cours des six derniers mois, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis et la Commission sur la qualité de l’environnement du Texas ont intenté des actions en justice contre la société concernant son installation Starbase au Texas. Ces actions sont fondées sur des allégations selon lesquelles la société spatiale a violé à plusieurs reprises la loi sur l’eau (Clean Water Act) en déversant des polluants provenant du site dans les plans d’eau locaaux. L’entreprise nie tout acte répréhensible ou toute pollution, arguant dans une longue déclaration au début du mois que ces actions sont « entièrement liées à des désaccords concernant des lourdeurs administratives ».

Enfin, ces dernières années, Musk semble avoir perdu l’envie de montrer la voie en matière d’environnement et de développement durable. Au début de l’année, Tesla a retiré de son site web le manifeste de l’entreprise sur le climat datant de 2006. Dans ce manifeste, le PDG de Tesla déclarait vouloir « contribuer à accélérer le passage d’une économie fondée sur l’exploitation minière et la combustion d’hydrocarbures à une économie fondée sur l’énergie solaire et électrique », qu’il considère « comme la principale, mais non la seule, solution durable ». Cependant, lors d’une conversation avec l’ancien président américain Donald Trump sur X au début de l’année, il est revenu sur ces ambitions, affirmant qu’il n’y a « pas d’urgence » à mettre en place une économie durable parce que les effets du changement climatique ne seront pas suffisamment graves pour qu’on s’en préoccupe tant que le dioxyde de carbone atmosphérique n’aura pas atteint des niveaux beaucoup plus élevés que ceux d’aujourd’hui. Les scientifiques qui étudient le climat affirment que ces niveaux dangereux de dioxyde de carbone sont bien inférieurs à ceux suggérés par Musk.

Forbes prévoit de publier une nouvelle édition de la liste de ce classement chaque année, toujours avec un focus sur des actions récentes et qui ont un réel impact. Si Elon Musk change de cap, nous serions ravis de l’inclure dans une future liste. Mais pour l’instant, il n’est plus considéré comme un leader en matière d’environnement.


À lire également : Trump prévoit d’attribuer à Musk un rôle déterminant s’il est réélu

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