Le constructeur automobile Volkswagen a fait face à un groupe agité d’actionnaires lors de son meeting annuel. Le groupe allemand a aussi dévoilé sa stratégie pour tenter de rebondir pleinement après le scandale des émissions diesel qui lui a jusqu’à présent coûté plus de 20 milliards de dollars d’amendes, de pénalité et de dédommagement à des clients.
La stratégie est la suivante : laisser filtrer le moins d’information possible, détourner l’attention du scandale en discourant sur des objectifs ambitieux en matière de véhicules à émissions 0, et maintenir fermement le niveau des ventes afin que l’entreprise ne soit pas perçue comme s’affaiblissant.
Le président de Volkswagen, Hans Dieter Poetsch a déclaré aux actionnaires, par exemple, que l’entreprise ne publierait pas de rapport préparé par le cabinet d’avocat international Jones Day au sujet des raisons pour lesquelles un groupe d’ingénieurs et de dirigeants a approuvé une pratique de falsification des tests d’émissions de ses véhicules diesel pour que les moteurs aient l’air de fonctionner bien plus proprement qu’ils ne le faisaient. Hans Poetsch a affirmé que l’arrangement à l’amiable de Volkswagen avec le département de la justice des Etats-Unis est interprété par l’entreprise comme interdisant la publication du rapport complet. L’entreprise a précédemment exprimé qu’elle publierait ce rapport. Le président a également avancé qu’une publication de ce document exposerait l’entreprise a encore plus de risques légaux.
Un actionnaire assez loquace, représentant apparemment plusieurs de ses confrères dans la salle, a exprimé son désaccord. « Votre référence à l’exposé des faits accepté aux Etats-Unis est tout à fait insuffisant et presque insultant pour tous ceux qui sont intéressés par une complète clarification au sujet des responsables, » a martelé Christian Strenger, membre superviseur du conseil de surveillance de DWS Deutsche Asset Management.
Quelle que soit la volonté qu’ont les dirigeants de Volkswagen d’oublier le scandale et de travailler à faire monter le prix des actions, le fait est que des nuages sombres menacent d’éclater au dessus de l’entreprise basée à Wolfsburg, en Allemagne.
Matthias Müller, le directeur général de l’entreprise, est à présent sous contrôle judiciaire en Allemagne car il pourrait n’avoir pas correctement révélé les détails du scandale des émissions aux investisseurs, d’après de multiples rapports allemands. L’enquête fait pour la première fois de Müller la cible de l’une des enquêtes en cours du gouvernement. Ces investigations se sont jusqu’à présent concentrées sur les dirigeants précédents et sur des managers de second rang qui ont autorisé un logiciel installé dans les voitures à fausser les chiffres des émissions diesel standards d’à peu près 11 millions de véhicules dans le monde.
Dans le cadre d’un accord avec les États-Unis, le précédent Procureur général adjoint Larry Thompson fera office de superviseur indépendant des activités de Volkswagen, et analysera le respect des règles environnementales par l’entreprise au cours des trois dernières années.
La concentration de Volkswagen sur ses ventes est louable. A la suite de l’éclatement du scandale à l’automne 2015, l’entreprise a été en tête des ventes de véhicules dans le monde en 2016, reprenant le titre des mains de Toyota. Volkswagen a écoulé 10.3 millions de voitures l’année dernière, ce qui représente un gain de 3.8%. « Ne vous y trompez pas, Volkswagen a accordé beaucoup de remises afin de maintenir cette performance de vente, ce que le groupe perçoit comme le moyen de ne pas être considéré comme faible », nous explique le consultant marketing Dennis Keene, de Los Angeles. « Par temps de crise, les performances commerciales dépassent les bénéfices parce que vous voulez prouver que les gens choisissent toujours votre marque et y sont fidèles. »
Se dérobant face à son scandale des émissions, Volkswagen sort le grand jeu en parlant de véhicules à émissions nulles, prêtant le serment de vendre un million de voitures électriques par an d’ici à 2025. Le chef de la marque Herbert Diess a déclaré que cette semaine en particulier laissait entrevoir que l’entreprise battrait Tesla Motors dans le domaine de l’électrique.
Volkswagen a pourtant pour réputation de faire état d’objectifs très ambitieux qui, en finalité, ne sont pas atteints. Cela ne lui est pas favorable, dans sa lutte pour rétablir sa crédibilité auprès des consommateurs. « Je pense que cela fait partie du problème plus général des échéances courtes, lorsque les entreprises se sentent forcées par les analystes de donner des estimations de gains au trimestre: que le ciel leur vienne alors en aide si elles ne sont pas optimistes. Mais elles ne doivent pas non plus viser si haut qu’elles ne sont pas crédibles, » constate Marina Whitman, Professeure d’administration des affaires et de politique publique à l’école Stephen M. Ross School of Business de l’Université du Michigan. « Vous noterez que lorsque les entreprises sont forcées de faire marche arrière, c’est habituellement attribué à des surprises externes imprévues dépassant leur contrôle. »
Par exemple, Volkswagen s’est vanté pendant quatre ans de l’objectif fixé d’un million de véhicules vendus par an aux Etats-Unis en 2018. L’entreprise ne vendra pas la moitié de ce chiffre cette année.
Les actions de Volkswagen sont un peu plus élevées seulement à cause du changement de prix qui a suivi l’éclatement du scandale en 2015, alors que le marché dans son ensemble connait une croissance à deux chiffres.
Les actionnaires veulent que l’entreprise en finisse avec cette histoire, et qu’elle mette les résultats de l’enquête en lumière afin que le public puisse savoir précisément ce qu’il s’est passé et qui en est responsable. Alors seulement, semble t-il, les actionnaires seront en mesure de passer à autre chose, bien que les chiffres des ventes laissent penser que les clients eux, l’ont déjà fait.
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