Alors que les Etats-Unis, à l’initiative de la sénatrice Elizabeth Warren, tente de faire voter une loi anti-activiste, le Brokaw Act, démontrant ainsi l’ampleur du phénomène auprès des sociétés américaines, l’activité économique et financière de ces derniers mois signe l’émergence d’une nouvelle forme d’activisme actionnarial en Europe.
Il est vrai que les fonds activistes continuent de ne pas avoir bonne presse.
L’action récemment orchestrée à grand frais médiatiques du hedge fonds TCI Fund Management contestant les conditions du rapprochement de Safran et Zodiac, les campagnes activistes menées par des fonds tels que Elliott Management ou Muddy Waters, l’entrée forcée d’un représentant du fonds d’investissement de Nelson Peltz, Trian, dans le conseil d’administration de General Electric, sont autant d’épisodes qui pourraient laisser penser aux néophytes de la vie financière et économique que leur action est nécessairement agressive, mal intentionnée, et en fin de compte, nocive pour les entreprises.
L’activisme est le plus souvent compris comme l’action exercée par quelques hedge funds aux moyens économiques et humains remarquables, compétents, dotés d’une féroce puissance de négociation, faisant prévaloir une vision court-termiste et purement opportuniste.
En réalité, il serait dangereux et inapproprié pour la compétitivité de la place de Paris de n’y voir que l’action sauvage et destructrice d’une finance sans visage, et par conséquent, traiter l’activisme avec dédain. Cette analyse nous semble à tout le moins brutale et incomplète.
Tout d’abord, et pour s’en tenir à un examen purement objectif des moyens mis en œuvre, l’activiste n’est rien d’autre que l’actionnaire qui se réapproprie ses droits, ceux-là même que la loi lui reconnaît en contrepartie de son apport, et du risque social qu’il a accepté de courir.
A cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir que les actionnaires, trop souvent effacés, ne s’emparent de leurs droits et injectent une dose de contradiction, voire de contestation, dans le fonctionnement de l’entreprise.
Les actionnaires, en étant passifs, privent en effet les dirigeants d’une source nécessaire et précieuse de contradiction. L’activiste peut, de la sorte, participer à l’émergence d’une meilleure gouvernance et contribuer à la performance de l’entreprise, dès lors qu’il exerce ses nombreuses prérogatives dans l’intérêt de l’entreprise.
Dès lors, la question n’est donc pas tant celle de savoir si l’activisme est souhaitable, nécessaire ou menaçant, car il est désormais inéluctable, mais plutôt celle des ressorts profonds de l’action menée par ces actionnaires, de leur capacité à analyser les fondamentaux, et in fine, leur faculté et leur volonté de remplir un rôle constructif à l’encontre des entreprises.
Une telle analyse se fera au cas par cas et recevra donc une réponse différente selon les objectifs recherchés.
Car si le droit à la contestation est exercé dans l’intérêt de l’entreprise, il contribuera à son essor, permettra parfois d’éviter de mauvaise décision, d’améliorer la gouvernance, de revoir la stratégie, et en fin de compte, concourir à la performance au long court de l’entreprise.
A l’inverse, si l’activiste cherche ouvertement à déstabiliser, dépecer, détruire, l’objectif de récupération à bas prix de l’entreprise est évident, et cela ne relève plus du jeu efficace et souhaitable d’une contestation vertueuse.
L’émergence d’un activisme constructif doit par conséquent être bien comprise, d’autant qu’elle peut créer un mouvement et ainsi, devenir le fait de toutes les catégories d’actionnaires minoritaires, y compris les actionnaires individuels, comme l’a démontré récemment le dossier SoLocal Group.
Ainsi, l’élan libéral et probusiness qui s’est emparé de notre pays ces derniers mois est de nature à inviter les acteurs économiques et politiques à considérer avec une certaine intelligence économique l’activisme, dès lors que celui-ci s’inscrit dans une attitude de défense de l’intérêt de l’entreprise.
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