ENTRE 2 TOURS | Annoncé plusieurs mois à l’avance, la perspective d’un nouveau duel entre Emmanuel Macron – Marine Le Pen a été confirmé par les résultats du premier tour. A l’approche du second tour, le 24 avril prochain, les candidats battent le pavé et affûtent leurs arguments. Quel thème fera la différence ? A l’inverse, lequel peut les mettre en difficulté ? Éléments de réponse avec Victor Boury, co-fondateur et directeur général de Backbone Consulting, cabinet de conseil spécialiste de l’écoute et de l’analyse de l’opinion.
En quoi cette campagne présidentielle se démarque des précédentes ?
Victor Boury : Jamais, dans l’histoire de la Ve République, l’attention autour du rôle d’internet et des réseaux sociaux n’a été aussi prépondérant dans la fabrique de l’opinion. Habituellement, une campagne présidentielle s’articule autour de 3 phases que sont la phase de curiosité sur les candidats potentiels et déclarés, la phase d’intérêt pour les promesses électorales, et la phase d’adhésion, durant laquelle se cristallisent les intentions de vote. La campagne de 2022 n’est pas allée à son terme, dans le sens où ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron ne sont parvenus à susciter l’engouement des Français. Et il convient d’admettre que les réseaux sociaux n’ont pas joué le rôle que l’on attendait.
Victor Boury : Marine Le Pen a vu juste en se positionnant sur le thème du pouvoir d’achat. L’inflation des prix fait naître dans la population la crainte de ne pas arriver à boucler les fins de mois
La prochaine échéance très attendue avant le scrutin du second tour est le débat entre les deux candidats. Qu’en attendent les Français ?
Victor Boury : Ce duel incarne à lui seul l’esprit de contradiction qui habite les Français dans cette campagne, à savoir un désir de changement mais dans la continuité. Ils ne voulaient pas une redite de 2017 mais, d’une certaine manière, ce duel a quelque chose de rassurant. Toutefois, si les personnalités sont identiques, le contexte a changé. Emmanuel Macron n’est plus le jeune premier qui va révolutionner la politique, il a désormais un bilan à défendre. Si on analyse le volume des conversations échangées depuis le 10 avril, c’est lui qui génère le plus de messages (1,2M messages), mais ceux-ci se composent essentiellement d’informations factuelles, sur le score obtenu ou le descriptif de certaines mesures, mais également de commentaires négatifs. De son côté, Marine Le Pen a changé de posture. La candidature d’Éric Zemmour lui a permis, en détournant les attaques médiatiques de sa personne, de s’exprimer et de faire valoir ses idées, notamment sur le pouvoir d’achat. Sa présence en ligne est étonnamment assez faible depuis dimanche soir (600 000 messages), mais elle s’explique en partie par l’absence de ses soutiens et de leurs communautés suite aux défections qui se sont succédé jusqu’au 1er tour. Proportionnellement, le volume d’échanges est plus faible pour Marine Le Pen, mais les messages sont plus positifs à son égard.
Quel candidat a le plus à perdre dans ce duel ?
Victor Boury : Marine Le Pen, sans hésiter. Les Français attendent le match et échangent sur les différentes configurations possibles du débat. La question qui se pose est : va-t-elle réitérer l’échec de 2017 ou, au contraire, nourrir le débat d’idées et prendre la main sur la dynamique des échanges ? Si elle relève le challenge, sa candidature s’en verra renforcée.
Sur quel thème se cristallise la campagne de l’entre-deux tours ?
Victor Boury : Marine Le Pen a vu juste en se positionnant sur le thème du pouvoir d’achat. L’inflation des prix fait naître dans la population la crainte de ne pas arriver à boucler les fins de mois. D’ailleurs, sur les différentes plateformes, une phrase ressort régulièrement, celle de « la fin de mois avant la fin du monde », preuve que cela demeure la principale préoccupation des Français. Sans surprise, son annonce d’une TVA à taux zéro sur un panier de 100 produits de nécessité a été largement relayée.
Répartition du volume des messages sur les deux candidats depuis le 10 avril 20h
Victor Boury : L’adage veut qu’on ne change pas de capitaine en pleine tempête, et les Français semblent y être attachés
Y a-t-il, pour chaque candidat, un domaine où il est en déficit de crédibilité ?
Victor Boury : En ce qui concerne Emmanuel Macron, l’opinion publique l’attend sur l’écologie, son talon d’Achille. S’il veut rallier à sa candidature les votes des partisans de Jean-Luc Mélenchon, il va devoir trouver une idée qui imprime. A l’inverse, Marine Le Pen est jugée peu crédible sur son programme économique, un thème qu’elle évite en se concentrant pour l’instant sur le pouvoir d’achat, mais il est fort probable que la question s’invite lors du débat du 20 avril.
Le contexte international – le conflit russo-ukrainien en particulier – peut-il faire basculer les votes ?
Victor Boury : L’adage veut qu’on ne change pas de capitaine en pleine tempête, et les Français semblent y être attachés, d’où la montée du vote utile dans les derniers jours qui ont précédé le premier tour. Beaucoup de messages générés sur le thème de la guerre entre l’Ukraine et la Russie étaient à la faveur d’Emmanuel Macron. Le flux était inexistant concernant Marine Le Pen. Tout l’enjeu de cet entre-deux tours pour les candidats est d’arriver à susciter l’adhésion dans un contexte de peur, où la volatilité du vote est sans précédent.
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