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Vision stratégique : reprendre une start-up vs une PME ?

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Vision Stratégique : Reprendre une Start-up vs. une PME ?

Cet article compare deux reprises consécutives : celle d’une PME belge et celle une start-up française. Elle met en avant l’importance de développer les compétences de l’entrepreneur et décrit les défis spécifiques des transferts d’entreprises dans le même secteur, mais avec des modes de fonctionnement différents – une entreprise financière traditionnelle versus une start-up fintech.

Une contribution co-écrite avec Renaud Redien-Collot et Damien Guermonprez

 

Étude de cas : PME vs start-up dans le secteur financier

 


À 36 ans, Damien Guermonprez, lors d’une réunion à Lisbonne, réalise qu’il risquait de finir dans un rôle non stratégique avant la retraite. Il rêve de défis et de nouveautés, et envisage de reprendre une entreprise. Dix ans plus tard, il a saisi deux opportunités consécutives.

Issu d’une famille d’entrepreneurs, Damien a constaté la complexité de gérer une entreprise en France. Après une carrière réussie dans les services financiers, il est devenu DG d’Oney Bank, multipliant les activités de la banque d’Auchan par six. Plus tard, il a dirigé les opérations françaises d’Aon, mais une restructuration a mis fin à son mandat.

Décidé d’acquérir une petite entreprise, Damien rejoint l’association Cédants et Repreneurs d’Affaires. En 2010, il apprend que Cetelem Belgique est à vendre. Il convainc Apax Partners de financer l’acquisition et devient DG de la cible.

En septembre 2010, Damien a pris la tête de Cetelem Belgique (cédée par groupe BNP Paribas) et rebaptisée Buy Way. Il a restauré la confiance des équipes et encouragé l’innovation, menant à une croissance rapide et un retour à la rentabilité en un an. Quatre ans plus tard, Buy Way a été revendue à un fonds d’investissement londonien.

En 2015, Damien a rejoint les co-fondateurs de Lemonway, une start-up fintech dans laquelle il était business angel et qu’il avait aidée à obtenir une licence d’institution de paiement. En tant que DG, il a contribué à pivoter vers les services B2B et à lever des fonds auprès d’investisseurs. En 2021, Lemonway est devenue une institution de paiement paneuropéenne leader.

 

Réflexions sur le parcours

 

Le parcours de Damien met en lumière les différences entre diriger une PME et une start-up. Sa capacité à s’adapter et à naviguer dans des situations complexes a été clé. Les processus de transfert de Buy Way et Lemonway diffèrent en termes d’évolution du modèle économique et de transfert de propriété. Buy Way est restée sur son marché existant, tandis que Lemonway a pivoté radicalement.

En résumé, Buy Way et Lemonway diffèrent par l’impact sur le modèle économique et le transfert de propriété. Damien a su déployer ses compétences de leadership dans des contextes variés, assurant la réussite des deux entreprises.

Cet exemple illustre ce que des chercheurs académiques affirment que le processus stratégique diffère entre les petites entreprises et les start-ups innovantes. Les PME sont des versions réduites des entreprises traditionnelles, tandis que les start-ups ont des technologies ou des modèles d’affaires innovants, avec un rythme de développement plus intense et irrégulier.

En comparant Lemonway et Buy Way nous pouvons mettre en avant l’importance de développer les compétences du repreneur et les défis spécifiques des transferts d’entreprises dans le même secteur, mais avec des modes de fonctionnement différents – une entreprise financière traditionnelle versus une start-up Fintech.

Concernant les compétences du nouveau dirigeant, la motivation et la confiance en soi de Damien, renforcées par ses succès antérieurs, lui ont permis de s’adapter à différents rôles de leadership et de créer l’adhésion des équipes. Sa capacité à naviguer dans des négociations complexes et à ajuster les stratégies a été cruciale pour relancer Buy Way et développer Lemonway. La légitimité entrepreneuriale, basée sur la démonstration et le partage de la motivation, était essentielle pour faciliter le changement. Chez Buy Way, il a impliqué le personnel dans les changements organisationnels, tandis que chez Lemonway, il a construit des relations avec les deux co-fondateurs et l’équipe de base. Le taux de rotation des équipes, élevé dans les start-ups a rendu la légitimité relationnelle plus difficile que dans les PME.

Enfin, la motivation sera stimulée par un sentiment d’efficacité personnelle. Pour cette raison, l’acquéreur doit avoir identifié l’un des trois objectifs possibles du rachat d’entreprise :

• Utiliser le transfert d’entreprise pour se créer un emploi afin de ne plus dépendre d’une hiérarchie parfois pesante. Cela implique que l’entreprise ciblée soit capable de fournir un salaire à long terme malgré sa petite taille, limitée par les moyens financiers du repreneur.

• Utiliser le transfert d’entreprise comme un vecteur de progression économique et sociale. L’entreprise ciblée doit donc avoir le potentiel d’augmenter sa rentabilité et d’être reconnue, entraînant un niveau de revenu plus élevé pour son dirigeant.

• Mener le transfert d’entreprise comme un projet d’épanouissement personnel. L’entreprise ciblée a une structure et un fonctionnement quotidien stable, offrant à l’ acquéreur la possibilité de se libérer des tâches répétitives ou opérationnelles et d’assumer un rôle de direction. Bien que petite, l’entreprise peut répondre à un besoin d’exercer une des passions du dirigeant repreneur.

En résumé, les transferts d’entreprise nécessitent une vision stratégique et une adaptabilité, avec des approches différentes pour les PME et les start-ups. Les transferts réussis dépendent d’une action stratégique clairement menée et de la capacité du repreneur à naviguer dans des défis émotionnels et opérationnels complexes.

Même si le cas de Damien reste unique, on pourrait émettre l’hypothèse qu’une première expérience de reprise d’une PME peut être un excellent terrain d’essai pour la reprise d’une start-up. Bien sûr, la reprise de start-ups en France et en Europe soulève principalement la question des fonds mobilisables. Cependant, le leadership de Damien au contact des investisseurs et des équipes pourrait inspirer une nouvelle génération d’acquéreurs de start-ups. Pour améliorer la pérennité des start-ups en Europe, il faudrait peut-être encourager des recherches plus systématiques sur les rachats d’entreprises en série, combinant la reprise de PME et de start-ups.

 

Table 1. Différences entre BuyWay et Lemonway

 

Informations générales

Buy Way

Lemonway

Activité

Crédit à la consommation

Paiement digital

Statut

Émetteur de monnaie électronique

Institution de paiement

Produit émis

Cartes de crédit Mastercard

Comptes de paiement Lemonway

Modèle économique

Marge sur crédit en cours

Frais sur flux de paiement et portefeuilles électroniques

Type d’entreprise

B2B2C

B2B

Cible

Commerçants et e-commerçants

Places de marché digitales

Marché

Belgique et Luxembourg

UE et Royaume-Uni

Nombre de clients finaux

600 000 actifs et inactifs

8 millions de comptes ouverts

Données financières (2021)

Volume d’affaires

350 millions d’euros en crédits à la consommation

5,5 milliards d’euros en transactions traitées

Revenus

38 millions d’euros

11,8 millions d’euros

Croissance

3%

65%

Résultat net

2 millions d’euros

-9,6 millions d’euros

Actifs nets

50 millions d’euros

5 millions d’euros

Valorisation (estimation)

70 millions d’euros (multiple des fonds propres)

100 millions d’euros (multiple des revenus)

Participation des fonds d’investissement

80%

70%

Participation de la direction

20%

30%

Technologie

En ligne/hors ligne

En ligne et hors ligne

En ligne uniquement

IT

Batch

API en temps réel

Alliances

Mastercard

Banques

RH

Nombre d’employés

250

160

Siège social

Bruxelles

Paris

Rotation du personnel

Faible

Élevée

 


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