Alors que des mois difficiles sur le plan économique et social s’annoncent, une occasion est offerte de les sublimer et donnant un cap et une vision pour moderniser la France. Et de tout faire dans un seul et même élan.
Le mois prochain, Emmanuel Macron doit présenter aux Français sa « nouvelle vision » pour la France. C’est peu dire que le président de la République a une occasion unique de présenter un plan stratégique de « reset » du pays. Paradoxalement, la crise sanitaire séculaire qui vient de s’abattre sur la planète – et singulièrement dans l’Hexagone –, qui va maintenant se poursuivre par une grave crise économique, constitue cette opportunité.
Pour deux raisons simples : la première vient d’une opinion, globalement partagée par les opinions et les leaders politiques et économiques, qu’on « ne peut plus repartir comme avant ». De fait, le lien entre crise climatique et crise sanitaire est établi, au moins indirectement. C’est parce que les activités humaines défavorables à l’environnement empiètent toujours plus sur la vie animale et végétale que de nouveaux virus apparaissent, susceptibles de se transmettre à l’homme.
Et ce n’est qu’un début : après le Covid-19, qui peut dire ce que la diminution de la surface des forêts sauvages ou le réchauffement du permafrost libérera de nocif dans l’espace habité par les humains ? Sans même parler du dérèglement climatique. De nombreux leaders politiques (pas tous malheureusement !), mais aussi d’opinion, partagent la conviction qu’il faut changer notre modèle de croissance.
La deuxième raison simple pour laquelle le moment est bien choisi est la raison économique et financière. Changer de modèle coûte cher en investissements et dans un monde où la dette publique est déjà considérable et une telle situation encourageait tous les conservatismes et immobilismes. Ce qui a changé ? Tous les pays ont besoin de refinancer leur modèle et, les économistes le disent, cette situation commune change tout. Selon eux, le fait que la plupart des pays de la planète ont besoin d’emprunter massivement tout de suite empêche que ne se crée un déséquilibre financier, générateur d’inflation généralisée.
Tant mieux. Car les mécaniques financières sont déjà à l’oeuvre : l’Europe, les Etats-Unis, mais aussi l’Inde ou la Chine ont déjà annoncé des montants astronomiques pour soutenir leurs économies.
Recette magique
Pour l’instant, ces programmes semblent d’abord défensifs (éviter faillites et chômage de masse). Mais certains assurent que l’on pourrait ajouter une dimension offensive, c’est-à-dire consacrée aux investissements d’avenir. L’Allemagne vient de le faire avec un plan de plus de 50 milliards d’euros.
Reste à trouver l’argent de cet investissement offensif, qui viendra s’ajouter à ceux, considérables, déjà annoncés. Avec les questions corollaires : qui seront les prêteurs et surtout cela ne chargera-t-il pas trop la barque ?
Certaines voix affirment que non ! Ainsi, l’économiste en chef de Natixis, Patrick Artus, se répand dans les médias pour soutenir la thèse selon laquelle une partie croissante de cette nouvelle dette, au niveau européen, a vocation à être reprise par la banque centrale européenne, qui n’a aucune raison ni de faire payer des intérêts élevés, ni même de la sortir de son bilan, c’est-à-dire de demander son remboursement aux Etats. Après tout, lorsque la BCE affiche un bilan excédentaire, elle reverse ces excédents aux Etats justement.
Si cette théorie est correcte, alors plus rien n’empêche d’aller au bout du raisonnement.
Et pour la France, consacrer les milliards qu’il faut non seulement à la revalorisation des salaires de toutes les professions mal payées (qui à leur tour produiront de la richesse dans l’économie) mais surtout de moderniser le pays.
Là aussi, la recette à appliquer fait consensus : former aux professions d’avenir, réorganiser l’Etat et surtout numériser bien davantage le pays qu’il ne l’est.
Numérisation égale technologies nouvelles égale start-up. Faut-il verser davantage de milliards aux start-up françaises ? Pas sûr. L’argent public coule déjà à flot via la fiscalité (Jeunes Entreprises Innovantes, Crédit Impôt Recherche) et le financement direct (BPI).
Si ces start-up ne deviennent pas (encore) de grandes entreprises puissantes qui génèrent beaucoup d’emplois qualifiés et une forte valeur économique, c’est parce qu’en France deux éléments, au moins, dans la chaîne de la création de cette valeur pourraient être significativement améliorés : d’une part une adoption plus systématique de l’innovation externe par les entreprises établies (comme c’est le cas aux Etats-Unis où l’innovation irrigue plus facilement l’économie). D’autre part, des organisations bien mieux structurées pour aider des start-up fortes de leurs premiers clients à devenir de vrais leaders technologiques.
Dans le premier cas, cela s’appelle l’Open Innovation. Toutes les entreprises du CAC 40 y recourent déjà mais, selon leur propre aveu, avec des résultats mitigés et de fortes résistances internes. Et pourtant qui mieux que des start-up indépendantes et concentrées sur des projets technologiques précis pourraient permettre d’accélérer le développement de bornes de recharge performantes pour la voiture électrique ou la production d’hydrogène ? Ces exemples ne sont pas choisis au hasard, c’est sur ceux-là, et d’autres bien sûr, que le plan d’investissement allemand va déverser des milliards d’euros.
En France, les projets et les développements technologiques d’avenir existent, les grandes entreprises industrielles capables de la commercialiser aussi. Mais le dialogue entre start-up et entreprises établies passe mal. Les premières se méfiant des secondes… et vice-versa.
La situation pourrait également être améliorée du côté des structures qui aident les start-up à se développer. Les « accélérateurs », innombrables pourtant, n’offrent pas comme aux Etats-Unis des outils méthodologiques prouvés et des apports en ressources humaines incontestables. Ces structures n’emploient en effet que trop peu de spécialistes (« sherpas ») à la fois compétents sur le plan technologique mais aussi capables d’ouvrir les portes des entreprises et dotés d’une solide expérience de commerce international.
Pourtant ce modèle existe et pas seulement aux Etats-Unis. En Europe, de nombreux « petits » pays notamment, dont les marchés intérieurs sont par nature limités, ont su se doter d’accélérateurs qui ouvrent très vite et très efficacement les marchés internationaux à leurs start-up.
On le voit, il ne s’agit pas seulement de rassembler des milliards pour appliquer avec succès les recettes du changement, que d’autres appliquent déjà. Il faut surtout une vision et une volonté politique. Le président actuel ne semble manquer d’aucun de ces deux éléments. Alors qu’il consulte beaucoup, et tous azimuts, il n’a plus qu’à le prouver.
Michel Ktitareff
Scale-Up Booster
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