La crise des subprimes, la faillite de Lehman et la crise financière de 2008 ont conduit à la mise en place d’un nouvel environnement prudentiel, plus contraignant pour les banques : Bâle 3. Toutefois, en 2017, le Comité de Bâle a constaté une perte de confiance dans le calcul du ratio de solvabilité. Celui-ci met en regard les fonds propres prudentiels et les engagements pondérés des banques ; le Comité de Bâle a, en conséquence, modifié les règles de calcul des engagements pondérés. Les faillites de banques régionales américaines du printemps dernier, non soumises aux règles de Bâle 3, ont conduit le gouvernement fédéral à favoriser une évolution de la règlementation. Dès lors, va-t-on vers un durcissement des contraintes pour les banques ?
En 2017, le Comité de Bâle tire les conséquences de la forte variabilité des engagements pondérés calculés par les banques. Celles-ci ont alors le choix entre 2 approches : la première est l’application de coefficients de pondération qui relèvent de l’approche dite standard ; la seconde est le calcul d’engagements pondérés selon une approche du risque fondée sur une notation interne. L’approche standard manque alors de granularité, notamment en matière de risque de crédit. Celle-ci applique ainsi une pondération unique à tous les crédits hypothécaires. Une même pondération est aussi appliquée à toutes les expositions sur l’immobilier commercial ; c’est également le cas pour toutes les expositions sur les banques qui ne sont pas notées. De même, les pondérations des expositions aux PME et aux grandes entreprises sont identiques. Enfin, les actions et les titres représentatifs de dettes subordonnées ont la même pondération.
La révision de l’approche standard de 2017 se traduit, en premier lieu, par un recalibrage des pondérations des expositions aux banques qui font l’objet d’une notation ; une pondération plus granulaire est également prévue pour celles qui ne sont pas notées. En deuxième lieu, les pondérations applicables aux crédits hypothécaires sont désormais fondées sur le ratio Loan To Value (LTV) ; ce ratio exprime la part du prix de l’acquisition immobilière financée par emprunt. De même, les pondérations des expositions sur l’immobilier commercial sont issues du ratio LTV. En troisième lieu, l’exposition aux entreprises qui ne font pas l’objet d’une notation conduit à une distinction entre les PME et les grandes entreprises. Les crédits consentis aux PME sont pondérés uniformément à 85% ; en revanche, les expositions aux grandes entreprises sont pondérées à 65% ou 100% selon que celles-ci peuvent, ou non, être rangées dans la catégorie « investment grade ». Enfin, la détention d’actions non cotées ayant vocation à être revendues à court terme conduit à une pondération à 400% ; les autres actions sont pondérées à 250% ; les titres représentatifs de dettes subordonnées sont, quant à eux, pondérés à 150%. Cette approche standard révisée est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.
Le recours à la notation interne fait également l’objet d’aménagements. Ceux-ci vont dans le sens du durcissement de la réglementation. Les engagements pondérés sur les banques sont fondés sur 3 composants : la probabilité de défaut, la perte en cas de défaut et l’exposition en cas de défaut. Leur produit correspond à la perte attendue. Deux approches du risque de crédit co-existent : la première est l’approche fondation ; dans ce cas, la banque fournit sa propre estimation de la probabilité de défaut ; de plus, elle utilise les estimations de l’autorité de contrôle pour les autres composants. La seconde est l’approche avancée ; dans ce cas, la banque fournit ses propres estimations pour les 3 composants. En cas de notation interne, les engagements pondérés sur la clientèle de la banque de détail relèvent nécessairement de l’approche avancée. Les engagements pondérés sur les banques pouvaient être calculés, historiquement, par l’une ou l’autre des deux approches. Il en était de même pour les engagements sur les entreprises dont le chiffre d’affaires était supérieur à €500 millions. Depuis le 1er janvier 2022, seule l’approche fondation leur est applicable.
Par ailleurs, aucune de ces deux approches n’est désormais applicable aux actions. Les engagements pondérés correspondants relèvent donc nécessairement de l’approche standard. Finalement, dans le cadre de la notation interne, seuls les financements spécialisés peuvent relever de l’approche fondation ou de l’approche avancée. En outre, une probabilité de défaut minimale est prévue pour toute approche standard ou avancée. Une perte minimale en cas de défaut et une exposition minimale en cas de défaut sont également prévues pour l’approche avancée.
En principe, le recours à la notation interne conduit à des engagements pondérés inférieurs à ceux issus de l’approche standard. Par souci de prudence, le Comité de Bâle a fixé un plancher aux engagements pondérés ; son application est progressive dans le temps : au 1er janvier 2022, le montant total des engagements pondérés totaux devait être au moins égal à 50% du montant issu de la seule approche standard. Ce plancher est porté à 55% au 1er janvier 2023, à 60% au 1er janvier 2024, à 65% au 1er janvier 2025 et à 70% au 1er janvier 2026. Il atteindra 72,5% à partir du 1er janvier 2027. Ainsi, l’avantage qu’une banque pourra tirer de l’utilisation de ses propres modèles sera limité à 27,5 %.
A cela s’ajoute notamment une modification du cadre de traitement du risque de marché. Ce risque correspond aux pertes potentielles liées aux variations des cours sur le marché. En 2010, l’approbation, par le régulateur, du recours aux modèles internes, valait pour l’ensemble de la banque. Depuis 2016, une telle approbation doit être décidée au niveau des pupitres de négociation ; en outre, les exigences de fonds propres sont désormais plus strictes pour les risques non modélisables. Par ailleurs, la mesure de l’exposition au risque a été modifiée. Son nouveau mode de calcul permet de mieux appréhender les risques extrêmes et le risque de liquidité. Il permet également d’éliminer des avantages incontrôlés en termes de diversification. Enfin, l’approche standard devient obligatoire pour les pupitres qui échouent aux évaluations d’approbation des modèles.
Au moment des faillites de banques régionales américaines, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a rappelé que les normes prudentielles de Bâle 3 étaient respectées par environ 400 banques européennes et seulement 13 banques américaines. La solvabilité élevée des banques européennes les a aidées à éviter l’effet de contagion des « bank runs » qui ont touché SVB et First Republic Bank. C’est la raison pour laquelle la FED a proposé, le 27 juillet dernier, un texte visant à réglementer la solvabilité des banques dont le total du bilan est au moins égal à $100 milliards. Il s’agit d’une forme de transposition des règles de Bâle 3 dans le droit bancaire américain. Les coefficients de pondération proposés dans l’approche standard sont identiques ou, en général, plus exigeants que ceux applicables aux banques européennes. Par ailleurs, la notation interne est désormais exclue pour le risque de crédit. A ce stade, le texte fait l’objet d’une consultation de place qui s’étend jusqu’au 30 novembre 2023. Il vise une implémentation progressive du 1er juillet 2025 au 1er juillet 2028.
Le durcissement de la réglementation prudentielle va donc dans le sens de l’histoire, en Europe et désormais aux Etats-Unis. C’est la meilleure façon de garantir la solidité et la stabilité du système financier.
Olivier Levyne est Professeur Affilié à HEC Paris
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