L’industrie automobile est à la croisée des chemins : entre innovations technologiques et enjeux environnementaux, elle doit réinventer ses modèles pour un avenir durable. Mais quelles régions, technologies et politiques façonneront cette révolution mondiale ?
Une contribution de Laurent Coussonnet, Directeur Business Development chez Linxens
Malgré une croissance de 10 % en 2023, les ventes mondiales de voitures devraient ralentir à2 à 3 % en 2024, rloin des niveaux pré-pandémie. Les véhicules électriques (VE), moteurs de cette transition, ont connu une croissance record de 32 % en 2023, mais l’augmentation des taux d’intérêt et les conditions de crédit plus strictes pèseront sur la capacité des ménages et des entreprises à financer des capacités, repoussant certains achats de véhicules à 2025.
La Chine en pôle position : l’essor des véhicules électriques et ses répercussions mondiales
L’Asie, menée par la Chine, émerge comme l’épicentre de l’industrie automobile mondiale. La Chine est le premier producteur et consommateur de voitures électriques, avec 6 millions de véhicules vendus en 2023. Alors que la Chine représente désormais près de 50 % des ventes mondiales de véhicules électriques, l’Europe et les États-Unis peinent à suivre : la part des VE y reste à 22 % et 12 % respectivement. Les sanctions occidentales contre la Russie ont bénéficié à l’industrie automobile chinoise, la Russie devenant le premier importateur de véhicules chinois en 2023.
Aux États-Unis, la production de voitures devrait augmenter de 4 % en 2024, soutenue par une augmentation de 2,5 % des ventes. En Europe, la croissance sera plus lente, entre 1 % et 2 %. Les véhicules électriques stimulent les nouvelles immatriculations en Europe, représentant 15 % des ventes de nouveaux véhicules en 2023, tandis qu’aux États-Unis, leur part de marché restera proche de 10 % en 2024.
Les États-Unis et l’UE travaillent à renforcer leur autonomie industrielle et technologique en développant des capacités de production de batteries et en diversifiant les sources de matières premières critiques pour échapper au quasi-monopole chinois. Aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act alloue 65 milliards de dollars pour le développement de gigafactories. En Europe, le Critical Raw Materials Act vise à augmenter la capacité d’extraction, de raffinage et de recyclage des matières premières critiques (voir Coface).
Innovation : la clé de la compétitivité durable
L’industrie automobile a toujours évolué. Cependant, de nouvelles innovations émergent plus rapidement pour répondre aux besoins des individus et des entreprises, tout en améliorant la sécurité, la performance et le confort des conducteurs, et en se conformant aux réglementations environnementales.
L’industrie s’est progressivement tournée vers l’automatisation des véhicules, utilisant des technologies telles que le radar, le sonar et l’odométrie pour permettre aux véhicules autonomes de prendre des décisions basées sur les informations recueillies dans leur environnement. Au-delà des batteries lithium-ion, les technologies émergentes comme les batteries solides et les véhicules à hydrogène ouvrent de nouvelles voies. Ces innovations, plus performantes et écologiques, seront cruciales pour répondre aux besoins de demain tout en réduisant l’impact environnemental. Bien que les véhicules entièrement autonomes de niveau 5 ne soient pas encore sur les routes en 2024, comme certains fournisseurs l’avaient prédit il y a quelques années, les véhicules de niveaux d’autonomie inférieurs sont déjà largement répandus.
Les véhicules connectés intègrent de plus en plus des technologies telles que les systèmes de mobilité intelligente, la conduite autonome, les solutions basées sur la blockchain et les réseaux véhicule-infrastructure. Ces innovations redéfinissent la mobilité et en améliorent les performances. À mesure que ces technologies se répandent et gagnent l’acceptation des consommateurs, les constructeurs automobiles adaptent leurs stratégies pour rester compétitifs.
Défis écologiques : recyclage des batteries
Toutefois ces innovations apportent également des défis. En effet, le recyclage des batteries au lithium représente un enjeu majeur pour l’industrie automobile. La réduction des émissions de carbone et la transition énergétique ne sont plus des options mais des impératifs. L’industrie automobile doit évoluer vers des chaînes de production plus écologiques, des matériaux recyclables et des innovations responsables pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Ces batteries posent des problèmes environnementaux significatifs en fin de vie. L’infrastructure de recyclage actuelle est insuffisante pour suivre la croissance rapide des véhicules électriques ce qui peut conduire à une accumulation des déchets toxiques. De plus, le procédé de recyclage est complexe et coûteux. Il nécessite des investissements massifs dans les technologies de recyclage. Les gouvernements et les entreprises doivent collaborer pour développer des solutions durables et efficaces pour le recyclage des batteries pour minimiser l’impact environnemental et de garantir une gestion responsable des ressources.
L’impact sur l’assurance
L’adoption croissante des véhicules électriques pose également des défis pour le secteur de l’assurance. Certains assureurs sont réticents à assurer les véhicules électriques en raison des préoccupations liées à la conformité réglementaire, à la durée de vie des batteries et à la sécurité. Les gouvernements et les régulateurs doivent ainsi travailler avec les assureurs pour établir des cadres réglementaires clairs et favorables pour faciliter l’assurance des véhicules électriques et de promouvoir leur adoption. Des incitations et des subventions peuvent également être mises en place pour encourager les assureurs à offrir des polices d’assurance pour les véhicules électriques.
Le soutien des politiques est essentiel
Le secteur automobile participe fortement à la croissance de l’économie française. Avant la COVID, il employait environ 400 000 personnes, représentait plus de 10 % des exportations de biens et contribuait à plus de 20 milliards d’euros de valeur ajoutée. Cependant, il fait face à des défis en raison de l’effondrement de la production en 2020, des problèmes de chaîne d’approvisionnement en semi-conducteurs, de l’augmentation des coûts des matières premières et de la transition vers les véhicules électriques et à hydrogène. Face aux défis économiques et environnementaux, l’innovation reste le seul moteur capable de propulser l’industrie automobile vers un avenir plus vert et compétitif. Constructeurs, gouvernements et consommateurs doivent agir ensemble pour transformer cette vision en réalité. Ces facteurs stimulent le besoin d’investissement et de diversification dans de nombreux sites automobiles.
L’avènement des véhicules automatisés et connectés change profondément les sources de création de valeur dans l’industrie automobile. De nouvelles formes de mobilité sont développées pour répondre aux exigences de protection de l’environnement et aux nouveaux modes de consommation.
Les autorités publiques ont pris des mesures massives et favorables pour l’industrie : réductions d’impôts, aides d’urgence, soutien à la R&D et Projets Importants d’Intérêt Européen Commun (PIIEC) pour l’électronique, les batteries et l’hydrogène. Ces mesures visent à stimuler l’innovation, l’investissement productif et la diversification.
Le secteur représente 8 % du PIB de l’UE, 30 % de ses dépenses de R&D et 13 millions d’emplois. Face à la concurrence de la Chine et des États-Unis, l’Europe doit inventer un modèle hybride entre les initiatives privées et publiques pour maintenir sa position et rester compétitive.
Comme le propose Luca de Meo, PDG du Groupe Renault et président de l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA), il est nécessaire de créer un cadre réglementaire unique pour la mobilité et l’industrie automobile. Cela créera les conditions pour des projets structurants et des champions européens dans les technologies clés, comme cela a été initié avec Airbus.
Bien que la demande mondiale pour les automobiles reste forte, stimulée par une population croissante et une urbanisation accrue, les politiques gouvernementales visant à réduire les émissions de carbone et à promouvoir les technologies vertes sont également un levier. N’oublions pas que le secteur automobile est un moteur économique important, créant des emplois et stimulant l’innovation dans des secteurs connexes tels que la technologie, l’énergie et les infrastructures.
Pour rester compétitifs sur le marché, les constructeurs automobiles historiques et les fournisseurs de l’industrie doivent accélérer l’innovation. Le véhicule de demain étant très différent de ce qu’ils ont offert jusqu’à présent, ils doivent rechercher de nouveaux moteurs d’innovation, de nouvelles expertises complémentaires. Imaginer la voiture de demain implique des défis conséquents tant au niveau de la fabrication, de la sécurité, du changement climatique que de l’accessibilité.
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